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parce que l'ambassadeur des Vénitiens avoit affuré le pape, que, quoique la feigneurie eût fait alliance, avec François I. le fénat ne donnoit point entrée dans fes villes à l'armée Françoise, d'où le légat avoit conclu que les Vénitiens ne hazarderoient pas leur armée pour empêcher le paffage d'une riviere, de crainte que fi elle étoit défaite, leur état de Terre-ferme ne changeât de maître auffi-bien que le: Milanez: mais le légat fut fort furpris lorfque Co-lonne vint lui apprendre dès le point du jour que Lautrec avoit envoyé la nuit de l'artillerie dans Ponte-Vico, pour battre le camp des confédérés dans: Rebec. En effet le dommage que leur armée reçut de cette artillerie, le contraignit une heure après de quitter fon poste dans une fi grande confternation, que fi Lautrec, au lieu d'envoyer fes canons à PonteVico, y fût allé lui-même avec fes troupes, les con-fédérés ne pouvoient manquer de périr dans Rebec, ou de fe faire tailler en piéces par les François & les Vénitiens qui étoient beaucoup plus forts qu'eux.

AN. 1521

Lautrec man

de battre Par

fédérés.

Les Suites qui voyoient bien l'occafion que Lau- LX.. trec venoit de laiffer échapper, demanderent en que l'occafion raillant, la récompenfe qu'on avoit coutume de don-mée des conner à leurs soldats après une bataille gagnée, parce Guicciard. 1. qu'ils avoient fait de leur côté tout ce qu'il falloit + pour être victorieux. Les troupes du pape & de l'em-pereur s'étoient retirées à Gabionetto dans le Mantouan, d'où elles allerent fe retrancher à Oftiano pour attendre les douze mille Suiffes que le cardinalde Sion leur amenoit. Quand ce prélat se vit maître de ces troupes, craignant qu'elles ne s'apperçuffent bien tôt qu'elles alloient combattre contre la Fran Tome XXVI.

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AN. 1521.

ce,

ils les prévint, & leur dit qu'elles ne contrevien→ droient point aux articles de leur traité ; qu'il ne s'agiffoit point ici des intérêts de la France, mais de ceux du pape & du faint fiége; qu'elles alloient combattre pour aider au recouvrement de Parme & de Plaifance, fur lefquels François I. n'avoit aucun droit. Pour rendre ces raifons plus efficaces, il répandit entre les Suiffes une fomme d'argent affez confidérable, & par-là il en gagna la plus grande partie. Néanmoins il y en eut quatre mille tous du canton de Zurich, qui ne voulurent pas imiter les autres; ce qui caufa beaucoup de divifion. Les Cantons l'ayant appris, envoyerent des ordres à tous les Suiffes de quitter les deux armées sans distinction, parce qu'il ne convenoit point que ceux d'une mê¬ me nation combattiffent en même-tems dans deux camps ennemis, & s'égorgeaffent ainfi mutuellement. Le cardinal de Sion, qui fe doutoit que ces ordres viendroient, orit tant de précautions qu'il les furprit; mais il ne retint que celui qui s'adreffoit aux Suiffes qui combattoient en Italie dans l'armée des confédérés, & il laiffa paffer celui qui étoit pour les Suiffes que Lautrec avoit dans fon armée. Sur cet quittent l'ar- ordre, ces derniers quitterent le parti de Lautrec çois. dans le deffein de s'en retourner; mais voyant que ceux qui étoient dans l'armée des confédérés y deBellai, l. 2. meuroient, & croyant qu'ils n'avoient point reçu le même ordre qu'eux, ils en furent extrêmement piqués. Le cardinal de Sion rufé politique profita de leur jaloufie: ils leur demanda s'ils vouloient se joindre à ceux de leurs compatriotes qui combattoient dans l'armée des confédérés, & leur offrit de

LXI.

Les Suifles

mée des Fran

15.

Belcarius, 1.

Mémoires du

l'argent d'avance, & de les payer toujours exacte- AN. 1521. ment & plus largement que Lautrec ne pouvoit faire. Par ce double artifice il trompa les Cantons, & augmenta le nombre de fes foldats.

14.

LXII.

Lautrec fe

Quicciard. 1.

Lautrec déconcerté par cet événement, abandonna la riviere d'Oglio, & fe retrancha fur le bord de retire à Milan. celle d'Adda, qui étoit la derniere que les confédérés avoient à passer pour entrer dans le centre du Milanez; & il fe jetta enfuite dans Milan avec ce qui lui reftoit de troupes: mais au lieu d'employer le peu de tems qui lui reftoit jusqu'à l'arrivée de Colonne & de Pescaire à contenir les bourgeois, & à fe bien fortifier, il ne fit qu'irriter le peuple par de fanglantes exécutions. Une conduite fi imprudente irrita les plus considérables de la bourgeoifie: il envoyerent un payfan un chancelier Moroné pour lui dire de faire avancer l'armée des confédérés, & qu'on lui livreroit la place. Ce paysan fut furpris en fortant de Milan, & mené à Profper Colonne, qui ne crut pas devoir mépriser l'avis qu'on donnoit à Moroné; il donna ordre à Pefcaire qui commandoit l'avantgarde de s'approcher du boulevart de Saint-Vincent pour obferver la contenance des Milanois. Les Vénitiens qui s'étoient chargés de garder ce pofte n'eurent pas plutôt apperçu l'ennemi, qu'ils prirent la fuite; & Pefcaire s'étant mis auffi-tôt à les poursuivre, fes troupes ne différerent pas d'entrer dans le ravelin, enfuite dans la ville, après avoir fait prifonnier Theodore Trivulce, qui tout malade qu'il étoit, avoit couru au bruit fans armes, & fur un mulet. On prit auffi Jules de San-Severino, & le marquis de Vigevano; & peu s'en fallut que le provediteur Gritti ne fubît le même fort.

Kij

AN. 1521.

LXIII.

confédérés le

Jan, & entre

Mémoire du

Les foldats de Pescaire étant dans la ville, furent bien-tôt fuivis de Prosper Colonne, accompagné du L'armée des cardinal de Medicis, & du marquis de Mantoue, faifit de Mi- qui tous entrerent dans Milan avec la plus grande dans la place partie de l'armée par la porte de Pavie. Lautrec fe déBella, 1. 2. fioit fi peu d'être attaqué ce jour là, qu'il fe promenoit devant le château, pendant que Lefcun fon frere étoit au lit, fatigué du travail du jour précédent. Les fuyards lui vinrent dire que la faction Gibeline avoit fait entrer les ennemis dans la ville par la porte de Pavie. Cette nouvelle l'obligea de monter à cheval, & de fe refugier à Côme avec cinq cens hommes d'armes, trois ou quatre mille Suiffes qui n'avoient point voulu déferter, & quelques foldats d'infanterie, après avoir laiffé garnison dans le château de Milan, fous la conduite d'un feigneur Gafcon, nommé Mafcaron. Pefcaire fuivit Lautrec pendant qu'on bloquoit le château. Son deffein étoit de l'obferver feulement; mais ayant appris que Lautrec n'avoit eu que le loifir de jetter cinquante hommes dans Côme avec le fieur de Vandeneffe, frere du maréchal de Chabannes, il affiégea la place & la battit avec tant de vigueur, que le commandant fut obligé de capituler; mais la capitulation ne fut pas obfervée, & la garnison de Côme fut en fortant dévalisée par les Efpagools; ce qui irrita beaucoup Vendeneffe, jufqu'à appeller Pefcaire en duel; mais l'affaire n'eut pas de fuite.

! LXIV.

rent de beau

Lautrec ayant appris que les bourgeois de CremoIls s'empa- ne s'étoient révoltés, il y alla en diligence, remit coup d'autres les rebelles dans leur devoir, & les obligea à lui cune réfiftau- payer cent mille livres; mais cela ne fuffit pas pour

places fans au

ce.

rétabir fes affaires. Durant fa marche il perdit plu- AN. 1521. fieurs places considérables du Milanez, Pavie, Lodi, Parme, Plaisance, dont les bourgeois se rendirent aux confédérés. Les Vénitiens étonnés d'une révolution fi fubite, pour se garantir de l'orage, tenterent de s'accommoder avec le pape, & lui firent offrir par leur ambassadeur de rompre l'alliance qu'ils avoient faite avec les François ; mais Leon X. n'eut pas le tems d'écouter leurs propofitions. On dit que la joie qu'il reffentit en apprenant les heureux fuccès de la ligue, fut fi extrême, qu'il eut la fiévre. Quoi qu'il en foit, il en fut attaqué affez fubitement, & il mourut le premier de Décembre de cette année 1521, âgé seulement de quarante-quatre ans, après avoir gouverné l'église huit ans, huit mois & vingt jours. On foupçonna qu'il avoit été empoisonné. Il 14. fut enterré dans l'église du Vatican dans un tombeau de brique. Paul Jove dit que depuis sa jeunesse jusqu'au p. pontificat il vécut dans une parfaite continence; mais, cet historien ajoute que depuis qu'il fut pape, fon naturel plus facile & plus complaifant que corrompu, le fit tomber dans bien des défordres: auffi n'avoit-il

auprès de lui que des gens qui, au lieu de l'avertir de fon devoir, ne lui parloient que de parties de plaisir. Comme il avoit eu des précepteurs qui l'avoient trèsbien inftruit dans les belles lettres, il les aima toujours, & protegea les fçavans & les beaux efprits: il favorifa principalement les poëtes, en quoi il ne garda pas toujours les mefures de gravité que fon caractére demandoit. Il faifoit plus de cas de ceux qui fçavoient la fable, les anciens poëtes & l'érudition profane, que de ceux qui entendoient la théologie &

LXV.

Mort du paPaul Joy. in vit. Leon X. Onuphr. I Leon. X.

pe Leon. X.

Guicciard.l.

Victorel in vit,

Ciacon. t. 3.

313.

pond. ann.

1521. n. 9.. Raynal. an. 1521.

Jean de Crefp.

état

de l'église,

an. 1521. p. S•

6.

Hist. de M.

de Thou. l L.

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