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La petite tivière qui fe préfente vous en gage à fuivre fon cours; elle eft ombragée par des faules, fous lefquels paffe le chemin public de Ver à Ermenonville: c'eft celui que l'on prend pour continuer la promenade le long de la prairie. Nous allons bientôt trouver des fcènes paftorales, qui nous rameneront aux fictions aimables du premier âge. Les tableaux de la Prairie Arcadienne auront tous ce caractère champêtre & fimple, fi convenable à des lieux qui font cenfès avoir été habités par de bonnes gens. Le ruiffeau que vous côtoyez n'a pas plus de fix pieds de large, & trois de profondeur. C'est cependant là le petit volume d'eau dont on a tiré un fi grand parti pour former les lacs, les cafcades, & la rivière des jardins d'Ermenonville: elle fe nomme la Nonette. Après avoir pris fa fource au village de Ver, elle defcend à Ermenonville, Chaalis, Fontaine Senlis, & va former les belles eaux qui contribuent à faire de Chantilly un féjour enchanteur elle fe jette enfuite dans l'Oise. Peu de rivières, dans leur cours, arrofent des lieux plus agréables.

Après avoir traversé le premier pont que l'on rencontre fur la droite, vous entrez dans un bois d'aunes, où le trouvent une pièce d'eau

& quantité de petits ruiffeaux, dont les différentes branches féparent des touffes de bois. qui forment autant de petites îles. Du banc, placé fur le bord de l'eau, on jouit de la vue de la Prairie Arcadienne dans tout fon développement. Sur le devant de ce tableau eft une cabane de rofeaux, appuyée contre un vieux chêne, dont les branches s'étendent au loin pour garantir de la fureur des vents l'habitation qu'elles ombragent. Cette fimple demeure rappelle l'idée de la cabane de Philémon & Baucis. On lit fur la porte:

Le fiècle d'or ne fut point fable:
Point d'or, on n'y manquoit de rien :
Dans ce fiècle de fer, eh bien !

On a de l'or, on eft plus miférable.

Le plus riche eft celui qui, fans gêne & fans foins, A le plus de plaifir & le moins de befoins.

Après avoir erré en fuivant le cours des différens ruiffeaux qui ferpentent dans le bois d'aunes, on en fort pour rentrer dans la forêt qui n'en est séparée que par une petite rivière, fur laquelle est un joli pont de bois qu'on paffe pour arriver à un banc circulaire ; des coudriers pliés en berceaux le couvrent, & forment une grotte verte. Sur le grand chêne qui eft en face, vous apercevez un trophée champêtre, au deffous duquel on lit cette

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idylle, dont la mufique & les paroles font de M. de Gérardin.

O Chloé je t'aime, parce que ton ame eft aussi douce que les graces qui t'embelliffent. Cette grotte de verdure, c'est moi qui l'ai faite pour toi. O Chloé! je t'aime, parce que ton ame eft auffi douce que les graces qui t'embelliffent. Elle eft garantie des ardeurs du midi; les zéphyrs feuls y peuvent pénétrer. O Chloé! je t'aime, parce que ton ame eft auffi douce que les graces qui t'embelliffent. Au pied de fon ombrage eft une petite fource d'eau pure; tous les oifeaux de ce bocage s'y rendront à ta voix; d'ici nous pourtons voir nos troupeaux bondir fur la prairie voifine. Viens, Chloé, viens dans cette retraite, & nous y ferons heureux; car non feulement je t'aime, mais je t'aimerai toujours, parce que ton ame eft auffi douce que les graces qui t'embelliffent. Et Chloé aimera Daphnis, parce qu'aucun berger ne peut l'aimer, ne peut l'aimer mieux que lui.

Ainfi chantoit Daphnis, le berger qui planta cette grotte verte: Chloé, du bocage voifin, entendit fon naïf chant d'amour; elle en fut vivement touchée, parce qu'elle fentit qu'elle étoit aimée véritablement. O mon ami, dit-elle en s'avançant & tendant la main à Daphnis, je viens dans ta grotte, & nous y ferons heureux; car je t'aime plus que mon agneau n'aime l'herbe fleurie, plus que les abeilles n'aiment le doux parfum des fleurs (1).

1) On trouvera la musique de certę idylle à la fin de l'Ouvrage..

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