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Celui qui n'a qu'un feul jour dans la femaine pour fe divertir, ne doit pas perdre un feul moment. On a raffemblé, tous les jeux autour de ce lieu confacré aux plaifirs du village. Si la jeuneffe fe réunit aux fons des violons, les hommes d'un âge mûr pouffent d'un bras vigoureux la balle dans les airs, tandis que d'autres, d'un poignet ferme & nerveux, s'exercent à lancer la flèche qui doit un jour leur mériter le gobelet d'argent promis au plus adroit. Sur l'arcade qui fe trouve au milieu du jeu d'arc, on lit cette devise :

In medio virtus.

Les bons vieillards, dont les forces ne leur permettent plus de fe livrer à ces exercices, font encore heureux, en répétant que dans leur temps on étoit bien plus agile, bien plus adroit.

Mais fuivons le chemin qui côtoye le jeu de paume; la mufique champêtre, le bruit du battoir qui renvoie la balle, les chants des villageoifes, les cris des enfans fe confondent; & à mesure que vous vous éloignez, la futaie reprend fon caractère filencieux. Elle est compofée de jeunes charmes, dont les rameaux, en fe réuniffant en berceau, loin de produire une obfcurité profonde, ne

préfentent qu'un jour égal & doux, qui repofe les yeux & convient fi fort à l'ame.

L'aspect d'un autel carré, semblable à ceux des Druides, vous fait fortir de cette mélancolie fi douce dans laquelle le calme des bois vous plonge prefque malgré vous. Cet autel eft placé à côté d'un chêne antique, auquel eft fupenfdu un large bouclier qui porte l'inscription suivante.

Que ce vieux chêne esmy, cet ancien bois,
De nos aïeux nous ramente l'usage;

Par la fageffe ils choififfoient leurs Rois,
Leurs Généraux par le courage.

Le vice n'étoit point, chez ces braves Gaulois,
Objet dont on ne fît que rire:

Plus fort que n'eft ailleurs celui des bonnes lois;
Des bonnes mœurs chez eux plus fort étoit l'empire
Tout enfant par sa mère étoit lors allaité,

Et leurs femmes étoient leurs confeils, leurs oracles, Et n'eftimoient de dignes tabernacles,

Pour rendre culte à la Divinité,

Fors du dôme des cieux les voûtes éternelles,
Ou des chênes anciens les ombres folennelles.

Déjà le jour devient plus vif, les rayons du foleil plus brillans, l'ombrage eft moins épais, la vivacité de la lumière augmente à chaque pas; tout vous annonce que la futaie va finir. Effectivement vous arrivez bientôt au grand chemin de fable qui fépare le Défert

de l'enclos de la forêt. Sur un arbre ifolé vous lifez ces vers d'Horace :

Tantum juvat (1) filvas interreptare falubres Curantem quidquid dignum fapiente, bonoque eft. HORACE, Lib. 1, Epit. IV.

Quel plaifir d'errer dans les bois pour celui qui médite fur tous les objets dignes des recherches de l'honnête homme & du Sage.

De l'autre côté du chemin de Senlis à Ermenonville, on trouve une baraque conftruite avec de vieilles fouches placées les unes fur les autres; ce qui lui donne un caractère ruftique, mais non pas une forme pittorefque. Ce changement de fcène auroit pu être préparé par un bâtiment d'un flyle plus prononcé. On lit fur la porte de celui-ci:

Le Charbonnier eft maître chez lui.

J'avois vu cette infcription en voyageant en Angleterre, & n'en fus point étonné....

Après avoir traverfé cette baraque, on entre dans la partie du parc appelée le Défert. Que le pays qui fe préfente alors à vos yeux eft beau, vafte; & magnifique !

Un terrain inculte, couvert de productions de toute espèce, une immenfe quantité de genêts, dont la fleur dorée produit un coupd'œil raviffant; des côtes de bruyères, des (1) Horace a dit: An tacitum filvas interreptare falubres,

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