Le titre de l'Ouvrage, que j'ai l'honneur de dédier à votre Eminence, annonce d'abord les juftes motifs, qui m'engagent à le faire paroitre fous fes aufpices. Perfonne n'ignore.

MONSEIGNEUR, quelles font vos bontès vos bontés pour un Ordre, que vous honoriez de votre estime, avant même que vous lui cuffiez fait la grace de le prendre fous votre protection. Hé combien n'a-t'il pas reçu depuis de nouvelles preuves de - votre bienveillance? Combien n'en reçoit-il point tous les jours?

La perte, que nous venions de faire par la mort d'un faint Pape, qui, pour nous marquer fon amour le plus tendre, s'étoit déclaré le Protecteur de ceux qu'il vouloit bien appeller fes Freres, avoit changé des jours de confolation, &de gloire, en des jours de deüil, de trifteffe, & de tribu-·* lation. Votre favorable protection, MONSEIGNEUR, effuyé nos larmes ; elle à prévenu prefque nos défirs; & a furpaffe meme nos efperances.

Tout ce qu'avoit fait Benoit XIII, pour donner à l'Ordre de faint Dominique, des marques éclatantes de fa prédilection, tout ce qu'il avoit publié en faveur de fa Doctrine,

de fon Ecole, vous l'avez rendu encore plus folemnel, par l'autorité de fon Succeffeur. La Bulle Verbo Dei, précieux monument de votre zele, & l'objet de notre reconnoissance la plus vive, nous la devons, MONSEIGNEUR, à vos inftances auprès du Vicaire de Jefus-Chrift; à qui vous êtes fi intimement uni, moins par les droits de votre illuftre naiffance, que par la fageße de vos confeils. Comme rien n'échappe à l'étendue de vos lumieres, rien aui ne peut arrêter l'ardeur de votre zele, dès qu'il s'agit des intérêts de la Justice, ou de la Religion. Tel eft l'ufage, que vous faites de l'éminente dignité, dont vous êtes revetu: Superieur à tout ce qu'elle a d'éclat, & d'élevation, vous ne vous en fervez que pour l'utilité publique.

La divine Providence, toujours attentive aux befoins de fon Eglife, lui a donné dans fa miféricorde un Pontife felon fon caur, un Pafteur formé de fa main, fur le modèle de tant de grands Perfonnages iffus de votre fang; de tout tems diftingues dans le grand Duché de Tofcane, également recommandables par les dons de la nature,& par le mérite de leurs vertus. Clement XII place fur la Chaire de Saint Pierre, pour en maintenir la fplendeur, pour en défendre les droits,

&en infpirer le refpect à tous les fidéles, a eu le bonheur de trouver, dans le fein de fon illuftre Maison, un homme véritablement digne de fa confiance, & capable de partager avec Sa Sainteté, le foin de toutes les Eglifes, dont elle eft chargée; un homme déja connu dans toutes les Cours de l'Europe, par les rares talens, qui l'avoient fait admirer dans le Congrès de Cambray, & dans la Capitale de ce Royaume.

C'étoit donc avec juftice que les vœux publics vous deftinoient la pourpre, long-tems même avant votre promotion. Un choix fi fage, fi juftement applaudi, en vous approchant du Trône, dont vous devièz ètre l'appui, a mis dans un nou veau jour toutes les grandès qualités, que vous poffediez, & qui étoient néceffaires pour remplir avec diftinction, les premieres places dans le facré College.

Ici, MONSEIGNEUR, S'offriroit une ample matiere L'éloges, fi je ne fçavois que les louanges font ordinairement infipides à ceux, qui méritent le plus d'ètre loués. Mais par quelles expreffions pourrois-je représenter, comme il faut, ce zéle de la Religion, cette pieté fans fafte; cette infatigable application aux affaires, qui fe traitent dans les differentes Congrégations, dont vous êtes lame, ce goût excellent pour les Sciences, & pour les Belles-Lettres, ou cette attention à favorifer, dans toutes les occafions, ceux qui en font leur étude particuliere, ce carattere enfin de douceur, de politeffe, &. de générosité, qui vous porte à faire du bien à tout le monde, & qui vous gagne tous les cœurs?

Rome ne ceffe d'amirer toutes ces vertus dans le digne Ne-veu du Souverain Pontife. Et les enfans de faint Dominique les révérent dans la perfonne de leur augufte Protecteur. Sirgulierement intéreffés à votre gloire, nous faisons en mèmetems des vœux pour votre confervation: & ces vœux font: d'autant plus ardens & plus finceres, qu'inspirés par la Religion, ils font encore animés par la reconnoiffance.

Un Ordre qu'on a vû s'établir, s'étendre, s'accréditer par les faveurs du Saint Siege & comme à l'ombre du Trône Apoftolique, ne peut avoir que de tels fentimens. Il n'en: aura jamais d'autres pour un Prince de l'Eglife, fi digne der fuccéder à ceux qui ont pris plaifir à nous combler de bien

faits; & dont le fouvenir fera toujours profondément gravé

dans nos cœurs.

Si votre Eminence daigne jetter quelques regards fur l'Hiftoire de notre faint Fondateur, & de fes premiers Dif ciples, elle verra que la vivacité de leur zéle, leur respectueux &inviolable attachement à la Chaire de faint Pierre, n'ont pas été moindres, que les faveurs, qu'ils en avoient reçues. Héritiers de leur efprit, nous nous ferons toujours une loi de marcher fur leurs traces: & la protection que vous voulez bien, MONSEIGNEUR, accordèr à l'Ouvrage, que j'ai l'honneur de vous offrir, fera pour moi un nouveau motif de me dire toute ma vie, avec le plus profond respect,

MONSEIGNEUR,

DE VOTRE EMINENCE,

Le très-humble, & très-obéiffant ferviteur, F. A. TOURON, de l'Ordre des FF. Prêcheurs.