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confolante! Tout y refpire l'honnêteté, la candeur & la fenfibilité d'une belle ame. Eft-il un systême de morale naturelle plus parfait, que fon admirable (1) Traité des Offices, où il trace à l'homme & au citoyen, avec toute la force de la raifon & toutes les lumières de la fageffe, la manière de remplir les devoirs de la vie civile? Où trouver une réfutation plus folide & plus intéreffante de la doctrine d'Epicure, de Zénon & des Stoïciens, que dans fes Entretiens (2) fur le fouverain bien & fur les vrais maux? Avec quelle réserve, avec quel respect il parle de la divinité (3)! Quelle force il donne aux nœuds de l'amitié (4), qui ne peut être ni fincère, ni durable, fi la vertu ne les a pas formés! Quelle fublime confolation il (5) offre à la

(1) De Officiis.

(2) De Finibus bonorum & malorum. (3) De Naturâ Deorum.

(4) Lælius, five de Amicitiâ.

(s) Cato major, five de Sencâute,

vieilleffe! comme il affoiblit fes regrets, par l'efpérance d'une autre vie! Si de la Philofophie & de la Morale, il passe à la Littérature, à qui convient-il mieux qu'à lui de donner des préceptes, & d'inftruire les Orateurs? Où puifer un goût plus fin, plus délicat, plus sûr, des leçons plus excellentes & plus folides pour conduire à la véritable éloquence, que dans fon Traité de l'Orateur? En un mot tous les ouvrages de ce grand Homme font marqués au coin du vrai & du beau. Ils font écrits avec une élégance foutenue, une pureté de ftyle & d'expreffion, & une harmonie qu'on chercheroit vainement dans les autres Ecrivains. Il eft vrai, ( & Cicéron en convient lui-même, quand il dit (1), qu'il s'exerçoit particulièrement à composer en Grec, parce que cette langue

(1) Idque faciebam multùm etiam Latinè, fed Græcè fæpius: vel quod Græca oratio plura ornamenta fuppeditans, confuetudinem fimiliter Latinè dicendi afferebat. CIC. de Clar. Orat. no 90.

lui fourniffoit des beautés dont il enrichiffoit la fienne); il eft vrai, dis-je, qu'il doit aux Grecs toute la perfection, toute la fupériorité qu'il avoit acquifes dans ce grand Art; mais c'est en homme de génie qu'il en a profité. Il n'a pas fervilement marché fur leurs traces; il les a fuivi d'un pas égal; & c'est à ce mouvement libre & majeftueux qu'on reconnoît le génie. Cet Orateur qui avoit fans ceffe devant les yeux Démosthène, eft devenu par un travail opiniâtre, par de longues veilles, par la méditation continuelle des bons Auteurs Grecs, le plus parfait des Orateurs Latins, & un modèle accompli d'éloquence; on ne fauroit donc trop exhorter la jeuneffe à faire fa principale étude & fa méditation particulière des écrits de cet admirable Orateur fur-tout quand on peut dire aujourd'hui de l'Eloquence, ce qu'il en disoit à la mort d'Hortenfius, qu'elle eft orpheline, & qu'elle a plus befoin que ja

mais (1) d'être protégée & défendue contre les efforts de tant de prétendans, fans mérite & pleins d'audace; & qu'il eft néceffaire de veiller fur elle, comme fur une jeune vièrge, pour la garantir des outrages de ces hommes qui paroiffent brûler pour elle, & qui ne cherchent qu'à la corrompre & à la déshonorer.

Parmi le grand nombre d'excellens Orateurs qui occupèrent la Tribune en même-temps que Cicéron, un feul peutêtre eût pu lui difputer le premier rang, Jules Céfar. Mais dévoré d'ambition, il préféra d'envahir le pouvoir fuprême, & d'éteindre dans le fang la liberté Romaine. Doué de tous les talens du génie, de toutes les grâces de la figure,

(1) Nos autem, Brute, quoniam poft Hortenfii, clariffimi Oratoris mortem orbæ eloquentiæ quafi tutores relicti fumus, domi teneamus eam septam liberali custodia : & hos ignotos atque impudentes procos repudiemus, tueamurque, ut adultam Virginem, caftè & ab amatorum impetu, quantum poffumus, prohibeamus. Id. Ibid.

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de toutes les qualités qui font le grand Orateur, il eût vaincu fes rivaux dans la Tribune, avec la même facilité qu'il vainquit fes ennemis dans les champs de Pharfale.

Mais tandis que l'éloquence jouiffoit déja depuis long-temps de toute fa gloire, le Génie de la Poéfie dormoit encore; ou s'il étoit forti quelquefois de fon engourdiffement, il n'avoit fait entendre que des fons rauques & durs. Indigné, à fon réveil, des vices de toute ef pèce qui régnoient dans Rome, il arma le premier la vérité, comme s'exprime Boileau, du vers de la Satire (1): cruelle, & fouvent impuiffante reffource contre les mœurs corrompues! Borné à quelques autres genres particuliers, il n'avoit encore enfanté rien de grand & d'élevé, lorfque, tentant un vol plus hardi, il voulut depuis embellir la Philofophie de fes brillantes couleurs. Mal

(1) C. Lucilius eft l'inventeur de la SATIRE, inconnue chez les Grecs.

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