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accompagnées des plus ingénieufes moralités, propres à tous les âges, à tous les états, à toutes les conditions. Ces Apologues ne nous font parvenus, que comme tant d'autres Ouvrages précieux de l'Antiquité, tout mutilés tout corrompus. C'est encore aux favantes veilles de M. l'Abbé BROTIER , que nous en devons la reftauration (1). Ses fupplémens & fes corrections ont toute la grâce, toute l'élégance, toute la pureté de l'original; & fes vers confervent le tour agréable & charmant des vers de Phédre. Comme ce Fabulifte eft le premier Auteur claffique que l'on mette entre les mains des jeunes Étudians, M. l'Abbé Brotier a fuivi l'heureufe idée, qu'il a exécutée dans fon Tacite, en raffemblant les morceaux de Corneille & de Racine,

(1) Phædri Augufti liberti Fabularum Libri V, cum Notis & Supplementis GABRIEL'S BROTIER, accefferunt paral\ lela JOANNIS DE LA FONTAINE Fabulæ. Parifiis, Typis J. BARBOU, 1783.

qui font imités de cet Historien. Il met de même en parallèle les Fables de la Fontaine, avec celles de l'ancien Fabulifte. Quelle douce & folide fatisfaction le Lecteur ne goûte-t-il pas, par ce rapprochement agréable & inftructif? Il voit le Génie aux prifes avec le Génie, & il peut juger qui doit avoir le prix dans cette lutte ingénieufe. S'il admire dans Phédre fa concifion, s'il trouve qu'il conte avec plus de jufteffe, que fon ftyle eft plus correct & plus pur; il est enchanté de trouver dans l'inimitable la Fontaine, plus de naturel & de fimplicité, plus de ces grâces naïves, qui ne font qu'à lui feul, plus de vivacité, d'enjouement & de délicateffe; enfin aux aimables négligences dont il est plein, il reconnoît le négligé des Grâces. C'est en faifant de pareilles comparaifons (1) que l'efprit fe forme,

() Talibus exper mentis mens acuitur, crefcit ingeniem, puriffimis veri pulchrique fuccis imbuitur. BROILER, Praf. Fabul. Phadri, pag. 9.

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que le génie s'étend, & que l'ame se nourrit & s'imbibe des fucs les plus purs du vrai & du beau. Mais quelque fupériorité que la Fontaine ait fur Phédre, il n'en faut pas conclure, que la Fontaine ne doive rien à Phédre que Corneille & Racine n'aient aucune obligation à Tacite au contraire c'eft la lecture, la méditation de ces grands modèles, qui ont développé le talent de ces illuftres modernes. Ils ont lutté contre les anciens, & l'ont fouvent emporté fur eux: mais avec quelles armes? Celles du génie qu'ils leur avoient dérobées, & dont une étude longue, fuivie & raifonnée leur avoit rendu l'ufage familier. Il est donc important d'exciter l'émulation de la jeuneffe, par ces exemples célébres, & de l'accoutumer, à fe former le goût, en comparant les grands Écrivains de l'Antiquité avec les nôtres, à commencer par Phédre & la Fontaine. Phédre écrivoit fes Fables dans un

temps

temps où tous les vices étoient affis fur le Trône, & où Séjan leur infâme Miniftre fe plaifoit à perfécuter les gens vertueux. Phédre en fouffrit, parce que l'éloge qu'il faifoit de la vertu, paroiffoit être aux yeux du Miniftre, la fatire de fes moeurs.corrompues.

Le temps de la décadence étoit arrivé. Le beau règne de la Littérature Grecque avoit eu la plus longue & la plus heureuse durée, tandis qu'à peine formé, on avoit vu difparoître celui de la Littérature Latine, toute rayonnante encore qu'elle étoit de la fplendeur & de l'éclat que les Cicéron, les Horace & les Virgile avoient répandus fur tous les objets qu'elle embraffe. Cette révolution eut des fuites fàcheufes & durables, parce qu'il eft difficile de rétrograder fur foi-même, quand c'eft l'amourpropre qui nous égare. D'ailleurs les régnes odieux, & les mœurs effrénées des Tyrans fucceffeurs d'Augufte

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n'étoient pas faits pour rallumer le génie de l'ancienne Eloquence, entiè→ rement éteint depuis la mort de Cicéron. Plus le mauvais goût faifoit de progrès, plus le nombre des détracteurs frivoles de ce grand Homme groffiffoit. Chacun d'eux le jugeoit à fa mode, fans néanmoins pouvoir s'accorder fur les défauts qu'on s'efforçoit en vain de lui trouver. Ne lui reprochoit-on (1) pas, même de fon vivant, un ftyle ampoulé,

(1) Quem tamen & fuorum homines temporum inceffere audebant ut tumidiorem & Afianum & redundantem & in repetitionibus nimium, & in falibus aliquando frigidum, & in compofitione fractum, exultantem, ac penè (quod procul abfit) viro molliorem.... Ille tamen qui jejunus à quibufdam & aridus habetur, non aliter ab ipfis inimicis male audire, quàm nimiis floribus & ingenii affluentia potuit. Falfum utrumque, fed tamen illa mentiendi propior occafio. Præcipue verò prefferunt eum, qui videri Atticorum imitatores concupierant............ Unde nunc quoque aridi, & exucci, & exangues (hi funt enim qui fuæ imbecillitati, fanitatis appellationem, quæ eft maxime contraria, obtentant) quia clariorem vim eloquentiæ, velut folem ferre non poffunt, umbra magni nominis delitefcunt. QUINTIL. Inft. Orai, Lib. XII, Cap. X, pag. 895 & 896.

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