Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ceau, & en écarte tout ce qui peut le fouiller. Il veut que fes premiers regards ne tombent que fur des objets honnêtes; que les premières paroles qui frapperont fon oreille & qu'il doit bientôt bégayer, n'aient rien de commun ni de bas; & que tout ce qui l'entoure & l'approche foit vertueux. C'eft au coeur de l'Enfant qu'il s'attache d'abord. Que de précautions, que de foins il exige, pour lui conferver toute fa vie fa première innocence! La fcience & les talens ne font rien fans les mœurs. Si l'on n'accoutume pas l'enfance à chérir la vertu, à régler fa conduite; fi on ne lui inspire pas de bonne heure des fentimens d'honneur & de probité, quel efpoir donnera-t-elle pour l'avenir? Plût aux Dieux, s'écrie (1) ce fage Inftituteur, que nous n'ayons pas à nous imputer à nous-mêmes les vices

(1) Utinam liberorum noftrorum mores non ipfi perderemus. Infantiam ftatim deliciis folvimus. Mollis illa educatio, quam indulgentiam vocamus, nervos omnes & mentis & corporis frangit. Quid non adultus concupiffet, qui in purpuris repit?.... Gaudemus fi quid

de nos Enfans! Nous amolliffons leur enfance par de dangereufes délicateffes. Cette molle éducation leur énerve l'efprit & le corps. Accoutumés à fouler la pourpre, jufqu'où ne porteront-ils pas leurs defirs, à mefure qu'ils avanceront en âge? S'il leur échappe quelques termes trop libres, nous nous en amusons; & ce que nous ne fouffririons pas dans la bouche des plus grands libertins, nous le fouffrons dans la bouche de nos Enfans, nous en rions, nous les careffons. De qui ont-ils appris ces mots licen cieux? Hélas! ils ne font que les échos de ce qu'ils nous ont entendu dire! Nous les rendons témoins de nos libertés criminelles: il n'est point de repas qui ne retentiffe de chanfons indécentes, &

licentiùs dixerint. Verba ne Alexandrinis quidem permitzenda delitiis rifu & ofculo excipimus. Nec mirum: Nos docuimus, ex nobis audierunt: noftras amicas, noftros concubinos vident. Omne convivium obfconis canticis ftrepit: pudenda dictu fpe&tantur. Fit ex his confuetudo, deinde natura. Difcunt hæc miferi antequàm fciant vitia effe. QUINT. Inft. Orat. Lib. I, Cap. II, pag. 19 & 20.,

où l'on n'expose à leurs yeux des chofes qui font rougir la pudeur: ils en contractent l'habitude, qui fe change bientôt en nature, & les malheureux Enfans font déja vicieux, fans favoir ce que c'est que le vice. Sont-ce nos mœurs, ou celles de fon temps, que Quintilien vient de nous peindre? Que l'on juge, d'après ce tableau, du ravage que fait l'exemple, & du danger des premières impreffions.

Des foins que l'on doit à l'enfance, Quintilien paffe aux foins destinés à former l'efprit de fon Elève, à le nourrir de tout ce qui peut l'enrichir & l'éclairer, à le mener par degrés à toutes les Sciences, à tous les Arts, à toutes les connoiffances qui lui font nécessaires, pour devenir un Orateur parfait; & il ajoute tout de fuite: Quand je «dis (1) un Orateur parfait, je le veux

(1) Oratorem autem inftituimus illum perfectum, qui effe nifi vir bonus non poteft. QUINTIL. Inst, Orat. Præm. pag. 4.

» tel, qu'il n'y ait que l'homme de bien » qui le puiffe être». Qui pouvoit mieux que lui donner en même-temps, le précepte & l'exemple? Son Inftitution de l'Orateur eft, à la fois, le Traité le plus complet de Rhétorique & d'Education, dont l'Antiquité nous ait fait préfent. C'eft dans cet ouvrage que les plus grands Poëtes, les plus grands Orateurs, les meilleurs Historiens, les Philofophes Grecs & Latins font appréciés par un Juge qui les connoiffoit à fond, & qui étoit digne de les juger. C'est-là qu'il étale toute la richeffe de la Littérature d'Athènes & de Rome, les beautés & les défauts des Ecrivains des deux Nations, & qu'il nous prefcrit les modèles que nous devons choifir ou rejeter. Où trouver ailleurs, que dans cet excellent Traité, une plus folide inftruction, une plus grande abondance de fages principes, de plus admirables leçons de vertu, une raifon plus éclairée, une connoiffance plus parfaite & plus étendue de

l'Art de la Parole, un goût plus sûr, plus fin & plus délicat ? Il devroit être entre les mains de tous les Instituteurs, de tous les Précepteurs, de tous ceux, en un mot, chargés des honorables & pénibles fonctions de l'Education, comme un guide fidèle, propre à leur tracer la voie dans laquelle ils doivent faire marcher leurs Elèves, pour les faire arriver à la perfection. Que l'illuftre Rollin, ce fage Maître, cet Ecrivain immortel, la lumière, l'ornement & la gloire de l'Univerfité, en connoiffoit bien le mérite! Les hommes vertueux ne font jamais mieux loués que par leurs femblables. Auffi le refpectable Rollin ne laisse-t-il rien à défirer dans l'éloge qu'il fait de Quintilien, où il nous le représente, non-feulement comme un excellent Maître d'Eloquence, mais comme un Homme plein d'honneur & de probité. Cependant, malgré l'utilité dont l'ouvrage de ce grand Reftaurateur du bon goût pourroit être, à ceux qui, par état,

« AnteriorContinuar »