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multitude innombrable d'aftres brillans; qui nous confolent de l'absence du jour; elle nous fait entendre les accords de leur céleste harmonie, & nous apprend à révérer le grand Auteur de toute création, en nous profternant à la vue de fes œuvres; à élever vers lui nos cœurs foumis & reconnoiffans; à l'adoà le bénir, en publiant fes grandeurs & fes merveilles. Il n'y a donc que le Génie, & le Génie infpiré, qui puiffe écrire l'Hiftoire de la Nature. Tout doit y être fimple & fublime comme ellemême. Quelle diverfité de pinceaux, quelle variété de couleurs ne faut-il pas à fon Hiftorien, pour la rendre fous toutes les formes qu'elle préfente! Son ftyle plein de feu, de grâces & de force, doit égaler la majefté, la grandeur & la beauté de fes objets. Tout eft tableau, tout eft image, tout eft fpectacle raviffant dans la Nature. Il faut donc des palettes riches & brillantes, des pinceaux larges & vigoureux, des couleurs

toujours vraies; il faut, en un mot, in Peintre & un très-grand Peintre, comme M. DE BUFFON, pour la faisir, & la préfenter telle qu'elle est. ́

Pline poffédoit auffi ce mérite à un degré éminent. Une imagination forte, vive & féconde, une conception facile & prompte, forment le caractère dif tinctif de fon efprit: fes réflexions profondes engagent le Lecteur à réfléchir avec lui fes idées font lumineufes, fes vues neuves & élevées, fes pensées gran des & hardies: fon pinceau rend fenfible, embellit tout ce qu'il décrit: rien n'eft étranger à fon génie : fon prodigieux favoir embrasse tout : il eft par-tout intéreffant, curieux, amusant, inftructif; & il est encore admirable dans fon Traité des Arts libéraux. Son ftyle eft à lui; il n'appartient ni au fiécle d'Augufte, ni au fien il est énergique, brillant & ferré; fes fréquentes ellipfes peuvent y répandre quelque obfcurité; mais elles donnent plus à penfer. Cette obfcurité

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d'ailleurs, qui, dans les Ecrivains médiocres, eft un vice réel, n'en eft pas toujours un dans les grands Auteurs: elle dépend quelquefois de la hardieffe des idées, & de la rapidité du mouvement de la pensée.

L'Hiftoire naturelle eft tout ce qui nous refte de tant d'ouvrages qu'avoit compofés cet illuftre Ecrivain, qu'une infatiable & téméraire curiofité fit périr, à l'âge de cinquante-fix ans, étouffé par la fumée, en voulant s'approcher de trop près de l'embrâfement du Véfuve, pour observer cet effrayant & terrible phénomène. L'ouvrage de Pline, quoique excellent pour fon temps, ne l'eft plus pour le nôtre, où de nouvelles découvertes & des obfervations multipliées ont étendu, illuftré la science, qui néanmoins étoit affez négligée parmi nous, avant que M. de Buffon nous en infpirât le goût, en y répandant tous les charmes de fon admirable pinceau. Son ouvrage eft le

feul de notre fiécle, qu'on doive lire,

avant ceux des Anciens qui ont traité de la même matière. L'Hiftoire naturelle étoit encore dans fon enfance au temps d'Aristote, de Théophrafte & de Pline. Elle n'a pu faire de progrès, qu'en raifon des découvertes fur le Globe: le Continent entier de l'Amérique, la plus grande partie de l'Afrique & de l'Afie, ainfi que toutes les Mers adjacentes, & celles des Régions polaires étoient inconnues aux Anciens : la plupart des efpèces d'animaux, d'oifeaux, de poiffons, de végétaux, celle même de l'homme habitant de ces contrées, leur étoient également inconnues. D'ailleurs ils ignoroient les loix du mouvement de la Terre & des Corps céleftes; ils ne pouvoient donc écrire en grand fur la Nature, puifqu'ils ne la connoiffoient que par la petite portion de terre qu'ils habitoient. Auffi tous leurs ouvrages ne font point un ensemble, & ne préfentent que des détails très-bien faifis par le génie d'Arif

tote, & encore mieux exprimés par l'éloquence de Pline.

Les douceurs d'un bon régne fembloient devoir ramener les bonnes mœurs & le bon goût. Trajan étoit affis fur le Trône des Céfars, & la fageffe de fon gouvernement faifoit oublier les cruautés & les horreurs des Tibère, des Caligula, des Néron. Mais il en eft des mœurs & du goût comme des fruits, qui, frappés une fois de la grêle, en confervent la marque; leur beauté n'a plus fon éclat; leur faveur & leur parfum font moins doux & moins agréables. La faveur que Trajan accordoit aux Lettres & à ceux qui les cultivoient, les fit fleurir, non avec cette ancienne fplendeur dont elles brilloient dans leurs beaux jours; mais avec prefqu'autant d'ardeur & de fuccès. Tacite, cet illuftre Hiftorien, eft le feul au milieu de tant d'Ecrivains du même temps, qui ne fe foit point reffenti de la plaie que le faux Bel-Esprit avoit faite

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