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ferver un pouvoir abfolu fur fes conquêtes, impofoit aux Vaincus la nécef/ fité de ne parler & d'écrire d'autre langue que celle de leurs Vainqueurs. Cette politique habile, inconnue aux Grecs, affermiffoit à la fois & étendoit fon empire, & fembloit ne faire qu'un feul & même peuple, des peuples conquis & des Romains. Ceux-ci ne refpiroient encore que la guerre & les combats, quand les Gaules pafsèrent fous leur domination. Le Génie de Rome l'avoit bien fervi, en lui foumettant les Gaulois. Ce font eux en effet qui l'ont rendue la maîtreffe du Monde. Soit que l'intérêt, foit que l'amour de la vérité guidât leurs confeils, ils lui apprirent, en adouciffant les mœurs, en éclairant les efprits, que la gloire des armes eft paffagère, que la mémoire des Conquérans est toujours fanglante & douloureufe, & que la puiffance d'une Nation, uniquement fondée fur la force, la crainte & la terreur, une fois anéantie, tombe dans

un éternel oubli; tandis qu'une Nation qui fait joindre l'olive de Minerve aux lauriers de Bellonne, & qui met fa principale gloire à régner fur les efprits, par les Sciences & les beaux Arts, laiffe d'elle un long & doux fouvenir : enfevelie fous fes ruines, elle éclaire les générations qui la fuivent; elle les inftruit encore par fes ouvrages immortels, qui lui confervent à jamais fur les efprits un empire indépendant de la viciffitude des âges & des temps.

Les Gaulois avoient déja, long-temps auparavant, profité des avantages du Commerce que les Romains faifoient avec eux, & qui leur avoit rendu l'ufage de la Langue Latine néceffaire & affez familier, pour qu'elle ne leur fût pas tout-à-fait étrangère. Mais devenus par la fuite fujets de la République, & l'accès de Rome leur étant ouvert, allèrent. y former des établiffemens , & fe perfectionner dans une Langue, qui devoit faire bientôt leur fortune.

ils

de voir

Les Écoles publiques d'Eloquence qu'ils ouvrirent, excitèrent, parmi les Romains une émulation générale d'apprendre & de favoir, qui forma depuis tant de grands Orateurs. Quelle fatisfaction glorieufe pour les Gaulois leurs Vainqueurs venir rendre hommage à leurs talens, & de compter, au nombre de leurs Disciples, les plus illuftres Perfonnages de la République, Cicéron, Préteur alors, & Jules-Céfar (1)!

On peut juger par ces fameux exemples, de l'habileté de ces Maîtres d'Eloquence, & de l'eftime qu'on avoit conçue pour eux. L'amour des Lettres refferra de plus en plus l'union des deux Peuples. Les Gaulois demeurèrent conftamment fidèles aux Romains, & s'appli quèrent avec tant d'ardeur à fe perfeetionner dans la Langue Latine, qu'ils parvinrent à devenir eux-mêmes des Maîtres & des modèles. Ils fentoient le

(1) SUET. de Illuft. Grammat. Cap. VII.

befoin qu'ils en avoient, pour s'ouvrir le chemin des honneurs, des dignités & des premiers emplois de la République. En effet combien de grands Capitaines, d'excellens Orateurs & d'illuftres Philofophes n'ont-ils pas fourni, foit à la République, foit à l'Empire? Ils ont eu l'avantage de foutenir, dans Rome, la fplendeur des Lettres, jusqu'au moment où l'Empire Romain, après tant de fiécles de gloire, s'eft écroulé.

Les Gaules devenoient de plus en plus floriffantes. On voyoit dans toutes les Villes des Écoles célébres, qui ne le cédoient en rien aux Écoles de Rome. Cette ardeur, pour les fciences profanes, préparoit infenfiblement l'efprit des Gaulois, à recevoir la lumière nouvelle qui devoit bientôt les éclairer; & le Chrif tianifme qu'ils embraffèrent, fixa parmi eux l'ufage des Langues Grecque & Latine. L'Églife, dès fa naiffance, les adopta. Elle s'en fervit pour annoncer l'Évangile: ce qui prouve que ces deux Langues

étoient familières au Peuple, qui les parloit & les écrivoit comme fa Langue naturelle. Ne croyons pas que ce foit par hazard ou par choix, comme plus agréables & plus faciles, plus riches & plus abondantes; comme plus claires & plus propres à rendre nettement les idées, qu'elles ont été préférées. N'eftce pas chez les Médes, les Perfes, les Égyptiens & les Phéniciens, que les Grecs ont été puifer les connoiffances, en tout genre, dont ils enrichirent leur Patrie, & qu'ils ne communiquèrent, qu'après une longue fuite de fiécles aux Romains? Or ne doit-on pas préfumer que des Nations, où les Arts & les Sciences avoient choifi leur premier afyle, parloient chacune une Langue digne des Arts & des Sciences qu'elles enfeignoient, & que cette Langue devoit être riche, polie, élevée, expreffive & pittorefque comme celles des Grecs & des Romains? Et tandis que la Langue de ces Peuples célébres s'ett

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