Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ta fans ceffe fous les yeux, & par le foin

attentif de comparer ensemble leurs beautés.

On fe dévoua donc entièrement à l'étude des Auteurs de l'Antiquité: on les fit paffer dans notre Langue, tout informe qu'elle étoit encore. Si ces traductions ne rendoient pas toutes les beautés des originaux, elles en donnoient du moins l'idée, elles les faifoient connoître elles faifoient naître, elles excitoient le defir d'en juger par foi-même fur le texte : car il en eft des traductions comme des descriptions que nous font les Voyageurs, que l'on trouveroit fouvent infidelles, fi l'on étoit en état d'aller les vérifier fur le lieu même; mais dont il faut fe contenter, quand on n'a pas les moyens de s'inftruire par fes

yeux.

Quoi qu'il en foit, les Lettres faifoient de jour en jour les plus grands progrès. Les Savans s'empreffoient d'étaler, dans leurs ouvrages, leurs richef

fes littéraires, & chargeoient leurs moin dres difcours d'une multitude de citations Grecques & Latines. Ce vain étalage d'érudition & de mauvais goût, étoit accompagné de la prétention d'enrichir & d'embellir la Langue. Les efforts de Ronfard, fes Métaphores hardies & outrées, fes vers ronflans & bizarres, formés de mots moitié Grecs, Latins & François, accoutumoient du moins l'oreille à une certaine cadence inconnue jufqu'alors. C'étoit un refte de nuages & de vapeurs groffières, que devoit diffiper bientôt l'Aftre bienfaifant, qui commençoit à fe lever fur les Arts & fur les Lettres.

Cependant, tandis que la Profe fe chargeoit d'ornemens confus & étrangers, la Poéfie s'enrichiffoit des heureux larcins qu'elle faifoit aux Mufes antiques, & s'embelliffoit tous les jours de leurs grâces naïves. Elle épuroit, elle ennobliffoit, elle adouciffoit infenfiblement la Langue. Une foule de Poëtes

auxquels le Monarque ne dédaignoit pas de fe joindre, annonçoit, fous l'emblême d'une conftellation (1) céleste, la gloire prochaine de leurs fucceffeurs, parcouroit les fentiers fleuris du Par naffe, qui ne furent jamais plus fréquentés; jamais le Dieu des vers ne fut plus fouvent invoqué; mais en recevant les vœux qui lui étoient offerts, il réfervoit en fecret fes dons, pour un de fes favoris, qui ne devoit tarder à pa→

roître.

pas

En effet, un jour que les Poëtes François les plus diftingués, affis au haut du Pinde, pleins du Dieu dont ils reffentoient la préfence, uniffoient & leurs voix & leurs lyres; des accords incon→ nus fufpendent tout-à-coup leurs concerts. Les eaux de l'Hippocrène, charmées de ces accords nouveaux, s'arrê tent & coulent plus lentement: les échos

(1) La Pléïade poétique étoit compofée de Daurat,. de Ronfard, de du Belley, de Belleau, de Baïf, de Thyard & de Jodelle

du facré Vallon fe plaifent à les répé ter: tout prête une oreille attentive & fe tait. On entendit auffi-tôt des fons mélodieux & purs, foutenus d'une divine harmonie, s'élever, fe propager, éclater dans les airs: les rives du Permeffe retentiffent au loin de mille chants délicieux. Les Mufes étonnées, enchantées, applaudiffent, en choeur, à ces concerts divins, en marquent la cadence; & trompées elles-mêmes à la régularité, à la douceur, à la beauté de ces chants, elles alloient en faire honneur aur Dieu de l'Harmonie, quand elles apperçurent aux pieds de fes autels MALHERBE qui touchoit fa Lyre pour la première fois. A l'imftant Apollon & les Mufes le couronnèrent; & la Pléïade ceffant de briller, s'éclipfa pour tou jours.

La Langue, quoique maniée par les Poëtes du temps les plus habiles, confervoit néanmoins encore beaucoup de fa rudeffe. Malherbe feul fut lui impo

fer les loix d'une cadence régulière, & la rendre douce, flexible, harmonieufe, en y joignant la clarté. Il ne s'agiffoit plus que de continuer à l'enrichir, à la fortifier, à la perfectionner, enfin à la fixer.

Le Cardinal de Richelieu, ce Miniftre immortel, jaloux d'augmenter la gloire, & la grandeur de fon Maître, qui le craignoit & ne l'aimoit pas, occupé de rendre la France l'arbitre de l'Europe entière, d'abaiffer les Grands & de diminuer leur puiffance, en les forçant de devenir courtifans; au milieu des vastes projets de fa politique profonde, conçut celui de favorifer de tout fon pouvoir le triomphe des Lettres. Il établit donc une Académie, entièrement confacrée au progrès de la Langue Françoife, & à la confervation de fa pureté. Le Fondateur voulut en être auffi le Protecteur. La bonne politique ne fe trompe guères ni fur les événemens préfens, ni fur les événemens fu

« AnteriorContinuar »