Imágenes de páginas
PDF
EPUB

leur encens, immortalifoient fes vertus,
le traitoient comme Augufte; mais il
ne fut
pas affez heureux pour avoir un
VIRGILE!

Dès que les troubles intérieurs eurent ceffé d'agiter la France, la Paix rassembla auprès d'elle tous les Génies divers qui devoient concourir à faire appeler leur fiécle du nom du Monarque. Mais la Langue n'étoit pas encore digne de transmettre à la postérité les merveilles de fon régne. Quoique Corneille lui eût donné de la force & de la dignité, elle avoit encore befoin d'être cultivée, & même élaguée; il falloit en bannir certains mots, en créer de nouveaux, en légitimer d'autres : il falloit la polir & la porter au point de perfection où toute langue vivante doit être adoptée par un ufage conftant & invariable. L'Académie Françoise destinée par fon institution à la fixer, n'en eut pas la gloire : elle fut, en partie, due à un jeune Solitaire, moins occupé alors de la Géomé

trie & de la folution de ses problêmes, que de la méditation falutaire de l'Écriture Sainte. Ce fut PASCAL, qui, du fond de fa retraite, & dans la ferveur de la plus ardente piété, trouva l'art de perfectionner la langue, & le fecret de la fixer au point où elle eft aujourd'hui. Ses Lettres immortelles (1), pleines de raifonnemens folides & de fel Attique, de réflexions profondes & de gaieté, d'agrémens & de fineffe, de traits fatiriques trop amers, mais plaifans, & de vérités fublimes, font le plus beau monument de fon génie. A peine Pascal avoit-il trente-deux ans, quand il les écrivit & les publia. Il étoit du petit nombre de ces hommes fi rares, dont l'imagination, guidée par la raison, n'attend point les années pour fe faire un grand nom.

Nous avons fuivi l'opinion la plus

(1) PASCAL publia fes Lettres provinciales au mois de Janvier & dans le courant de l'année 1656. Il mourut en 1662, à l'âge de trente-neuf ans, étant né en 1623.

e

commune & la plus accréditée, en attribuant à Pascal la fixation de la langue. Il eft pourtant vrai de dire que PELLISSON l'avoit précédé de quelques années, fon HISTOIRE de l'Académie Françoife qui lui~ en ouvrit les portes, ayant paru en 1652. Nous ne connoiffons rien de plus parfait dans notre langue, que le Difcours de remerciement qu'il prononça le 30 Décembre de la même année, jour de fa Réception à l'Académie. On n'y trouve aucune expreffion foible, ou, qui ait vieilli, pas une diffonnance; il est plein de beautés; la diction en eft pure & coulante, & un ton noble & élevé y régne d'un bout à l'autre. Qu'on en juge par ce morceau, que nous avons pris au hazard. « Il y a véritablement un petit nombre » de génies extraordinaires, que la Na» ture prend plaifir à former, qui trou» vent tout en eux-mêmes, qui favent » ce qu'on ne leur a jamais enfeigné, » qui ne fuivent pas les régles, mais qui » les font & qui les donnent aux autres,

» Quant à nous qui fommes d'un ordre » inférieur, fi nous n'avons que nos » propres forces, & fi nous n'emprun»tons rien d'autrui, quel moyen, qu'a»vec un feul jugement & un feul efprit,

qui n'ont rien que d'ordinaire & de médiocre, nous contentions tant de » différens efprits, tant de jugemens divers, à qui nous expofons nos ouvra

ges? Quel moyen que de nous-mê»mes, nous affemblions une infinité de » qualités, dont les principales femblent >>contraires: que nos Ecrits foient en même-temps fubtils & folides, forts » & délicats, profonds & polis; que »nous accordions toujours ensemble la » naïveté & l'artifice, la douceur & la » majesté, la clarté & la briéveté, la » liberté & l'exactitude, la hardieffe & » la retenue, & quelquefois même la

fureur & la raifon »? Tout ce Difcours eft de la même force & de la même beauté.

A une langue portée à un tel degré

de perfection, que pouvoit-on ajouter? Quelques expreffions, quelques tours fins & délicats, qui rendiffent les penfées les plus fpirituelles & les mouvemens les plus fecrets du coeur ? C'est ce qu'a fait, quelques années après, le DUC DE LA ROCHEFOUCAULD, dans fon Livre inimitable des Sentences & des Maximes.

Ainfi Pelliffon a droit au moins à la gloire de Pascal. Si les Lettres provinciales ont fait dans le temps la plus grande senfation, c'eft qu'elles attaquoient une Compagnie puiffante alors dans l'Églife, dans l'État & dans les Lettres. On les répandit dans toute l'Europe. La manière agréable dont elles font écrites, affaifonnée fur-tout de ce fel dont fe nourrit volontiers la malignité, les fit lire & rechercher, malgré la féchereffe & le férieux des matières qu'on y traite. Aujourd'hui même encore qu'elles n'ont plus le même intérêt, on les regarde comme la première production de la

« AnteriorContinuar »