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(1) aux Belles-Lettres, aux Sciences, à F'Architecture, pour qu'elles puffent fleurir à l'ombre du Trône. Mécène de tous les Savans, François & Etrangers indistinctement, il répandoit fur eux les dons de la munificence royale, & la grâce dont il les accompagnoit, en rehauffoit encore le prix.

Tel étoit le Miniftre, protecteur, ami des Arts, dont Racine eut le bonheur d'être accueilli dès l'entrée de fa carrière. On trouva dans la Thébaïde ou les Frères ennemis, par lefquels il s'annonça, le germe du plus grand talent; une Poéfie de ftyle admirable, les vers les plus heureux, une pureté de langage à laquelle on n'étoit point accoutumé, & qu'il eût été injufte d'exiger de Corneille.. C'eft en quoi le Commentaire de Voltaire. peche contre la juftice, & prouve que

(1) La maison de Colbert fut le berceau de l'Aca démie des Infcriptions & Belles-Lettres, érigée par le Roi en 1663 ; l'Académie des Sciences, en 1665; & l'Aca-> démie d'Archite&ure, en 1671.

le Commentateur n'eft pas de bonne foi. Il étoit auffi difficile à Corneille de fe défaire de fes vieilles expreffions, qu'à Voltaire de fe dépouiller de fa ja loufre naturelle. Nous dirons plus que ce font nos Orateurs, comme chez les Romains, qui ont perfectionné la Langue, & que l'Éloquence françoife étoit dans. la plus haute fplendeur, que la Poéfie n'avoit encore ni la douceur, ni les beautés, ni les grâces de la Profe. Ainfi l'on ne peut affigner d'autre époque à la perfection du langage poétique, que celle où Racine parut. Eh! qui l'a mieux parlé ce langage, que ce favori du Dieu de l'harmonie ? Qui a réuni dans son style, plus de pureté, plus d'élégance, plus de charmes ? Qui a mieux deviné, mieux connu que lui toute la délicateffe, toutes les fineffes de la langue? Comme il la rend fouple, fonore, harmonieuse ! De combien d'heureufes hardieffes il a fu l'orner, l'embellir & la fortifier !! Quel: Poëte l'égalera jamais pour la ri

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cheffe de l'expreffion, la clarté, la précifion, la beauté des images & le brillant de fon coloris enchanteur? Quel. Peintre pourroit fe vanter d'avoir un pinceau auffi fuave & auffi fublime? Racine n'eft-il pas en effet le grand Peintre du cœur? Est-il une jouiffance plus délicieuse, fi nous ofons nous exprimer ainfi, que celle que nous éprouvons en le lifant! I fatisfait à la fois l'ame l'efprit & les fens ! Si la Langue un jour fe corrompoit au point de devenir toutà-fait barbare, par les atteintes continuelles que lui donnent les Écrivains, les Poëtes, les Orateurs du temps, confolons-nous; elle fe retrouveroit heureusement tout entière dans Racine..

Cet heureux génie, en maniant pour la première fois le poignard de Melpomène, tout fumant du fang des Frères ennemis, fentit que fon ame trop tendre le laifferoit peut-être échapper de fes mains; il en émouffa la pointe. Il mefura la hauteur de Corneille, & vit

que pour être auffi grand que Corneille, il falloit employer d'autres moyens. Ce n'eft pas que dans Mithridate, dans Iphigénie, dans Phèdre, dans Britannicus, il n'ait, en quelque forte, égalé le Père de la Tragédie, pour la force & la vérité des caractères ; mais néanmoins à cet égard, Corneille lui fera toujours fupérieur. Nous naiffons avec des dif pofitions, que les événemens, le temps, les circonstances développent. Le premier objet qui nous frappe puiffamment, détermine nos goûts, décide notre carac tère, fixe la trempe d'efprit, du génie même que nous apportons, en entrant dans le monde. Corneille né dans un temps de factions & de troubles, où les efprits agités s'enflammoient aifément, où la Cour étoit plus occupée à appaiser la commotion générale, qu'à donner des fêtes: Corneille nourri de la lecture des Auteurs Efpagnols, dont Fimagination élevée & romanefque pré fente toujours les objets plus grands.

que Nature, fe plaît à ne peindre que tes hauts faits d'une valeur imaginaire: difons plus, Corneille admirateur de Sénèque & de Lucain, pouvoit-il n'être pas entraîné par fes modèles ? Tout ne devoit-il pas concourir à donner à fon génie une fierté, une grandeur exceffive ou furnaturelle ?

Les premiers regards de fon Rival, au contraire, ne tombèrent que fur des objets agréables & rians. A peine avoit-il quitté la retraite de ces pieux & favans Solitaires qui avoient élevé fon enfance, formé fon cœur, éclairé fon efprit, cultivé, enrichi fon génie par l'étude des excellens modèles de l'Antiquité, qu'il se vit tout-à-coup tranf porté dans le tourbillon le plus éclatant & le plus mobile. Quelle dût être vive & prompte, fur tous fes fens, l'impreffion qu'il reçut, lorfqu'il fe trouva au milieu de la Cour la plus fuperbe & la plus impofante, où tout annonçoit la puiffance & la grandeur; où tour

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