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que les défauts de ce Poëme proviennem de la mauvaise conftruction de l'ouvrage, & du manque de génie du Poëte. Si la Henriade paffe à la postérité, ce n'est pas qu'elle en foit digne, comme Poëme épique; mais elle devra cette gloire au nom chéri du Héros adorable qu'elle célèbre. C'eft l'amour des François pour ce bon Roi, qui a foutenu ce Poëme à fa naiffance, & qui le fauvera toujours de l'oubli.

On ne peut pas refufer à Voltaire une fupériorité marquée dans la Poéfie égère. Nous doutons pourtant qu'il ait cet aimable abandon de Chaulieu, cette agréable & riante facilité de Chapelle, cette piquante négligence de la Fare, le fini, l'invention & les grâces de Greffer.

Si nous paffons de la Poéfie de Voltaire à fa Profe, nous la trouverons auffi brillante, auffi petillante d'efprit que fes vers. Mais tous les fujets qu'il a traités en Profe, font écrits du même ftyle.

Son Hiftoire, fes Romans, fes Diatribes, font tracés avec le même crayon, out peints des mêmes couleurs. Avide de toutes fortes de gloire, jaloux de tous les Écrivains célèbres, il a entrepris d'écrire une Hiftoire universelle (1), parce que Boffuet a fait un Difcours fur l'Hif toire univerfelle, & qu'il n'a jamais eu d'autre deffein que de contredire cet Écrivain véridique & fublime. Mais de combien d'infidélités, de maximes dangereuses, d'erreurs de toute efpèce, & même de menfonges faits exprès cette Hiftoire n'eft-elle pas remplie ? Avec quelle témérité, quelle hardieffe il altère, il tronque & défigure les faits! Cet Apologifte éternel de l'humanité, pour laquelle il fait paroître, comme. Philofophe, le plus grand zèle, l'infulte

(1) C'est le titre que VOLTAIRE a donné d'abord à fa compilation, & fous lequel elle a été imprimée plusieurs fois; mais qu'il a changé depuis, en un titre plus modefte, celui d'Essai fur les Mœurs & l'Esprit des Nations, &c.

& l'avilit fans ceffe, comme Historien. Ce ne font jamais les vertus, mais les vices qu'il met en évidence. Il affecte par-tout le plus fouverain mépris pour les hommes. Ennemi déclaré de toute Religion, & principalement du Chrif tianifme dans tous les endroits de

fon Hiftoire où il eft obligé d'en parler, il ne le montre que fous le mafque du fanatifme, & lui prête tout l'odieux que fa mauvaise foi fe plaît à inventer; car il eft difficile, à cet égard, de lui difputer le mérite funefte de l'invention. S'il paroît fe fonder fur quelques autorités, ce font toujours des autorités fufpectes: il ne puife que dans des fources impures & empoisonnées; fi par hafard la vérité l'emporte contre fon gré, & qu'il foit forcé de lui rendre hommage, il fe dément auffi-tôt & revient à fon naturel. Malgré ces vices palpables qui abondent dans tous fes Ecrits, particulièrement dans fon Hiftoire universelle, dans celle de Charles XII, & de Pierre

pas

le-Grand, il charme, il entraîne une multitude de Lecteurs. On ne doit en être étonné : la plupart de fes Lecteurs font auffi fuperficiels que lui : ils ne cherchent pas à s'inftruire, mais à s'amufer. Il leur importe peu que les faits foient faux, pourvu qu'ils foient écrits d'une manière faillante, & que l'Auteur ne les ennuie pas. Iront-ils d'ailleurs fe donner la peine d'examiner, de réfléchir, de remonter à la fource dont ils n'ont pas même la plus légère idée? Ils aiment mieux s'en rapporter à un Charlatan qui les divertit, qu'à un fage Hiftorien fait pour les éclairer. Nonfeulement Voltaire éblouit fes Lecteurs par le piquant de fon ftyle; mais il fait encore les gagner en flattant toutes les paffions, & c'eft par-là qu'il a perdu les Mœurs.

De tous les prétendus Philofophes du jour, Voltaire eft celui qui a le plus d'efprit, & qui a fait le plus de dupes. Perfonne n'a mieux connu l'ef

prit frivole de fon fiécle, & ne l'a faifi avec plus de dextérité. Maître dans l'art de faire illufion, il en impose par l'étalage d'une multitude de connoiffances qui le font croire univerfel. Mais qu'il eft aifé de détruire cette illufion, quand il est démontré qu'il ne fait qu'effleurer les fujets qu'il traite; qu'il faute fans. ceffe d'un objet à un autre ; qu'il n'écrit. que par: Chapitres, & qu'il évite parlà toute gêne, toute liaison, toute tranfition; qu'il manque de cette belle & longue fuite d'idées, dont le génie feul. eft capable; qu'il eft trop léger, trop frivole, trop volage pour pouvoir approfondir aucune matière. On peut comparer Voltaire à un Architecte, qui,, maître d'un terrein immenfe où il pourroit élever le plus vafte & le plus. fuperbe monument, le diviferoit en une multitude de petits terreins.,. pour y bâtir des maifons ifolées les unes des autres, mais agréablement décorées.. C'est ainsi que ce célèbre. Écrivain a

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