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riant, les travers & les ridicules du jour. Il couroit auffi la Ville, & recueilloit tous les faits-anecdotes, qu'il habilloit à fa mode, toujours d'une manière joviale & fans les altérer. II ne fe paffoit pas d'événement à la Cour, à la Ville, qu'il ne le marquât de fa marote : il en conservoit jusqu'aux plus légères circonftances, fur lefquelles il répandoit ie fel à pleines mains, mais fans noirceur & fans méchanteté. On le cherche en vain aujourd'hui, ce joyeux enfant du plaifir, ce fymbole de la fraache gaieté du caractère François. Hélas! il n'eft plus! Depuis que nos Réformateurs en Morale, comme en Mufique, depuis que nos Penfeurs ont introduit par-tout la tristeffe & l'ennui, & fe font avifés de fubftituer aux Opéras comiques leurs Drames infipides, dont les paroles, plufque barbares, font heureusement étouffées fous des Airs de bravoure, on n'a plus goûté la naïveté charmante du Vaudeville, revêtu légè

rement d'airs fimples & faciles, qui, annonçoient fon caractère & fon antique origine. Il a fait long-temps les délices des Sociétés particulières, où la Jeuneffe fe plaifoit à égayer l'ennui de fes vieux Parens, & où elle n'eft plus occupée aujourd'hui, qu'à les plonger dans les idées les plus noires, en leur donnant pour les divertir le fpectacle du Comte de Cominges (1), de Mélanie & d'autres Drames auffi lugubres, auxquels le célébre COLLÉ a ajouté gaiement le Vaudeville qui leur manquoit, fur l'air du Dies ira. Mais on a beau s'élever contre cette pitoyable manie; on a beau la couvrir de ridicule, le coup fatal eft porté. On a cherché à détruire

(1) Nous ne parlons ici que du genre. Pour la conduite, l'intérêt, l'action & les vers de ce Drame, il feroit à fouhaiter que tous les Drames fuffent auffi- bien écrits que le Comte de Cominges de M. d'Arnaud. Mais il faut toujours convenir que ce genre eft bien noir. Quant à Mélanie, le sujet n'en eft pas fi fombre, mais il n'en eft pas plus gai.

le goût de la Nation; & on n'y a malheureusement que trop bien réuffi.

On doit favoir gré aux Auteurs (1) qui ont voulu ramener le Vaudeville fur la Scène où naturellement il devroit régner, puisqu'il n'a plus d'autre afyle; mais leurs efforts ont été inutiles. Quoique l'on ait applaudi à leurs rians tableaux, on n'en a pas moins couru en foule à la Brouette du Vinaigrier. Quelque louable que foit le deffein de ces estimables Auteurs, de faire revivre la gaieté françoise, peut-être les moyens de l'exécuter leur ont-ils manqué: peutêtre n'ont-ils pas affez étudié l'Art du Vaudeville, plus difficile qu'on ne penfe. Le Vaudeville doit voler de bouche en bouche fans le moindre effort de mémoire c'est à la facilité de le retenir qu'on reconnoît fon léger badinage & fa fimplicité. Il doit être fin & fpirituel, fans prétention, & malin fans méchan

(1) MM. DE PLIS & BARRÉ.

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ceté trop d'efprit nuit à fa naïveté : il est l'ennemi des Pointes & des Calembours fon ftyle rejete toute afféterie, fon langage eft celui de la Nature; il doit couler de fource; il faut que le trait malin qu'il décoche faffe fourire ceux même contre lefquels il eft dirigé. Nous avons en ce genre d'excellens modèles. Les Opéras comiques de Fuzelier, de Piron, font pleins de Vaudevilles charmans; ceux de Favart refpirent une ingénuité piquante, & la plupart de fes couplets feroient avoués des Grâces: mais Pannard l'emporte par le tour original de fes couplets, par la vérité de fon pinceau & par la force de l'expreffion, qui n'en eft pas moins fimple & naturelle. Un des grands Maîtres de cette École, eft le célébre COLLÉ. Ce font fes Chanfons qu'il faut étudier. Mais à quoi fervira cette étude, fi la Nature refuse le talent?

Les ravages du mauvais goût n'ont point épargné le domaine de Polymnie.

La Scène lyrique fouillée par de miférables Bouffons, a perdu tout son éclat. Les chants fuperbes, harmonieux, intéreffans d'Hippolyte & Aricie, de Dardanus, de Cajtor & Pollux, de Zoroastre, font remplacés par des cris: aux airs fi chantans, fi variés, fi gais, fi danfans des Indes galantes, des Talens lyriques, de Pigmalion, ont fuccédé des airs lourds, baroques & peu faits pour la danse. A côté du Palais du Soleil, & des Jardins enchantés d'Armide, s'élèvent des Tavernes & des Guinguettes: les Théfée, les Rolland, les Renaud, cèdent la Scène à des Ivrognes les Amours, les Plaifirs & les Jeux s'envolent, à la vue d'une troupe de Soldats qui les effraie.

C'est ainfi que l'inconftance de l'efprit

frivole & l'amour de la nouveauté ont détruit tout ce qui portoit un caractère de magnificence, de grandeur & de majesté. Des décorations mefquines, bizarres & fantafques affligent l'oeil du Connoiffeur, & lui font regretter ces prodiges de l'Art,

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