AN. 1528. George, Monza & Côme dans le Milanez, d'où Antoine de Leve avoit tiré les garnifons pour fortifier Milan, fe foumirent à lui ; & ce général se sentant plus preffé que jamais, portoit les chofes à un excès, dont on trouve peu d'exemples dans l'hiftoire. L'extrémité des bourgeois de Milan, & des autres villes, au lieu d'attendrir de Leve, lui fournit un prétexte nouveau pour les accabler. Il s'empara de tout le bled qui reftoit dans le pays, & de tout celui qu'on y apportoit; on le diftribua par fon ordre à des boulangers affidez qui en firent des pains, & les vendirent un écu d'or piece. Il n'y eut ainfi que les riches en état d'en acheter, & les autres mouroient de faim: l'empereur informé de ces véxations outrées n'y apportoit aucun remede, parce qu'il n'avoit point d'argent, & une prudence toute charnelle étouffa les fentimens humains & compatisfans que la piété auroit pû lui inspirer: ainfi fi nirent, dans cette année, les guerres d'Italie entre l'empereur & le roi de France, qui tous deux commençant à fe laffer, fe réconcilierent l'année suivante par le traité de Cambrai. XXXVII. Continuation Les claufes que le pape avoit mises dans fa bulle de l'affaire du au fujet du divorce d'Henri VIII. chagrinoient ce prince, & il donna ordre à Gregoire Cafali fon amVide fuprà lib. baffadeur à Rome, de demander des bulles moins fu divorce en Angleterre. · 131. art. 59. Burner bijt. de jettes à conteftation. Cafali en parla fouvent au pape. la réformation M. Burnet dit que fa fainteté lui répondit, que la con +3 d'Angleterre 1. pag. 78. in quarts tom. n clufion de l'affaire étoit en la puiffance d'Henri, qu'il falloit, ou qu'en vertu de la commiffion déja donnée, ou que par l'autorité du légat Wolfey on pro " n cédât au jugement de la caufe. Que fi ce prince trou » voit fa confcience bleffée de fon mariage, il n'avoit qu'à faire rendre une fentence avec peu de bruit. Car, » ajoutoit le pape, il n'y a point de Théologien qui puiffe mieux réfoudre que le roi lui-même, fi fon mariage eft légitime ou non. Auffi-tôt que la fen» tence aura été prononcée, votre maître n'a qu'à se remarier, & en même-tems il nous priera de lui en„voyer un légat pour confirmer ce mariage. Nous » aurons beaucoup moins de peine à ratifier toutes chofes après qu'elles feront faites, qu'à terminer promptement un procès intenté felon l'ufage de » notre cour, puifque Catherine proteftera fans doute » contre notre lieu comme non libre, & contre les juges comme fufpects; en ce cas les loix de l'église veulent que nous défendions au roi de contracter 39 " " de nouveau jusques à ce que le procès ait été jugé, " & nous ferions obligé d'évoquer la caufe à nous. II AN. 1528. 19 "9 y a outre cela plufieurs formalitez inévitables dans » un procès en cour de Rome, & dont on voit à peine la fin. Mais fi la sentence est donné en Angleterre, & que le roi fe remarie auffi-tôt, nous ne manquerons point de raisons pour justifier notre condui» te, quand nous voudrons confirmer des chofes avancées, & alors nous envoyerons à Londres tel cardinal que le roi d'Angleterre voudra choisir. 99 99 >> Si le a C'eft ainfi que M. Burnet fait parler le pape à xxxvIII. Cafali, mais ce difcours ne paroît pas fondé; car confeillé au roi pourquoi Henri VIII. n'a-t-il point profité de cet avis, de fe remarier se trouvant tout disposé à fuivre un confeil fi favo- par provision. rable, ayant même fait confulter en France s'il devoit faire cette ouverture, par l'évêque de Bath, qui étoit son ambassadeur auprès de François I? Quelques auteurs difent qu'Henri regarda cet avis qui lui fut le pape t AN. 1528. mandé par Cafali comme un piége que pape lui tendoit, qu'il confidéra qu'il n'étoit pas poffible de faire juger une telle caufe fans bruit, puifqu'il falloit nécessairement que la reine fût oüie, fans quoi il y auroit une nullité manifeste dans le jugement. En fecond lieu, s'il eût fait ce qui lui étoit conseillé, il se feroit entierement livré entre les mains du pape, qui, felon l'avis des canonistes, auroit pû refufer de confirmer la fentence du légat, auffi-bien que le mariage qui auroit été contracté en conféquence. Mais il nous faudroit d'autres preuves de ce prétendu conseil du pape à Cafali, qui ne me paroît point vraisemblable. On ne laiffoit pas d'envoyer tous les jours couriers fur couriers; on faifoit fans ceffe de nouveaux projets ; à peine une réfolution étoit prise, qu'on la changeoit auffi-tôt. On demande que Staphiley, doyen des auditeurs de Rote, qui étoit en Angleterre, foit chargé de la commiffion pour juger le divorce, & en même-tems on le fait partir pour Orviette, étoit le pape, & on le charge d'instructions secrettes, & d'ordres publics. Auffi-tôt après Cafali reçoit ordre de demander à fa fainteté, qu'un autre légat fût joint au cardinal Wolfey, & qu'il fût sçavant, désintéreffé & traitable. où XXXIX. Staphiley, Gar Auffi-tôt que Staphiley fut parti pour Orviette, diner & Fox le roi le fit fuivre du docteur Etienne Gardiner fé envoyez à Rc me pour cette cretaire de Wolsey, & d'Edoüard Fox grand aumônier, qui tous deux devoient fe joindre au premier, & ne donner aucun repos au pape, qu'il n'eût accordé ce qu'on fouhaitoit de lui. Ces trois agents étoient d'un caractére affez différent. Staphiley avoit vieilli dans la cour de Rome, c'étoit un homme dé fiant, dur & peu traitable, favorablement prévenu An. 1518. pour Henri VIII. & haïffant beaucoup Charles V. Gardiner ne connoiffoit pas fi bien la cour de Rome, mais en récompenfe il paffoit pour un des plus habiles canoniftes; il avoit un efprit vif, fouple, infinuant, & propre à tous les emplois, dont on le vou droit charger. Fox suivoit affez les fentimens de fon prince, & mourut évêque d'Hereford. Leurs inftructions portoient de demander pour le cardinal Wolfey une nouvelle commiffion qui l'établit juge de cette cause, avec pouvoir de caffer le mariage du roi, s'il le trouvoit à propos, & néanmoins de déclarer légitime la fille qui en étoit née, de preffer le pape de donner une promeffe par écrit de ne point révoquer la commission du légat, de demander une bulse qui cassầt le mariage du roi, & une dispense pour épouser une autre femme, fans aucune restriction. Enfin les envoyez devoient repréfenter au pape que Wolfey n'avoit pas confeillé le divorce au roi, & qu'il n'étoit point auteur des confeils qui avoient engagé fa Majefté Angloise dans cette affaire. Rien n'est plus preffant que la lettre écrite au pape par ce cardinal. Tout ce qu'un esprit inquiet & effrayé est capable d'appellerà fon fecours s'y trouve ramaffé, la lettre eft dattée du dixiéme de Février. XL. Lettre du car au pape touchant Il mande à sa fainteté, que fi elle le regarde nonfeulement comme un chrétien, mais comme un cardinal Wolley dinal, qui n'a pas deshonoré fon caractére, qui a rennt le dir du quelques fervices à l'église, qui a toujours été at- vorce. taché aux intérêts de fa fainteté, fi elle le confidére comme un homme zelé pour la juftice, foigneux de fon falut éternel, elle veuille avoir égard à .. ses remontrances, & à fes humbles prieres. »J'ofe 39 AN. 1528. 99 de confidération pour l'empereur, refuse de nous » accorder une grace appuyée fur les loix divines & humaines, le roi qui n'a que Dieu & la justice en vûë, n'aille chercher des remedes ailleurs, & ne faffe quelque entreprise d'autant plus préjudiciable à l'autorité du saint fiége, que son exemple pourroit être suivi par d'autres. Je vous parle, très-saint Pere, comme chrétien, comme membre du facré college ni l'intérêt, ni l'affection que je porte au roi, ni la dépendance où je fuis, n'ont aucune part 10 " à cette lettre: Je ne regarde que la justice & l'équité, » & le trouble que je reffens en moi ne me permet pas d'écrire davantage. د. د. Demande de Fox au pare, pour XLI. Le même jour que cette lettre fut écrite, c'est-àGardiner & de dire, le dixiéme de Février, Gardiner & Fox partirent l'Italie; & quand ils furent arrivez à Örviette, ils trouverent le pape fort embarraffé dans une conjoncture fi délicate, & qui ne penfoit qu'à gagner du tems. Il feignit qu'il ne fouhaitoit rien avec tant de paffion que de fatisfaire le roi; mais on ne laissa d'entrevoir que la véritable intention de Clépas ment VIII. étoit d'amufer Henri de l'efpérance qu'il favoriferoit fon divorce, jufques à ce qu'il fe vît en état de prendre des mefures contraires. Ainfi toutes les follicitations des envoyez ne produifirent rien, la bulle ne fut point expédiée telle qu'on la demandoit, |