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AN. 1529.

reçu prefque autant de blessures, & fr particuliere ment honoré dans cette cérémonie. André Doria venoit après en qualité de grand-amiral, ensuite l'aigle romaine en or, portée par le vice-gonfalonier de l'empire, fuivi des officiers & domestiques de la maison de l'empereur. On marcha dans cet ordre au fon des trompettes, des tambours & des fiffres jufqu'à la place de l'églife cathédrale, où l'on avoit dreffé un grand & large échaffaut couvert de riches tapis, fur lequel étoit affis le pape en habits pon. tificaux, portant la triple couronne, & où il attendoit l'empereur. En arrivant Charles V. defcendit de cheval plus de vingt pas loin de l'échaffaut au milieu de plus de foixante ambassadeurs, & des plus grands feigneurs de fa cour: il s'approcha marchant au mioft reçu du pa- lieu des deux cardinaux Farnefe & d'Ancone, & monta ainfi les degrès pour aller fe mettre aux genoux du pape & lui baifer les pieds; mais le fouverain pontife retira fon pied, se seva aussi-tôt, & relevant l'empereur, le baifa aux deux jouës, & après avoir écouté debout le compliment qu'il lui fit en Espagnol, il lui répondit en Italien pour lui marquer la joye qu'il reffentoit, & l'efpérance qu'il avoit de voir bien-tôt la paix rétablie dans l'églife & dans toute l'Europe.

ભી

pc.

XCI.

Comment il

Après ces complimens de part & d'autre, Charles fit préfent au pape d'une caffette d'argent, où il y avoit des médailles d'or du poids de douze livres, & fa fainteté donna à l'empereur une aigle impériale d'or du poids de deux livres, & enrichie de pierres très précieufes; tous deux enfuite defcendirent de l'échaffaut par les mêmes degrès, l'empereur é

toit à la gauche du pape, & avoit le chapeau fur la AN. 1529. tête, & le pape portoit la triple couronne. Il accompagna fa majefté impériale jufqu'à la porte de l'églife, où il prit congé d'elle, & fe retira dans fon appartement avec fes prélats & fes cardinaux. Cependant l'archevêque & fon clergé reçurent l'empereur à la porte, lui préfenterent de l'eau benite, & l'accompagnerent en habits facerdotaux jufqu'au grand autel, devant lequel il fit fa priere à genoux, & enfuite l'évêque & le clergé accompagnez des officiers de fa fainteté, des magiftrats de la ville, & des principaux feigneurs de la cour, le reconduifirent jufques dans l'appartement qu'on lui avoit préparé proche celui du pape.

Ses conféren

verain ponti

Pendant le féjour que le faint pere fit à Boulogne, xcII. l'empereur lui rendit fept vifites, dans lesquelles il eut ces particulie de longues conférences avec lui, dont plufieurs fu- res avec le fourent fecrettes. Le pape ne le vifita que trois fois en fe. cérémonie, mais dans ces vifites il ne lui parla guéres que des affaires qui lui parurent importantes. Dans la premiere il lui recommanda avec ardeur les intérêts de François Sforce, troisième du nom, qui avoit été chaffé du duché de Milan, dans lequel il avoit fuccédé à fon frere Maximilien; & comme l'empereur avoit paru écouter favorablement la recommandation du pape, Sforce qui en fut averti, fe rendit à Boulogne, & alla fe jetter aux pieds de ce prince par le confeil même du pape.

L'empereur

L'empereur après l'avoir laiffé parler à genoux, du- XCIL rant quelques momens, le fit relever, & lui dit avec rétablit Frandouceur en préfence des ambaffadeurs Vénitiens :ans le ducké Vous m'avez fenfiblement offenfé par l'infidélité que de Milan,

çois Sforce.

AN. 1529.

Guicciard. lib.

19.

Paul Jove lib.

26.

Ant. de Vera

Sleid. in com.

edit, 1556.

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29

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vous m'avez faite ; & je ne manquerois pas de moyens, si je voulois m'en vanger; l'inveftiture du duché de Milan, qui m'a été donné par Maximilien mon ayeul, feroit une prétention fuffifante pour le retenir. Et fi bift. de Char" je voulois avoir égard aux droits de la guerre, j'aules V. p. 177. rois de bonnes raifons pour en demeurer maître. Je Lib. 6. p. 202,» veux pourtant bien vous rétablir, tant pour rendre » la paix plus générale en faveur de sa fainteté, & de la république qui m'en ont prié, que pour fui» vre mon inclination naturelle, qui me porte à perdre plutôt ce qui m'appartient, que de donner lieu de foupçonner feulement que je vouluffe prendre le bien > des autres. En conféquence de ces sentimens de fa majesté impériale, le duché de Milan fut restitué à Sforce, avec l'inveftiture impériale, fous la condition de payer cent mille écus comptant à l'empereur, & cinq cent mille dans l'efpace de dix ans, en dix payemens, & d'époufer Chriftine fa niéce, fille du roi de Dannemark.

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Le duc de Ferrare, ayant offert de prendre l'empereur pour arbitre, & pour juge de fes différends avec le pape, fon offre fut acceptée. Clement VII. ne croyant pas pouvoir faire rien de plus avantageux pour lui que de fe foumettre à la décifion de Charles V. qui s'étoit déja engagé par le traité de Barcelonne, à lui faire rendre Modene & Reggio, & lui aider à fe mettre en poffeffion de Ferrare. Quant aux Florentins ils ne voulurent point entendre parler d'accom modement avec le pape, à moins qu'on ne les affurât de conferver leur liberté, qu'ils étoient réfolus de défendre jufqu'à la derniere goutte de leur fang. Ils offroient pourtant de l'acheter par une fomme d'argent; mais

les

les prétentions du pape leur ayant déplû, ils se retire

rent fans rien accorder.

AN. 1529.

XCIV.

veut faire con

à un concile.

concil. Trid.

Quoique ces affaires féculieres donnaffent de l'occupation à l'empereur, il étoit encore plus embarraffé de L'empereur celles de l'églife, qui étoient bien plus importantes & fentir le pape bien plus preffantes. Il voyoit avec peine le mépris que Pallavic. hift. les Proteftans faifoient de l'Edit de Wormes, qui leur lib. 5. cap. 7. défendoit toute profeffion publique du Luthéranisme, mais comme il avoit befoin d'eux, pour l'aider à chaffer les Turcs de Hongrie, il vouloit les ménager. Il crut donc que fon devoir & fon intérêt l'engageoient à leur accorder le concile libre qu'ils demandoient, & il employa la plus grande partie du féjour qu'il fit à Boulogne, à faire goûter au pape cette proposition, mais il ne pût y réuflir.

XCV.

Raifons du pape pour ne

de concile. Pallavic, in

Frapaolo hift.

concil. Trid. lib. 6.

Clement VII. qui ne craignoit rien davantage qu'un concile, fur tout, s'il fe tenoit librement & delà les monts, où on n'étoit pas fi favorable à fes pré-point vouloir tentions, employa toutes fortes de raifons, pour perfuader à l'empereur que le concile, bien loin de pacifier les troubles d'Allemagne, y ruineroit l'autorité même impériale. Il lui remontra que l'héréfie avoit infecté le peuple & les princes dont l'empire étoit compofé; que le peuple n'auroit pas plutôt obtenu la permiffion de révoquer en doute les matieres de la religion, & de demander un plus grand éclairciffement fur un fujet fi délicat, qu'il prétendroit le mêler du gouvernement, & diminuer à la mode l'autorité de fes maîtres; étant probable qu'il n'épargneroit pas la jurisdiction temporelle, fi jamais on lui permettoit d'examiner la puiffance eccléfiaftique. Qu'il étoit bien plus aisé de réfifter aux premieres demandes Tome XXVII.

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d'une populace, que de la contenir dans les bornes du AN. 1529. devoir & de la juftice; quand une fois on lui a relâché quelque chofe pour la contenter.

Vide Pallavic.

Quant aux princes qui demandoient le concile, le b.ft. concl. pape ajoutoit qu'ils n'agiffoient pas par un motif de Trid. lib. 3. piété, mais par un pur intérêt. Qu'ils n'avoient emRaynald. hoc braffé l'héréfie, que pour pofféder les biens eccléfiaf

cap. 2.

anno. n.48.

feq.

tiques qu'elle leur offroit, & pour devenir tout-à fait abfolus, en ne dépendant point de l'empire, & ne penfant qu'à se soustraire de l'obéiffance de l'empereur. Que s'il y en avoit encore quelques-uns exempts de cette contagion, c'étoit faure d'avoir pénétré ce lecret ; mais que venant à le découvrir, ils ne manqueroient pas d'imiter les autres. Que fans doute les papes perdroient beaucoup en perdant l'Allemagne, mais que l'empereur & la maison d'Autriche y perdroient encore davantage. Que le meilleur expédient étoit d'exercer rigoureufement fon autorité, pendant que la plupart des villes obéiffoient, & de venir prompte ment aux remedes, avant que le parti contraire s'accrût davantage par la découverte des commoditez de cette nouvelle religion, ce que l'on ne pouvoit faire, fr l'on continuoit à parler de concile, parce qu'il falloit des années pour l'affembler, & que rien ne s'y pouvoit traiter qu'après de longues délibérations: outre qu'il furviendroit mille empêchemens de la part d'un grand nombre de perfonnes, qui pour leurs intérêts particuliers en empêcheroient, ou du moins en retarderoient la tenue fous divers prétextes, pour faire enfuite tout manquer.

Il difoit encore qu'il n'ignoroit pas, que c'étoit le bruit commun que les papes ne veulent point de con

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