CHANOINIS RIGU LIERS

S. JEAN

DES VI

Cette Abbaye fouffrit beaucoup de domages par les heretiques Calviniftes : l'an 1568. lors qu'ils prirent la ville de Soiffons: il ruinerent entierement le Monaftere & l'Eglife emporterent les Vafes Sacrés & tous les meubles, & contrai- GNES. gnirent les Religieux de fauver leur vie par la fuite. Ces Chanoines vendirent enfuite beaucoup de biens pour rebastir l'Eglife. Le Parlement de Paris ordonna que la quatrième partie du revenu de l'Abbé feroit employée à cet effet: elle fut achevée l'an 1586.Durant cette guerre un des Chanoines nommé Savreux s'eftant retiré de cette Abbaye, aïant efté chercher un azile en Espagne, fut dans la fuite Chapelain du Roy,. qui le pourveut d'une Abbaye en Sicile ; cette Abbé fit baftir un Hofpital à Madrid pour les François, dont il donna le gouvernement aux Chanoines de faint Jean des Vignes, qui à fa requifition envoyerent deux Chanoines, ils ont elté long-tems en poffeffion de cet Hôpital.

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Dans les titres de la fondation de faint Jean des Vignes & dans les Lettres du Roy Philippes premier & de l'Evefque de Soiffons, Thibaut, qui confirment cette fondation; il est marqué que le Preftre Cardinal du lieu, eft tenu de rendre raifon du foin qu'il aura eu de fes Paroiffiens à l'Evesque de Soiffons, & à fon Archidiacre comme il faifoit au paravant. L'origine de ces Cardinaux, felon Pierre le Gris, Chanoine de cette Abbaye, vient de ce qu'un Pape eftant venu en cette ville, choifit douze Curés, tant de la ville que des environs, pour lui fervir d'Affiftans, & que dès ce tems-là ils commencerent à s'appeller Cardinaux. Ils s'affembloient le jour de faint Thomas pour choisir un d'entre-eux pour Superieur, & l'inftaloient dans cette dignité le jour de faint Eftienne, afin que pendant cette année-là il prefidaft à leurs af femblées, qui fe faifoient pour le moins aux Quatre-tems de f'année dans quelque Eglife, où l'on chantoit l'Office des deffunts, y'alant des revenus annexés à cet effet, dont ces douze Curés ou Cardinaux jouiffoient. Bertin qui a fait les antiquités de Soiffons, dit que ces Cardinaux avoient efté ainfi crees,. afin d'affifter l'Evefque de Soiffons aux feftes folemnelles, ce qui eft bien vrayfemblable. Dans l'ancien Pontifical écrit à la main, qui fervoit aux Evefques de Troyes, il y a plus de Dia ri quatre cons cinquante ans, il eft auffi fait mention de Pref. for devrimer tres Cardinaux, qui ne font autres que les treize Curés de 2. pag. 9.

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CHANO! nommés au Rituel manufcrit de la mesme Eglife, lefquels IERS DE S. doivent encore aujourd'huy, affifter l'Evefque quand il conJEAN DES facre le Crefme & les faintes Huiles le Jeudi faint, & à la benediction folemnelle des fonts, les veilles de Paques & de Pentecofte. Paquier rapporte fur ce fujet, qu'en un Concile tenu à Metz fous Charlemagne ; il eft ordonné que les Evefques difpoferont canoniquement des titres de Cardinaux eftablis dans les villes & dans les fauxbourgs, c'est à dire des Cures ; & dans l'Abbaye de Saint Remi de Rheims, il y a eu de tout tems quatre Religieux Cardinaux appellés Principaux, parce que ce font eux qui officient au grand Autel dans les feftes folemnelles.

Les Chanoines de faint Jean des Vignes avoient autrefois la direction d'un College à Soiffons, qui avoit efté fondé par Aubert Doyen de la Cathedrale ; mais cette Maison fut cedée aux Minimes l'an 1585. Le College de Beauvais à Paris a efté fondé par le Cardinal Jean de Dorman, à condition que l'Abbé de faint Jean des Vignes auroit foin de ce College, & auroit droit d'y nommer les Bourfiers, de les corriger, de les ofter, d'avoir foin que la fondation fust executée; & parmi les vingt-quatre Bourfiers il peut y avoir un Chanoine. Il y a eu trente & un Abbés Reguliers. Après la mort de Pierre Bazin qui fut le dernier, le Cardinal Charles de Bourbon fut nommé par le Roy; depuis ce tems là il y a toujours eu des Abbés Commendataires. L'an 1566. la Menfe Abbatiale fut feparée de la Conventuelle ; l'Abbé eft premier Chanoine de l'Eglife Cathedrale de faint Gervais de Soiffons. Cette Maison a toûjours regardé les Evefques de Soiffons comme Superieurs ; elle n'a jamais efté unie à aucune Congregation, & n'a point fouffert de reforme eftrangere ; elle fut enfermée dans la ville en 1551. fous le regne d'Henry II. elle a donné un fuffragant à l'Evefché de Soiffons, & treize Abbés Reguliers à d'autres Abbayes, tant en France, qu'en Flandre & en Sicile.

Le Confeil de la maison eft compofé de quatre Anciens, ou Senieurs, qui font élus dans les Chapitres Generaux ; ils font pris, tant du corps des Beneficiers, que de ceux qui compofent la Communauté. Tous les ans à la faint Martin d'hiver, ils fe trouvent à S. Jean des Vignes pour y recevoir les comptes du Procureur, tant des receptes, que des mifes

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de tous les revenus de la maifon, comme auffi ceux du Tre- CHANOI forier des receptes & mifes du revenu de l'Eglife, & dans LIERS DE S. cette affemblée ils remedient aux abus qui peuvent s'eftre JEAN DES gliffés dans les obfervances regulieres.

Matines fe difent toûjours à minuit dans cette Abbaye, & l'Office Canonial s'y fait pendant tout le jour avec beaucoup d'edification; on ny mange de la viande que trois fois la femaine, le Dimanche, le Mardi & le Jeudi; l'abftinence y eft obfervée depuis le jour de faint Martin onze Novembre, jusqu'à l'Advent ; & depuis l'Advent jufqu'à Noël on jeûne; l'abftinence recommence à la Septuagefime, & le jeûne le Lundi d'après la Quinquagefime jufqu'à Paques. Les jours de jeûne, tant de l'Eglife que de la Regle, font egaux pour la collation. Autrefois on ne prenoit rien le foir, à prefent on va au Refectoire, après avoir entendu lire aux pulpitres qui font dans le Cloître, un Chapitre de l'Imitation de JefusChrist: on y entre en habit de choeur; chacun fe met felon fon rang, & le dernier Novice, après avoit fait une profonde inclination au Grand Prieur, lui demande en latin la permiffion au nom de toute la Communauté de manger du pain ; on en fert à chacun, & on boit un peu de vin une fois feulement; on ne fert ny napes ny ferviettes, ny portion de vin à ces collations, & en quelque tems que ce foit il n'y a jamais de recreation.

Ontient tous les trois ans le Chapitre General vers la feste de la Pentecofte. Quand le tems approche, le Grand Prieur de faint Jean envoye un mandement à tous les Beneficiers & Vicaires de la campagne, pour fe trouver au Chapitre; ils s'y rendent le veille du jour indiqué pour les premieres Vefpres; ils fe trouvent tous à Matines à minuit. Le lendemain ils affiftent à la proceffion en chappes; la Meffe du faint Efprit eft enfuite chantée folemnellement, à la fin de laquelle on fe trouve au Chapitre, où après les prieres accouftumées, un Chanoine fait un difcours en latin fur un point de la Regle. Le Grand Prieur parle enfuite fur le fujet du Chapitre, après quoi l'on procede à l'election d'un nouveau Grand Prieur, qui eit enfuite conduit au Palais Epifcopal, pour avoir la confirmation de l'Evefque de Soiffons ; ce Grand Prieur eft triennal, & fait regulierement la vifite pendant ces trois ans, dans tous les Benefices Reguliers qui dependent de l'Abbaye.

Tome II.

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CHANOI Il y en a trente trois dans l'Evefché de Soiffons, & deux dans LIERS DE S. celui de Meaux,qui ne peuvent eftre poffedés que par des ChaJEAN DES noines Reguliers Profés de cette Maifon, & qui ne font point YI GNES. fujet aux indults & aux grades, comme il a efté jugé par Ar

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reft du Grand Confeil du dernier Decembre 1683.

Quant à l'habillement de ces Chanoines, l'on verra les changemens qui ont efté faits de tems en tems dans cet habillement, & celui qu'ils portent prefentement, dans la lettre qui fuit, qui m'eft tombée entre les mains, & que j'ay inferée tout au long dans cette hiftoire, puifque cette lettre eft une espece de Differtation fur l'habillement de tous les Chanoines Reguliers en general: elle eft de Monfieur de Louen, Chanoine de cette Abbaye, & Prieur Curé de Latilly, de qui j'ay rçeu des memoires touchant les obfervances regulieres, qui fe pratiquent à faint Jean des Vignes, dont j'ay parlé cy-deffus.

LETTRE DE M. DE LOUEN, CHANOINE REGULIER de Saint Jean des Vignes, & Prieur Curé de Latilly, fur l'habit des Chanoines Reguliers de cette Abbaye, écrite en 1708

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Pour m'acquiter de la parole que je vous ay donnée, de » vous faire voir 1°. quel eft l'habit que nous devons porter dans la Maifon defaint Jean; 2°. dans nos Benefices; 30. lorfque» nous fommes en voyage, & refoudre en peu de mots les fcrupules que vous avez pu avoir fur cette matiere; je vous dirai que l'habit que nous portons dans la maifon & par tout ailleurs, eft par deffous un habit noir, c'est-à-dire des bas noirs » ou bruns, une culotte & une vefte de mefme couleur, & » par deffus nous portons une foutane blanche. Cette foutane » n'eftoit point fermée autrefois pardevant, & c'eft pour » cette raifon que quelques-uns de nos confreres Beneficiers la portent encore fermée avec des boutons: mais l'ufage d'aujourd'hui le plus regulier, c'eft de la porter fermée fans bou

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Cette foutane a toûjours efté de couleur blanche, car

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nous n'avons aucune preuve du contraire. Il est vrai que les CHANOL Chanoines Reguliers ont droit de ont droit de porter des foutanes rou-LIERS DE S. ges, comme la portent ceux de faint Maurice en Suiffe, & JEAN DES comme en portoient autrefois ceux de l'Abbaye de faint Vincent de Senlis, fondée en 1061. par Anne Reyne de France, femme d'Henry I. qui y mit des Chanoines, & ordonna qu'à la difference des autres, ils portaffent des robes & capuchons rouges de couleur de fang, en memoire de faint Vincent Martyr; d'autres portent la foutane violette, comme ceux « de faint Aubert de Cambray, & de faint Eloy d'Arras, &« comme la portoient les Freres Convers dans noftre Maison de faint Jean, lors que l'usage eftoit d'y en recevoir. D'autres la portent noire comme les Chanoines Reguliers de Cantipré en Flandres; & en Lorraine ceux de la Congregation de « S. Sauveur, inftituée par le B.Pierre Fourrier, Curé de Matincourt, & confirmée par Bulle du Pape Urbain VIII. de l'an 1628. Mais dès qu'une Communauté a pris une couleur d'habit, il ne lui eft pas permis de changer une couleur en une autre, à moins que de prendre la blanche que les anciens .. Chanoines Reguliers ont portée plus qu'aucune autre. Cette verité eft inconteftable, puifque Benoift XII. qui, après avoir esté Moine de Cifteaux,fut élu à la dignité de Cardinal,& en- « fuite à celle de Souverain Pontife en 1334. dans les Conftitu- « tions qu'il fit en1339.pour la Reforme des Chanoines Reguliers de faint Jean de Latran, qui avoit commencé à s'establir en «. Italie en 1063. fous Alexandre II. dit ces paroles: Quilibet « color femel affumptus, non poteft mutari nifi in album.

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Pardeffus cette foutane blanche, nous portons un Rochet. Le Rochet eft unfurplis à manches eftroites comme celles d'une aube; il eft plus court aujourd'hui qu'il ne l'eftoit autrefois ; « car le Rochet eft ce qu'on appelloit, Tunica talaris linea, il tomboit jufqu'aux talons, comme les aubes que nous portons « à l'autel: ce Rochet ou cette aube eftoit l'ornement que portoient autrefois les Preftres pardeffus leurs foutanes, comme l'on voit encore dans beaucoup de Cathedrales, & particu-. lierement dans celle de Soiffons, où les Chanoines mineurs &.. les enfans de Choeur en portent une.

Nous voyons dans les Conciles de France, qu'unEvefque de Soiffons nommé Riculphe, ordonna dans ses statuts Synodaux de l'an 880. à tous les Preftres de fon Diocese d'avoir