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on les voit auffi tomber tout à coup,

parce qu'elles pofent fur des fonde- Lettre fur mens empruntés, & que le luxe qui l'Agriculles faifoit briller au-dehors, les a rature. vagées au-dedans. En effet, quel eft l'homme opulent dans une ville qui n'ait tout fon bien dans la main d'au trui, & dont la fortune ne dépende d'une infinité d'accidens qu'il ne peut prévenir? Quelques tréfors qu'il accumule, il ne leur donnera jamais aucune folidité, s'il ne se rapproche de la campagne & ne fe hâte d'y faire des acquifitions. La terre a été donnée à l'homme pour la cultiver. C'est d'elle qu'il doit tirer fes véritables richeffes; celles qui lui viennent d'ail leurs, n'ont pas plus de réalité que les fonds qui les produifent. La terre feule fuffit pour occuper l'homme tout entier; tandis que fon corps s'exerce à la culture, fon efprit en doit diriger les opérations. Ce double travail faifoit le bonheur de nos premiers pa rens, & le malheur de leur poftérité eft de l'avoir abandonné.

On ne doit pas cependant prendre ces derniers mots à la rigueur, ni s'imaginer que depuis le premier âge

ixre.

- du monde, l'Agriculture ait été méLettre fur connue & négligée. L'Hiftoire au Agricul- contraire, nous apprend qu'elle a été cultivée foigneufement chez les anciens Egyptiens. Moyfe, dont le gouvernement admirable qu'il établit parmi les Ifraélites n'a pû jufqu'à ce jour être imité, en fit l'unique occu pation de fon peuple. Les Grecs l'ont comblée d'éloges; leurs Légiflateurs en faifoient la principale de leurs Loix; & c'étoit le premier objet qu'ils recommandoient à leurs Colonies. Elle a été le nerf de la République Romaine dans le tems de fa plus grande vigueur, & les grands hommes qu'elle produifit alors en foule l'éleverent à un fi haut dégré d'honneur que fa réputation victorieufe de la corruption des moeurs qui fuivit ces fiécles heureux, lorfque l'Empire fut • formé,réveilla l'attention de quelquesuns des Empereurs. C'eft à l'un d'eux, à l'Empereur Probus, que la France doit les vignes & le vin dont elle abonde. Que fi la barbarie des peuples qui ruinerent l'Empire d'Occident l'a plongée dans une espéce de mépris dans les pays où ils fe font établis ; fi ces vain

queurs féroces & ignorans en firent

Lettre fur

le partage, & comme la peine des l'Agricul

peuples qu'ils avoient vaincus ; fi parte, mi eux enfin, il a été long-tems honteux de s'y adonner, c'eft une faute qu'ils commencent à reconnoître, c'est une erreur dont ils reviennent déja depuis quelque tems. L'Angleterre féconde en efprits profonds fe fait gloire d'étudier l'Agriculture; le vafte corps de l'Allemagne s'excite à l'imiter l'une & l'autre font furpaffées par la nation Suédoife, qui ayant donné dans le dernier fiécle des marques les plus éclatantes de fa valeur, fait admirer dans celui-ci la grandeur de fa fageffe, en formant une Académie, dont le foin principal eft d'étudier la nature, les propriétés du pays, & d'en diriger la nature.

Tant de nations, de Légiflateurs, de Princes qui ont favorifé l'Agriculture, & tant de Sçavans qui l'étudient de nos jours, doivent donc faire comprendre à ceux qui habitent les campagnes, que leur condition n'eft point auffi méprifable qu'ils le penfent, & qu'elle demande plus de lumieres qu'ils ne fe preffent d'en acquérir.

ture.

pro

En effet, comme il s'agit de faire porLetttre far ter à la terre différens fruits, de l'Agricul- fiter de ceux qu'elle produit fans culture, même de les améliorer autant qu'il eft poffible; de trouver dans les animaux domeftiques une fource inépuifable de commodités & de richeffes de préparer les femences d'en conferver les fruits, d'entretenir des étangs & des bâtimens ; combien ne faut-il pas être éclairé pour tirer de chaque chofe aux moindres frais poffibles tout l'avantage qu'elle peut rendre? L'oeconome champêtre doit fçavoir non-feulement ce qu'il faut faire, & le tems propre pour l'exécuter, mais encore la façon dont il faut s'y prendre. Ainfi l'Agriculture eft tout à la fois art & fcience, & fe divife naturellement en théorie & en pratique.

La théorie de l'oeconomie champêtre renferme une bonne partie de la Phyfique. L'Aftronomie se préfente d'abord; non celle qui prédit les éclipfes, qui détermine la pofition des lieux, qui mefure le cours des aftres; mais celle qui fçait le lever & le coucher des conftellations

& des planétes, combien elles influent fur la température de l'air & Lettre fur fur les corps fublunaires, & qui con- PAgricul noît les vertus diverfes de leurs in- **. fluences. L'œconomie champêtre doit être inftruit en général du méchanifme de la nature, afin de pouvoir juger au coup d'oeil par l'expofition & la courbure des terres quelle en eft la qualité, avant que de connoître plus exactement par l'odorat & le goût. Il fera fujet à fe méprendre fouvent dans l'emploi qu'il fera de fon terrein, s'il ignore les principes dont les corps font compofés; & jamais il ne parviendra à forcer la terre de lui donner des fruits extraordinaires, foit pour la nature, foit pour la faifon, foit pour la beauté & le goût, s'il ne fçait comment elle veut être préparée; c'eft l'accord de la culture avec les qualités effentielles des plantes, qui produit ce que la campagne offre de plus admirable.

L'arpentage & le toifé de la charpente & de la mâçonnerie lui doivent être familiers; & ce n'eft point affez pour lui de les fçavoir par routine; il faut qu'il en ait puifé les principes

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