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éclaircir les raisonnemens & confir

mer les préceptes. Alors on eft porté Lettre sur naturellement à réflechir ; & cette l'Agricul derniere opération de l'efprit, fans laquelle les autres font inutiles, acheve de mettre un œconome en état de commander judicieusement, parce qu'il fçait ce qu'il commande.

On ne demande point à l'œconome champêtre, autant de pratique que de théorie. Il ne s'agit point qu'il laboure fon champ, qu'il batte à la grange, qu'il coupe dans le bois, qu'il bêche le jardin. Loin de l'affu jettir à aucun de ces ouvrages, je lui prescris de ne rien faire; il travaille affez quand il fait travailler les autres. Cependant il ne feroit point mal que dans fa jeuneffe il eût mis la main à l'oeuvre il auroit appris par luimême à connoître le bon ouvrage & le bon ouvrier; il auroit fenti combien ces travaux font rudes, & auroit ouvert fon coeur à la compaffion pour fes généreux coopérateurs, qui fe contentant de la plus petite partie du profit, veulent bien fe charger de la principale peine. Tels font en effet les domeftiques & les gens de jour

née que l'on prend à la campagne Lettre fur L'art de les gouverner & de vivre l'Agricul- avec eux, eft un de grands refforts de la profpérité du fage oeconome. C'eft ce que je vais développer en peu de mots.

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Un œconome dans fa maison est un Roi dans fon état. Ses domefti ques font fes miniftres & fes officiers. La raifon veut qu'ils foient fubor donnés les uns aux autres, & que leurs fonctions foient féparées, afin d'éviter la confufion, & de peur que plufieurs fe portant à un même ouvrage, ou fe repofant les uns fur les autres, la plus grande partie des ou vrages ne refte à faire. Il ne doit les prendre qu'avec précaution, veiller fans ceffe fur eux pendant qu'il les garde, & ne les renvoyer jamais mécontens, à moins qu'il n'ait contre eux de juftes fujets de plainte. Ce que la prudence & l'équité lui commandent en ceci, fon propre intérêt le lui confeille. En prenant un inconnu à son service, non-feulement il hazarde de s'attacher un pareffeux ou un mal-adroit, mais il s'expofe encore à donner entrée dans sa maison à un

homme peu fidéle. S'il néglige de voir

fes gens travailler, quelques bonnes Lettre fur qualités qu'ils ayent, il peut s'affurer Agricul qu'ils fe relâcheront de leur zéle & ture même de leur fidélité. Sa réputation fouffrira, s'il les congédie fans récompenses, après en avoir été bien fervi, ou s'ils fortent de chez lui faute de nourriture fuffifante & de payement de gages, à caufe de mauvais traitemens ou de l'excès des travaux : perfonne ne voudra avoir affaire à lui, & il ne trouvera pour le fervir que des ftupides ou des inconftans qui lui cauferont tous les jours quel que perte, ou le jetteront fans ceffe dans l'embarras de chercher du monde pour faire fes ouvrages. Lors donc qu'après s'être informé d'eux, il les aura reçus chez lui, il doit de tems à autre fe montrer à eux dans les lieux où ils travaillent, leur parler avec douceur, mais avec gravité; & fans trop entrer dans ce qu'ils difent les uns des autres, prendre garde qu'il ne fe forme entr'eux, des que. relles, qui pourroient dans la fuite lui faire perdre fes meilleurs fujets. Le moyen le plus fûr pour prévenir

ce défordre, eft de ne point écouter Lettre fur les rapports, ni mettre entre eux par l'Agricul les bons ou mauvais traitemens d'au

ture.

tre différence que celle qui vient de
leurs emplois. Car la jaloufie eft une
pefte parmi les domestiques: aveu-
glés une fois par cette baffe paffion
ils ne connoiffent plus les intérêts
de leur maître; leur unique atten-
tion eft de procurer par toutes for-
tes de moyens la difgrace du préten-
du favori; & qu'ils réuffiffent ou
ne réuffiffent pas,
les affaires de l'oe-
conome en fouffrent toujours confi-
dérablement. Il eft encore un autre
moyen de les conferver en paix ;
c'eft de les tenir fans ceffe occupés.
L'oeconome pour cet effet doit avoir
attention à ne point trop prendre de
domeftiques. Il fuffit qu'un feul d'en-
tr'eux foit dans l'inaction pour faire
murmurer les autres, & les décou-
rager. C'est un écueil qu'on ne peut
éviter avec trop de foin; il fera plus
utile, toute compenfation faite, de
prendre de gens de journée, lorfque
les ouvrages prefferont, & qu'ils fe
feront accumulés.

On fe fert ordinairement de la jeu

Lettre fur

neffe, de garçons & de filles. L'oeconome doit s'attendre que la nature parlera dans eux. Si la pudeur en eft Agricul offenfée, qu'il chaffe au plutôt les ture. coupables, qui jetteroient infailliblement fa maifon dans un défordre, capable de la renverfer. Si leurs vûes font légitimes, qu'il ne s'y oppose point. On ne gouverne pas plus aifément à la campagne qu'à la ville cette paffion délicate & violente. Caprices, jalousies, diftractions, dégoût du travail tous les effets de l'amour, traverferont fans ceffe fes deffeins, rendront fes foins inutiles & feront languir les travaux. Qu'il hâte donc l'union des amans s'il juge qu'ils fe conviennent, plutôt que d'entreprendre d'éteindre des feux que les obftacles ne font qu'irriter. Il fe gardera bien néanmoins de retenir chez lui les nouveaux époux, quelque regret qu'il ait de les perdre. Pour deux qu'il perdra, il en retrouvera quatre les domeftiques fe préfentent en foule où les domeftiques fe marient.

,

Les gages des domeftiques font dans l'efprit de plufieurs perfonnes un objet

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