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Ne vous en offenferez vous point? Prenez (5) ce Mémoire, & lifez.

[Ici Démosthène fait lire fon Mémoire, & enfuite il reprend la parole. }

Pour diffiper vos alarmes voici ce qu'on vous infinue; Que les forces de Philippe n'égalent pas encore celles des Lacédémoniens d'autrefois, maîtres de la terre & de la mer, alliés du Roi de Perfe, tout-puiffants; & qu'Athènes cependant, loin de fuccomber, arrêta leurs progrès. Or je prétends, moi, qu'il n'y a rien à conclure du paffé au présent, préfent, & que toutes chofes ont bien changé, mais prin cipalement la manière de faire la guerre: Autrefois à ce que j'entends dire, la campagne duroit quatre ou cinq mois feulement & dès que la faifon devenoit fâcheufe, content d'avoir fouragé le pays ennemi, on licencioit l'armée, & chacun retournoit chez foi. Telle étoit l'innocence, tels étoient les bons procé dés de ce temps-là, que rien ne fe faifoit avec de l'argent. On y alloit de bonne foi, & à force ouverte. Aujour

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(5) Ces paroles s'adreffent à un' Officier fubalterne, reappaleùs, qui étoit ce que nous. appellerions aujourd'hui un Greffier.

d'hui plus de batailles, plus de combats. Tout n'eft que trahifon. Philippe, vous le favez, ne fe chargeant point de lourdes phalanges, mais marchant à la tête d'un camp volant, compofé de Cavale rie légère, & d'étrangers habiles à tirer de l'arc, tombe où il fait que la difcorde règne il trouve une ville agitée, & dont les habitants retenus par leurs défiances réciproques, n'ofent fortir pour le combattre il fait approcher fes batte. ries, & il affiège. Je n'ajoute pas que toutes les faifons, été, hiver, lui font égales. Vous le favez. Prenez donc vos mefures, & prenez-les de loin pour empêcher qu'il ne fonde fur l'Attique. Vous vous perdriez fans reffource, fi vous comptiez avec lui fur cette fimplicité de nos guerres contre Lacédémone. Occupez-le fi-bien chez lui, qu'il ne puiffe en fortir. Heureusement vous avez pour cela toute forte de facilités, & fon pays eft fitué de manière qu'il vous offre prefque de toutes parts, cent & cent moyens de le piller, de le défoler. Voilà ce qu'il faut : & ne point nous expofer fur notre terrain à une bataille rangée, où l'expérience lui donneroit trop d'avantage fur nous,

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Mais en vain lui ferez-vous la guerre; fi vous ne la faites aux Orateurs qu'il tient ici à fes gages; & vous ne détruirez pas l'ennemi qui eft au dehors, fi vous ne commencez par détruire ceux qui font au dedans. Vous ne le pouvez cependant, ni ne le voulez. O Dieux! eft-ce aveuglement ? eft-ce folie ? Pour moi, fouvent je fuis tenté de croire que c'eft l'ouvrage de quelque Démon, qui veut notre perte. Quoi qu'il en foit nous voyons que par malignité, par envie, par goût pour la fatyre, & que faisje par quel autre motif vous commandez à des mercenaires, dont quelquesuns fe reconnoîtroient eux-mêmes pour tels, de prendre ici la parole; & quand ils ont déchiré quelqu'un, vous en riez. Mais quelque grand que foit ce défordre j'en fais encore un plus grand: & c'est qu'il y a moins de rifque à courir avec vous pour ces gens-là, que pour l'Orateur le mieux intentionné. Or apprenez ce qu'il en coûte de leur prêter l'oreille. Je ne rapporterai que des faits connus.

Olynthe étoit divifée. Quelques-uns de fes magiftrats, foumis & vendus å Philippe d'autres , qui penfoient dignement, ennemis de la fervitude. Au

quel de ces deux partis eft due la perte d'Olynthe? Par lequel des deux la Cavalerie, qui étoit toute fa défense, futelle livrée? Par le parti de Philippe. Jufqu'à la reddition d'Olynthe, ces ames vénales ne cefferent d'attaquer, de noircir les défenfeurs de la patrie : & avec un tel fuccès , que l'illuftre Apollonide

fut banni.

Une même caufe produifit ailleurs les mêmes effets. Plutarque (6) étant forti d'Erétrie, avec les étrangers qui étoient à fa folde; & les Erétriens, fe voyant les maîtres, tant de leur ville , que de Porthmos; les uns nous offroient le gou vernement, les autres l'offroient à Philippe. On laiffa tellement prendre le def fus à ces derniers qu'enfin ceux qui étoient du bon parti furent exilés. Philippe l'allié, l'ami des Erétriens, mit alors garnison chez eux, rafa Porthmos, & les fit tous obéir à trois (7) Tyrans. (6) Tyran d'Erétrie.

(7) Ces trois Tyrans, auffi - bien que le Commandant de la garnifon, & les Affociés de Philiftide, font nommés dans le Texte. Mais tant de noms propres ne fervent qu'à embarraffer & qu'à obfcurcir une Traduction fur-tout lorfqu'il s'agit de gens, qui nous font inconnus d'ailleurs,

Après quoi, lorfqu'ils ont voulu par deux fois fecouer le joug, il y a pourvu par deux détachements de fes troupes, l'un fous la conduite d'Euryloque, l'autre fous

celle de Parménion.

Vous faut-il encore d'autres exemples? Vous avez celui d'Orée. Philiftide & les autres qui préfentement y font les maî tres, portoient les intérêts de Philippe ? & on le favoit. Au contraire Euphrée, que vous avez vu ici autrefois parloit hautement pour la liberté. On ne fauroit dire combien fon zèle lui valut d'outrages. Une année done avant la ruine d'Orée, voyant ce qui fe tramoit, il dénonça Philiftide & fes adhérents. Auffi-tôt ceux qui étoient à l'aumône de Philippe, font tumultuairement arrêter Euphrée, comme perturbateur du repos public. Tout le peuple, loin de prêter main-forte à l'opprimé, & de faire prendre les oppreffeurs, parut fe repaître d'un tel fpectacle. Ainfi la faction de Philippe, parvenue à la puiffance où elle afpiroit, ne fongea plus qu'à livrer la ville. On avoit beau s'apercevoir de leur manœuvre perfonne, depuis l'accident d'Euphrée, n'ofa dire mot. On ne rompit le filence, qu'à l'arrivée de Philippe fous

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