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qu'un particulier en coure les rifques, ce feroit vouloir qu'on ne la fît point : & dès-lors, c'eft abandonner le falut de la patrie. Qu'un de vos Orateurs la premiere, la feconde ou la troisième fois. que Philippe a violé la paix, eût propofé d'armer contre lui; & qu'enfuite, comme il fait aujourd'hui, il fe fût déclaré contre nous en faveur des Cardiens; tout le monde n'eût-il pas dit que Philippe ufoit de repréfailles, & qu'il falloit mettre en pièces l'Orateur qui étoit cause qu'on l'avoit attaqué? Ainfi ne cherchez perfonne qui veuille porter les iniquités de Philippe; perfonne que vous puiffiez, dans les tranfports d'une aveugle colère, livrer en proie à la fureur de ses partifans.

Que fi de vous-mêmes, ATHENIENS, vous prenez la réfolution d'armer, plus de difpute après cela, pour favoir fi elle a été prudente ou non. C'est donc à vous de fonger à rendre guerre pour guerre : ne laiffez manquer de rien vos troupes de la Cherfonèfe: que chacun de vous perfonnellement contribue de fes deniers: pourvoyez-vous, & de foldats, & de galères, & de chevaux, & de bâtiments pour les transporter, & généralement de tout ce que la guerre demande.

Aujourd'hui, en effet, il y a du rifible dans notre manière de nous gouverner; & affurément, fi Philippe a un fouhait à faire, c'eft de nous voir toujours les mêmes, toujours indécis, toujours épuisés par de folles dépenses, jamais d'accord fur le choix de nos Généraux, toujours en colère, toujours acharnés les uns contre les autres.

Remontons à la fource du mal & voyons le remede. Vos plans, vos préparatifs ne se font jamais à temps. Pour y penfer, vous attendez qu'un événement arrive. Quand vous êtes prêts, l'occafion eft paffée, & vous vous replongez dans l'inaction. Qu'il furvienne une nouvelle affaire; nouvelles mesures prifes tumultuairement. Or ce n'eft pas le moyen de réuffir. Jamais vous ne ferez rien avec des milices levées à la hâte. Mais ayez toujours une armée fur pied, & payez-la bien. Ayez des Tréforiers, affurez-vous de leur fidélité, & qu'ils vous rendent un compte exact de la dépenfe. Que votre Général pareillement vous rende compte de fes actions; & qu'on ne lui laiffe aucun prétexte ni d'aller ailleurs, ni de faire autre chofe que ce qui eft porté par vos ordres. Philippe, fi vous en ufez ainfi

forcé à fe renfermer dans les bornes de la paix, demeurera tranquille dans fa Macédoine. Que s'il ne veut pas, vous au rez de quoi vous battre à forces égales. Peut-être, ATHÉNIENS, que comme aujourd'hui vous demandez ce que fait Philippe, & où il marche; peut-être qu'alors il ne demandera pas avec moins d'inquiétude Où eft defcendue la flotte d'Athènes ? Où va-t-elle tomber?

Pour fuivre mon plan, dira-t-on, il en coûteroit beaucoup de foins, beaucoup de peines, les frais iroient loin. Je l'avoue. Auffi la guerre amene-t-elle toujours de grands maux. Mais, en comptant d'une part les maux que cette guerre vous caufera; & de l'autre, ceux qu'elle préviendra; vous trouverez qu'il y a du profit à faire généreufement votre devoir.

Quand même un Dieu ( car ici la parole d'aucun mortel ne peut fuffire) quand même un Dieu vous répondroit que vous, ATHENIENS, vous n'aurez perfonnellement rien à craindre de Philippe, fi vous ne remuez point: ne feroit-il pas honteux, ne feroit-il pas indigne, & de vous, & de la majesté d'Athènes, & de la gloire que nos ancêtres ont fi juftement méritée, d'immoler à votre repos la liberté

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de tous les autres Grecs? Pour moi, plutôt mourir que de vous le confeiller. Qu'un autre vous le perfuade; à la bonne heure; n'armez point; abandonnez tout, Mais fi tous défavouent ce lâche fentiment, & fi tous conviennent que plus l'ennemi s'agrandira, plus il nous deviendra formidable, pourquoi balancer? Pourquoi différer ? Qu'attendons-nous, ATHENIENS, pour faire ce que nous devons? Qu'une forte de néceffité nous y réduife? Mais ce qui eft néceffité pour des hommes libres, n'a plus befoin d'être attendu, & nous l'éprouvons depuis long-temps. Pour des hommes libres, point de plus preffante néceffité que celle de réparer leur honneur. Attendez-vous cette autre espèce de néceffité, la crainte des coups, qui eft le partage des efclaves? Puiffiez-vous ne la connoître jamais!

Toutes blâmables que font vos lenteurs à fervir la République, foit de vos biens, foit de vos perfonnes, encore peut-on les couvrir de quelque prétexte. Mais un défaut inexcufable, c'eft de n'avoir pas même la patience d'entendre parler de vos affaires, & d'apprendre ce que vous êtes dans l'obligation de favoir. Pour nous donner audience vous attendez, comme

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aujourd'hui, que le danger foit présent. Vous ne prenez jamais confeil d'avance, & à loifir. Pendant que l'ennemi fe prépare, fi l'on vous avertit d'en faire autant, vous fermez la bouche à l'Orateur. Vous annonce-t-on la prife ou le fiege de quelque place? Alors vous prêtez l'oreille, & vous faites des préparatifs. Mais lorfque vous refufiez d'écouter, c'étoit le temps d'armer; & lorfque vous demandeż confeil, ce feroit le temps d'agir. Vous faites donc tout le contraire des autres hommes: car les autres délibèrent fur l'avenir; & vous, ATHÉNIENS, fur le paffé.

Quant à préfent rien de fi preffé que de faire les fonds de la guerre. Vos mefures devroient être prifes; mais nous y fommes encore à temps; & fi nous profitons des conjonctures, elles nous offrent une abondante reffource: Premièrement, ceux de nos (4) peuples qui font le mieux dans l'efprit du Roi, & à qui même il croit devoir quelque reconnoiffance, dé

(4) Il s'agit ici des Thébains, par qui le Roi de Perfe Artaxerxès Ochus, avoit été fecouru & utilement fervi, lorfqu'il fit le fiege de Pélufe, ville d'Egypte, la feconde année de l'Olympiade 107.

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