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étoit, de nous corriger. Mais nos fautes font anciennes, & de toute espèce. Je ne vous en reprocherai plus qu'une, mais qui renferme toutes les autres : & ce ne fera qu'après vous avoir demandé que mon trop de fincérité ne vous bleffe pas.

Toutes les fois que l'occafion d'agir s'eft présentée vous avez été vendus : & au-lieu de faire tomber le poids de votre colère fur ceux qui vous trahif foient, vous n'avez penfé qu'à goûter les charmes du repos & de la molleffe. Voilà ce qui a fait paffer vos honneurs en d'autres mains. Mais ne parlons ici que de Philippe. Vient-on à faire mention de lui? Tel auffi-tôt fe levera pour vous dire qu'il ne faut point déclarer la guerre légérement. Ah! s'écriera-t-il, que la paix eft aimable! Qu'une armée coûte à entretenir ! On en veut à vos finances ajoutera-t-il. Point de fables fi abfurdes qu'on ne vous les donne pour des vérités.

Quoi, ces exhortations à la paix doivent-elles donc s'adreffer à vous, qui n'êtes que trop pacifiques? Qu'on parle de paix à celui qui fait la guerre & s'il confent au repos, ce n'eft pas vous qui le troublerez.

Regardez comme quelque chofe d'o

néreux, non ce qu'il vous en coûtera pour vous défendre, mais ce qu'il vous en coûtera pour ne vous être pas défendus. Précautionnez-vous contre la diffipation de vos finances 2 non par le refus d'en faire ufage dans le befoin, mais par de fages mefures pour empêcher qu'elles ne foient pillées.

Je m'étonne que cette diffipation, qu'il vous eft aifé de prévenir, & dont vous ferez toujours maîtres de punir les coupables alarme fi fort certaines gens, tandis que Philippe qui faccage toute la Grèce, & qui vous prépare le même fort, ne les alarme point.

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Hé comment fe fait-il, ATHENIENS qu'aucun de ces gens-là, voyant Philippe commettre ouvertement des injuftices, & nous prendre nos villes, ne l'accufe de violer la paix, & que fi l'on vous confeille de vous y oppofer, ils difent que c'eft nous qui foufflons la guerre ?

Par là ils prétendent fe ménager un moyen, pour faire que les maux inévitables dans le cours d'une guerre (car il y en a toujours d'inévitables) foient imputés à ceux de vos Orateurs, dont le zele aura le plus éclaté. Ils comprennent que fi vous confpirez tous unanimement con

tre Philippe, fa perte non-feulement fera certaine, mais entraînera celle de leurs penfions. Qu'au contraire, fur les premieres difgrâces qui vous arriveront, fi vous avez à vous en prendre à quelquesuns de nous, votre colère s'évaporera en procédures. Qu'étant les premiers euxmêmes à nous pourfuivre, ils y gâgneront tout à la fois, & la bienveillance d'Athènes & l'argent de Philippe. Qu'enfin la peine due à leur trahifon, fera le prix de leur fidélité.

Telles font les espérances, dont ils fe flattent. Voilà ce qui leur fait dire que fi l'on entreprend la guerre, c'eft par dé férence pour quelques-uns de vos Orateurs. Mais moi je fais qu'avant qu'au cun Athénien eût penfé à prendre les armes, Philippe avoit depuis long-temps envahi plufieurs de nos places, & qu'il a depuis peu envoyé du fecours aux rebelles de Cardie. Après quoi; fi nous perfiftons à ne vouloir pas le croire notre ennemi, ce feroit à lui une folie outrée de nous tirer d'erreur. Puifque les offenfés nient le fait, eft-ce, je vous prie, à l'offenfeur de le prouver ?

Mais quand nous le verrons à nos portes, que dirons-nous alors? Pour lui, il

*

foutiendra toujours qu'il ne nous attaque pas. Auffi ne dit-il rien aux Oritains, avant que de fe voir campé fur leurs terres; ni à la ville de Phères avant que de l'affiéger; ni aux Olynthiens, avant que d'être chez eux à la tête de fon armée.

Quand donc nous le verrons à nos portes, prendra-t-on encore pour des efprits turbulents, ceux qui vous parlent de vous défendre? Acceptons, fi cela eft, la fervitude car il n'y a point de milieu.

Vous rifquez encore plus que tous les autres. Philippe fe propofe, non d'affer vir Athènes; non; mais de l'anéantir. Il conçoit affez qu'une République, qui eft accoutumée à commander, ne veut pas, & quand elle le voudroit, ne peut pas porter le joug. Il conçoit qu'à la premiere occafion, vous lui fufciterez vous feuls plus d'affaires, que tous les autres Grecs enfemble. Attendez-vous donc, fi vous tombez entre fes mains, aux plus affreufes extrémités. Il s'agit de fauver tout, ou de perdre tout. Ainfi déteftez, exterminez ceux qui fe font, de notoriété publique, vendus à lui. Tant que vous heurterez contre de femblables écœuils votre naufrage eft fûr : & jamais vous ne dompterez vos ennemis

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du dehors, que vous n'ayez détruit ceux du dedans.

Pourquoi, ATHENIENS, Philippe vous outrage-t-il avec tant d'indignité ? Pourquoi ufe-t-il de menaces avec vous, tandis que pour féduire les autres Grecs, au moins a-t-il recours à des voies douces & flatteufes ? Quand il précipita les Theffaliens dans l'efclavage, ce fut en les aveuglant par fes bienfaits. On ne fauroit dire par combien de faveurs, à la tête defquelles étoit la ceffion de Potidée, il trompa les trop crédules Olynthiens. Aujourd'hui encore il amorce les Thébains, en leur remettant la Béotie, après les avoir délivrés d'une longue & penible guerre. Ainfi les miferes, dont quelques-uns de ces peuples font accablés, & les autres menacés, ont du moins eu de beaux commencements. Mais nous, fans parler de nos pertes anciennes, & à ne compter que depuis la négociation de la paix, comment nous a-t-on traités ? On nous a enlevé la Phocîde, & les Thermopyles. On nous a pris Serrie & Dorifque dans la Thrace. On a mis aux fers Cherfoblepte notre allié. On s'empare de Cardie, & on l'avoue..

Pourquoi, dis-je, les procédés de Phipi !

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