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REMARQUES

DE M. L'ABBÉ MASSIEU,

Sur la Traduction de la troifieme Philip. pique par M. DE TOURREIL.

Page 146. ligne 1. Edition de Paris, 1701. Tous les Grecs fans exception,, à commencer par les Athéniens, ont accordé à Philippe. ] Le Grec ajoute un droit qui de tout tems a été la fource de toutes nos guerres, ύπερ ἐ τὸν ἄλλον ἅπαντα χρόνον ἀπαντες οἱ πόλεμοι γεγόνασιν oi êλanvizoi. Voici comme M. de T. amplifie & embellit cela: Un droit que perfonne jufqu'à ce jour n'avoit ufurpé impunément; un droit dont notre nation avoit toujours paru fi jalouse; un droit enfin qui depuis plus d'un fiecle a été l'unique fujet, ou le prétexte de toutes nos guerres. C'est ainsi que M. de T. trouve moyen de faire trois phrafes d'une. Il auroit bien de la peine à montrer les deux premieres dans le texte. Au refte, τὸν ἄλλον ἀπαντα χρόνον, ne veut point dire, depuis plus d'un fiecle, comme M. T. le traduit; mais, de tout temps. Ce qui eft bien différent.

P. 146. 1. 7. Quel est ce droit fi extraordinaire, ce privilege fingulier?] Il n'y a point de grands mots dans le Grec. Il y a feulement: Quel est ce droit? TI ESI TOTO; Les grands mots font peu propres à perfuader.

P. 147. 1. 21. Contre les peuples & contre les

villes de la Grèce. ] Le texte dit, contre la Grèce, Eyvas. N'y a-t-il point quelque cho→ fe de puérile dans l'amplification françoife? Et ne fe moqueroit-on pas d'un homme qui au lieu de dire, contre la Hollande, s'aviferoit de dire avec emphase contre les peuples & contre les villes de la Hollande? Si M. de T. s'en tenoit à fon texte il ne tomberoit pas dans ces puérilités.

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P. 148. 1. 20. Nous apprenons ces attentats, nous les voyons. ] Le texte n'ajoute que deux mots, καὶ ἀγανάκι μεν, fans indignation. Ce que M. de T. traduit ainfi fans que perfonne fe remue. Tous à l'envi nous demeurons tran quilles. Récit, fpectacle, rien ne nous frappe.... Le defir naturel de fe conferver ne peut obtenir de nous le moindre mouvement. Pour tout cela il n'y a dans le Grec, que les deux mots que j'ai cités.

P. 150. tout au bas. Ces infenfibles aux injures de la Grèce le font encore à leurs propres injures.] Démofthene en demeure là. M. de T. approfondit & creufe cette penfée. La vengeance, ajoute-t-il, ne les remue pas plus que la pitié. Tout leur est étranger jufqu'à eux

mêmes.

P. 151. 1. 21. A quoi donc imputer. ] Le Grec dit ces défordres τί εν αιτιόν τελωνί ; M. de T. dit: Cet aviliffement d'ame & cette baffeffe de fentimens : & il trouve tout cela dans τύτωνί,

P. 153. 1. 3. Vous payez d'ingratitude & de colère la répréhenfion la plus jufte. ] Le Grec ne dit que cela, mais M. de T. ne s'en contente pas, & coud cette longue queue au texte,

Il n'y a plus ici de haine que pour les cenfeurs de la perfidie; & l'on rifque moins à commettre le crime qu'à le condamner. Non, je ne puis m'imaginer que M. de T. lui-même croie traduire, lorfqu'il jette dans la copie de grandes fentences, qu'il fait fort bien en fa confcience n'être en aucune maniere dans l'original.

P. 153. 1. 16. Tant d'avantages enfemble ne forment de la puiffance d'Athènes qu'un grand corps fans intelligence, fans mouvement, & fans vie.] On prie M. de T. de montrer cela dans le Grec, ou du moins quelque chofe qui en approche. P. 155 1. 22. Parce que vous n'êtes plus les mêmes. C'est ce que dit le Grec:

Yap TWG x80 psis. Mais M. de T. ajoute: Et que la gloire de votre nom ne fait plus qu'éclairer votre honte. Ce qui n'eft ni de près ni de loin dans le Grec. Tout le monde fait que c'est une penfée de Juvénal:

Claramque facem præferre pudendis. M. de T. l'a trouvée belle, & a cru qu'il en devoit enrichir fa traduction. Mais y eût-il jamais rien de fi plaifant, que de mettre Juvénal dans la bouche de Démosthène ?

P. 156. 1. 29. L'or & l'argent fe comptoient entre les armes défendues : & on ne les vit jamais acheter le fuccès, ni de leurs deffeins, ni de leurs expéditions. C'étoit le fort des armes, ou la valeur des foldats, & l'habileté des Capitaines, qui en décidoient. La guerre elle-même avoit fes lois de probité & de bienséance, dont ils auroient fait fcrupule de fe difpenfer. Mais depuis que l'on marchande & que vend les profpérités militaires; aujourd'hui qu'on a trouvé l'invention des traîtres, on ne

l'on

s'amufe plus à donner ni des combats ni des batailles.] J'ai ouï dire que M. de T. regarde cet endroit comme un des plus beaux de fa traduction. C'eft un de ceux où l'on trouve un plus grand nombre d'infidélités. Il n'y a dans le Grec que deux lignes, qui difem à la lettre : Rien ne s'achetoit alors. La guerre fe faifoit de bonne-foi, & à force ouverte. Mais aujourd'hui les traîtres ont tout perdu. ὥςε ἐδὲ χρημάτων ὠνεῖσθαι παρ ἐδενὸς ἐδὲν, ἀλλ ̓ εἶναι νόμιμόν τινα καὶ προφανῆ τὸν πόλεμὸν. νυνὶ δὲ ὁρᾶτε τὰ πλεῖςα της προδότας άwoλwλexótαs. Qu'on fe donne la peine d'examiner ce qui eft uniquement de M. de T. & l'on verra combien il fort des bornes de la traduction. Mais ne le corrigera-t-on point de la paffion qu'il a pour les tours extraordinaires & finguliers? Il fe fait bon gré de la découverte qu'il a faite de ces belles phrafes compter l'or & l'argent entre les armes défendues...... Depuis qu'on a trouvé l'inven tion des traîtres. Cependant fi l'on en juge par les regles que les plus excellents Critiques nous ont données, rien n'eft moins beau que ce qui paroît fi beau à M. de T. Horace nous affure qu'en fait d'ouvrages d'efprit les vraies beautés font celles qui femblent se préfenter d'elles-mêmes de forte que le Lecteur s'imagine qu'il lui auroit été facile d'en dire autant: Üt fibi quivis fperet idem. M. Defpréaux, celui peut-être de tous nos Ecrivains qui a le plus approché d'Horace, penfe fur cela comme le Poëte Latin : & dit qu'une belle pensée n'est point une pensée que perfonne n'a jamais eue, ni dû avoir qu'au contraire,

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c'est une pensée qui a dû venir à tout le monde, & que quelqu'un s'avife le premier d'exprimer. Quintilien, Longin, tous nos maîtres parlent le même langage. Le feul M. de T. en juge autrement. Il n'eft occupé qu'à chercher des penfées & des expreffions qui ne foient jamais venues & qui ne puiffent jamais venir à perfonne. Il peut fe vanter qu'il y réuffit.

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P. 159. 1. 5. Vous goûtez un doux plaifir, vous éclatez de rire autant de fois que leurs fanglantes railleries & leurs calomnies atroces dé chirent la réputation la plus entiere, & attaquent la vertu la plus refpectable.] Le Grec dit feulement Déchirent-ils la réputation de quelqu'un, vous ne faites qu'en rire. Et il dit cela en trois mots : γελᾶτε ἄν τισι λοιδορηθῶσι. De forte que felon M. de T. ysλãtɛ veut dire, vous goûtez un doux plaifir, vous éclatez de fire; ἂν τισι δοιδορηθῶσι, veut dire, autant de fois qu'ils déchirent par de fanglantes railleries & par des calomnies atroces : & ce qui eft plus furprenant encore, le feul mot, Tii, quibufdam, fignifie la réputation la plus entière, & la vertu la plus respectable.

τισι,

P. 160. 1. 12. Il a pris encore la peine de les chaffer deux fois de leur pays.] Le Grec ajoute & de leur envoyer deux détachements de fes troupes, l'un fous Euriloque, & l'autre Tous Parmenion. πέμψας τις μετ' Ευρυλόχε, πάλιν δὲ τὶς μετὰ Παρμενίωνος. On ne devine roit jamais comment M. de T. tourne cela. En vérité il n'y a pas moyen d'y tenir : & fe donner de pareilles licences dans le temps qu'on fait profeffion de traduire c'eft fe moquer ouvertement de fes Lecteurs, &

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