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Dieux immortels vous en infpirer la pen fée.

Je vois bien pourtant, que votre exil, fi on le regarde comme une fuite du difcours que je vous tiens, me fuscitera tôt ou tard une foule d'ennemis. Peutêtre attendront-ils à fe déclarer que l'idée de vos crimes ne foit plus fi préfente. Quoi qu'il en foit, pourvu que la République ait été mife en fûreté, je me confolerai de toute difgrâce, qui ne tombera que fur moi.

Mais non, ne nous flattons point que vos défordres vous faffent horreur; que la rigueur des lois vous intimide; qu'en faveur des conjonctures où se trouve l'Etat, vous cédiez. Jamais l'honneur, jamais la crainte, jamais la raifon ne put rien fur vous.

Partez donc, je vous le répete. Car fi je fuis votre ennemi, comme vous le publiez, votre exil vous vengera. Quand il fera connu pour être l'ouvrage du Conful, j'en deviendrai odieux, & j'au rai peine à ne pas fuccomber fous le poids de l'indignation publique. Ou fi, au contraire, vous aimez mieux travailler à la gloire de mon nom, partez avec tous vos complices; rendez-vous au

Camp de Mallius; foulevez tout ce qu'il y a de mauvais citoyens; féparez - vous des bons; déclarez la guerre à votre patrie; faites gloire d'un brigandage im pie; & qu'il paroiffe que vous avez été non point banni par le Conful, mais appelé par vos partifans.

Qu'eft-il befoin de vous y exhorter? puifque déja vous avez fait partir des gens armés, qui vous attendent (8) fur votre route puifque déja vous avez pris jour avec Mallius puifque déja vous avez fait partir avant vous cet Aigle (9) d'argent, qui, je l'efpere, vous fera fatal, & à vous, & à tous les vôtres. Il avoit, cet Aigle, fes autels facrileges dans votre maifon. Pouriez-vous plus long-temps vous voir éloigné d'une Divinité, à qui, fortant de chez vous pour quelque affaffinat, vous aviez cou

(8) Il y a dans le Latin, ad forum Aurelium, mais comment le dire en François, d'une maniere qui ne bleffe pas l'oreille? Il eft vrai qu'en traduifant un Hiftorien, il faudroit l'exprimer, de quelque maniere que ce fût. Mais en traduifant un Orateur, la fatisfaction de l'oreille eft préférable à cette exactitude fervile, quand il s'agit d'une légere circonftance, dont l'omiffion ne gâte rien.

(9) Efpece d'étendart. Voyez Dion, liv. 40.

tume d'adreffer vos hommages; & dont les autels tant de fois furent encenfés de cette main impie , que vous alliez incontinent plonger dans le fang de nos citoyens.

Vous irez donc enfin où d'impétueux & d'aveugles defirs vous entraînoient depuis long-temps. Cette démarche, loin de vous attrifter, vous comble de joie. Vous étiez né pour ce dernier crime; vos anciennes habitudes vous y ont préparé; la fortune vous en offre l'occafion. Jamais vous n'aimâtes le repos, ni même la guerre, à moins qu'elle ne fût criminelle. Vous avez trouvé à vous faire une troupe de fcélérats, qui fe voient fans bien, fans reffource. Quel charme pour vous que leur fociété! De quelles délices vous y allez regorger! Quelle douceur, de ne voir, de n'entendre pas un homme de probité, dans une fi nombreuse compagnie ! Apparemment ces laborieufes veilles, que vous fupportiez, tantôt pour commettre des actions de brigand & d'affaffin; tantôt pour tendre des pieges au fommeil d'un mari; apparemment, dis-je, ces travaux que l'on vante en vous, étoient des préparations au genre de vie que vous em

braffez. Vous avez où faire preuve de ce grand courage à fouffrir la faim, le froid, une extrême difette; & vous y fuccomberez dans peu.

Au moins en vous faifant exclure du Confulat, ai-je gâgné que la République feroit expolée, non pas aux violences d'un Conful, mais aux vains efforts d'un banni: & que dès-lors votre entreprise pafferoit, non pour une guerre, mais pour l'attentat d'un brigand.

Pour aller maintenant, PERES CONSCRITS, au-devant des plaintes que la Patrie auroit lieu, ce femble, de former contre moi je vous prie de redoubler ici votre attention, & de conferver le fouvenir de ce que je vais dire. Suppofons que la Patrie, qui m'eft plus chère mille fois que la vie même; fuppofons que toute l'Italie, que la République entiere m'adreffe à moi ce difcours.

» Que faites-vous, Cicéron? Un » homme qui vous eft connu pour l'en» nemi de l'Etat, qui va fe mettre con» tre nous à la tête d'une armée, qui » déja eft attendu dans le camp en» nemi, qui eft l'auteur & le chef d'une » confpiration, qui fouleve, qui enrôle »efclaves & citoyens vous inftruit

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de tout cela, vous fouffrirez qu'il fe«< retire tranquilement, & de maniere à «< faire dire, non que vous l'avez chaffé « de Rome, mais que vous lui avez «< donné les moyens de s'y introduire « plus fûrement? Pourquoi ne pas le « charger de chaînes ? Pourquoi ne pas «< le faire traîner au fupplice? Pourquoi « ne pas l'immoler? Qu'eft-ce qui vous «< retient? eft ce la coutume de nos «<< ancêtres? Mais parmi eux il s'eft vu «< fouvent de fimples particuliers, qui, « de leur autorité privée, ont fait mou- « rir de pernicieux citoyens. Seroient-ce << les lois, qui concernent la punition «<< des citoyens Romains? Mais dans «<< Rome, tout citoyen qui fe révolte, « fut toujours cenfé déchu de fes droits. « Craignez-vous les reproches de la «< Poftérité? Mais la crainte d'être blâ- « mé, ou la vue de quelque autre dan- «< ger que ce foit, vous fera-t-elle né- «< gliger la vie du peuple Romain? Ah! « ce feroit bien reconnoître les graces « qu'il vous a faites, en vous élevant «<< de fi bonne heure au pouvoir suprê- « me, après vous avoir fait paffer par «< tous les degrés d'honneur, vous qui « n'êtes connu que par vous perfonnel- «<<

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