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à nous battre. Je ferai votre Général. Je prends fur moi la haine des pervers. Tout ce qui donnera efpérance de guérison, je le fauverai mais pour ceux dont la corruption eft fans remede, je ne fouffrirai pas que leur venin fe communique plus avant. Ainfi, ou qu'ils fe retirent, ou qu'ils fe tiennent ici en paix : ou, s'ils ne veulent ni fortir, ni fe corriger, qu'ils s'attendent à être punis comme ils le méritent.

Mais d'autre côté auffi, quelques-uns publient que j'ai exilé Catilina. Pour bannir un citoyen, s'il ne falloit que lui dire une parole, j'aurois bientôt banni quiconque tient de tels difcours. Oui fans doute, Catilina eft d'une modeftie, d'une timidité fi grande, qu'il n'a pu foutenir la voix du Conful: dès qu'on lui a parlé d'exil, il y eft allé, il s'eft

d'abord foumis.

Hier, ayant manqué d'être affaffiné chez moi, je convoquai le Sénat dans le Temple de Jupiter Stateur, & je rapportai tout aux Peres confcrits. Quand Catilina fe préfenta, fut-il regardé, futil falué par quelque Sénateur? On crut voir en lui, ne difons pas fimplement

un mauvais citoyen, mais un ennemi mortel. Il voulut s'affeoir les princi paux de cette augufte compagnie, qui étoient du côté où il alloit fe placer, quitterent leurs fieges, & mirent de vide entre eux & lui. Alors, moi, ce violent Conful, dont un mot fuffit pour exiler un citoyen, je lui demandai s'il ne s'étoit pas trouvé à l'affemblée, qui s'étoit tenue la nuit chez Lecca? Tout hardi qu'il eft, il n'ofa me répondre, convaincu par le témoignage de fa confcience. Je continuai mon rapport. Je ra contai ce qu'il avoit fait cette nuit-là; ce que la nuit fuivante il vouloit faire; comment la guerre qu'il nous préparoit étoit toute arrangée dans fon idée. Je le vis embarraffé, interdit; & je lui demandai enfin, qu'est-ce qui arrêtoit un départ fi bien médité? Pourquoi il n'al loit pas où il avoit déja envoyé des ar mes, des haches, des faisceaux des trompettes, des étendards, & même fon Aigle d'argent, cette Divinité, qui avoit de facrileges autels dans fa maison?

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Un homme donc, qui partoit actuellement pour nous faire la guerre, on dira que je l'aurai exilé? Apparemment,

ce n'eft point à lui qu'obéiffent les troupes campées fous (8) Féfule. Vous verrez qu'elles font au Centurion Mallius qui de fon chef déclare la guerre au peuple Romain que Catilina n'y a point de part, qu'il n'eft point attendu au Camp: & que bien loin de s'y rendre, ce prétendu exilé va droit à Marseille, comme le bruit en court.

Trifte condition, que d'avoir non-feulement à conduire, mais à fauver une République! Quoi, fi la peur venoit à s'emparer de Catilina, maintenant que je l'ai mis en déroute, non fans beaucoup de travaux & de périls; fi changeant tout-à-coup de penfée, il renonçoit à fa déteftable faction; fi tout-à-coup fe détournant du chemin qui le mene à une guerre criminelle, il prenoit effectivement le parti de s'exiler: dans ce cas-là, on ne diroit pas que je l'ai prévenu, défarmé, effrayé, défefpéré; on diroit que c'est un homme innocent, qui a été banni par les menaces & par la violence du Conful. Au-lieu de le regarder comme un fcélérat, on trouveroit

(8) Fafula, aujourd'hui Fiefoli, ville de Tofcane, à laquelle on donne Atlas pour fondateur, felon Politien d'après Bocace.

qu'il mérite d'être plaint; & moi, au lieu de paffer pour un Conful très zélé je ne ferois qu'un très cruel tyran. . Je veux bien, ROMAINS, que la haine & l'injuftice s'acharnent fur moi, pourvu qu'à ce prix-là j'éloigne de vous le fléau de cette guerre facrilege. Qu'on m'accufe d'avoir envoyé Catilina en exil, j'y confens, pourvu qu'il y aille. Mais croyez-moi, il n'y fonge point. Aux Dieux ne plaife que pour ma juftification, je fouhaite qu'il foit vu à la tête d'une armée dans trois jours cependant la nouvelle vous en viendra: & s'il arrive qu'on me juge répréhen fible, je crains fort que ce ne foit bien moins pour l'avoir chaffé, que pour avoir permis fon évasion.

Mais quoique fa fuite ait été volon taire, fi pourtant il fe trouve des gens qui difent que je l'ai banni: quels dif cours ces gens-là tiendroient-ils donc, fi je lui avois ôté la vie? Quand ils font courir le bruit qu'il fe retire à Marfeille, ce n'eft pas qu'ils le croient : c'eft bien plutôt ce qu'ils craindroient. Aucun de ceux qui paroiffent s'attendrir fur fon fort, ne l'aimeroit mieux à Marseille qu'au camp de Mallius : & lui-même,

quand fa démarche actuelle ne feroit pas préméditée, n'aimeroit-il pas mieux chercher la mort en faifant fon métier de brigand, que de fe tenir paifible dans un lieu d'exil?

Au fond, puifqu'à cela près, qu'en fortant de Rome il nous y a laiffés en vie, toutes fes entreprises lui avoient réuffi: loin de nous plaindre qu'il aille en exil, c'eft ce que nous devons fouhaiter.

Mais à quoi bon parler fi long-temps d'un ennemi feul; d'un ennemi, qui fe donne pour tel; & qui a ceffé de nous être formidable, depuis qu'il y a, comme je l'ai toujours défiré, un mur entre nous & lui? Pourquoi ne rien dire de ces ennemis couverts, qui fe tiennent dans Rome, qui font au milieu de nous ? Ce que je fouhaite, ce n'est asfurément pas qu'ils périffent, c'eft qu'ils rentrent dans le devoir. Je voudrois, & il n'y aura rien d'impoffible, s'ils veulent me croire, je voudrois les réconcilier avec la République. Voyons, en effet, de qui eft compofée toute cette troupe de factieux: & je leur donnerai enfuite aux uns & aux autres, des confeils proportionnés à leur fituation, pour tâcher, autant que je le puis, de les en tirer.

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