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chevelure arrangée, point ou peu de barbe, de longues tuniques (3) à manches, des robes flottantes, qui n'ont d'autre métier, & ne font capables d'autre travail, que de paffer les nuits à table. Auprès d'eux ils attirent tous les joueurs, tous les impudiques, tous les débauchés.. Ils favent, ces enfans fi jolis, fi déli. cats, encore autre chofe qu'aimer, & qu'être aimés; què chanter, & que danfer; ils favent manier le couteau & le poifon. Tant que cette jeuneffe ne fera pas chaffée, extirpée, vous aurez dans Rome une pépiniere de Catilinas. Mais les pauvres gens, à quoi fongent-ils ? Eftce qu'ils prétendent mener leurs maîtref fes à l'armée ? Pouront-ils néanmoins s'en paffer, préfentement fur-tout que les nuits font longues? Et comment s'accommoderont-ils des frimas & des neiges de l'Apennin? Ils fe croient peutêtre apprivoifés avec le froid, parce qu'ils fe font faits à danfer nus dans les feftins. O que je crains une guerre où le Général aura pour cohorte (4) Pré

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3) Voyez Aulu-Gelle, liv. 7, ch. 12. On appeloit Cohorte Prétorienne, la Cohorte ou Compagnie qui gardoit le Général. Elle étoit compofée de quatre à cinq cents

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Pour pouvoir donc réfister aux excellentes troupes de Catilina, voyons, ROMAINS, ce que nous avons. Oppofez d'abord à ce vieux Gladiateur (5) eftropié, vos Confuls & vos Généraux. Produifez enfuite la fleur & la force de toute l'Italie, pour faire tête à ces miférables noyés de dettes. Vous avez de votre côté, & colonies, & villes mu nicipales tandis que l'ennemi a pour tout retranchement, quelques monticules couverts de broffailles. Tant d'autres avantages qui vous rendent fi confidé rables & fi puiffants, ne doivent pas fe mettre en parallele avec l'indigence de ce voleur. Mais fans compter toutes les reffources que nous avons, & qui lui manquent, le Sénat, les Chevaliers, le Peuple, la ville, le Trésfor, les revenus de l'Etat, toute l'Italie, toutes les provinces, les nations étrangeres : fans compter, dis-je, toutes ces reffources, & à n'examiner que les différents motifs

hommes choifis entre les plus braves. Voyez Feftus, liv. 14.

(5) à Mallius. Il ne devoit pas être jeune, puifqu'il avoit fervi fous Sylla.

qui nous font prendre les armes, on voit affez où eft la fupériorité. Ici la pudeur combat, là c'eft l'infolence: ici la pudicité, là la débauche: ici la droiture, là la mauvaise- foi ici la piété, là le crime: ici la fermeté, là la fureur: içi l'honneur, là l'infamie ici le devoir, là la paffion. D'une part font l'équité, la tempérance, la force, la prudence toutes les vertus armées contre l'iniquité, contre la lubricité, contre la lâcheté, contre la témérité, contre tous les vices. Et pour tout dire enfin, l'a, bondance eft ici en guerre avec la difette, la raifon avec l'aveuglement, la fageffe avec la folie, l'efpérance la plus jufte avec un défefpoir total. Quand donc les hommes viendroient à nous manquer, les Dieux immortels ne feront-ils pas que de fi grandes vertus écra fent tant de vices fi affreux ?

Ainfi, ROMAINS, continuez à bien garder vos maisons. Pour la sûreté de la Ville, j'y ai pourvu, fans que cela vous cause ni trouble, ni embarras. J'ai fait favoir dans nos colonies, & dans nos villes municipales, l'évafion nocturne de Catilina; elles fe garantiront aifément de fes infultes. Quoique les Gladiateurs,

qui eft le corps fur lequel il comptoit davantage, foient mieux intentionnés que beaucoup de Patríciens, je ne laifferai pas d'y avoir l'œeuil. Prévoyant ce qui est arrivé, j'avois par précaution envoyé Métellus attendre l'ennemi dans le Picentin, & dans la contrée des Gaulois, où, s'il ne le terraffe pas, du moins il obfervera ses mouvements, & rendra tous fes efforts inutiles. A l'égard des autres mefures qu'il nous convient de prendre, je vais en conférer avec le Sénat, dont vous voyez que l'affemblée se forme.

Mais auparavant revenons à ceux qui, par l'ordre de Catilina, fe tiennent dans Rome pour y travailler à notre perte commune. Quoique dès- là ils fe déclarent nos ennemis, cependant, puisqu'ils font nés citoyens, je veux bien les avertir encore une fois, & leur dire que ma douceur, où l'on a cru voir de l'excès, n'a eu pour but que de faire éclorre leurs complots: qu'au refte, je ne faurois préfentement oublier que c'eft ici ma Patrie, que j'y fuis Conful, & que je dois, ou vivre avec mes compatriotes. ou mourir pour eux. On n'arrête point aux portes, on n'épie point fur les che mins: fortira librement qui voudra. Mais

quiconque restera dans Rome, s'il y excite le moindre trouble, fi j'apprends qu'il trame, qu'il conçoive quelque entreprise contre la Patrie il y trouvera, & des Confuls vigilants, & de vertueux Magif trats, & un Sénat vigoureux, & des ar mes, & une prifon destinée par nos pères à la punition de ces crimes, où la notoriété fe trouve jointe avec l'énormité.

Tout fe paffera de telle forte, RoMAINS, que les plus grands défordres foient appaifés fans bruit; les plus grands périls, repouffés fans tumulte ; une guerre inteftine, la plus dangereufe & la plus cruelle qui fût jamais, terminée par un (6) Général en robe, par moi feul. Je me conduirai de maniere qu'il n'y ait pas même, s'il se peut, un des coupables qui porte dans l'enceinte de cette ville, la peine de fon crime. Ou, fi la hardieffe de quelque attentat, fi le dan

(6) Il y a en latin, me uno togato duce : & cette circonftance de n'avoir pas quitté la robe qui fe portoit en temps de paix, toga, pour prendre l'habit qui fe portoit à la guerre, Sagum, paroît à Cicéron une chose fi remar quable, fi glorieufe pour lui, qu'il la répete un million de fois. Tout le monde fait le vers qu'il fit à cette occasion:

Cedant arma toga, concedat laurea lingua.

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