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dés, qui vous caufent de vives alarmes. Philippe, dira-t-on à la tête d'une armée nombreuse & après nous avoir enlevé tant de places, n'eft pas facile à

vaincre.

Je le fais, ATHENIENS. Mais auffi n'oublions pas que nous fumes autrefois les maîtres, & de Pydne, & de Potidée, & de Méthone, & de toutes les contrées (3) voifines. Il a été un temps,

(3) Pour entendre Démosthène, c'est à tout moment une néceffité de fe mettre devant les yeux la Carte de l'ancienne Grèce; fans quoi l'on ne fauroit bien fentir la force de fon raifonnement. Mais la forme de ce volume ne permettant guère d'y faire entrer une Carte de Géographie, je pouvois y fuppléer de deux manieres ou par des Notes mifes au bas des pages, ou par une Table générale contenant les noms des pays, villes & autres lieux, dont Démosthène fait mention. De ces deux manieres j'ai préféré la feconde, pour n'avoir pas à répéter fouvent les mêmes`notes; & d'ailleurs , parce que le moins qu'on peut couper le Texte d'un Orateur, c'est toujours le mieux. On trouvera donc à la fin des quatre Philippiques, cette Table dont je parle & qui fervira également pour toutes. Je me contenterai d'y rapporter en fimple Géographe, le nom & la fituation des villes. Car, de conter leur histoire en Commentateur ce ne feroit jamais fait. Il n'y a en Grèce ni

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ne l'oublions point, que la plupart des peuples qui font préfentement livrés à Philippe, & qui étoient autrefois indépendants, furent moins jaloux de fon amitié que de la nôtre.

Dans ce temps- là s'il eût craint, fe voyant fans alliés, de fe commettre avec une République maîtreffe alors des places qui commandent fes frontières; il n'eût tenté aucune des entreprises qu'il a finies, & certainement fa puiffance ne fût pas allée où nous la voyons. Mais toutes ces places, il les regarda comme autant de prix (4) expofés à la vue des combattants, & deftinés au vainqueur. Il favoit que felon le cours ordinaire de la nature, les abfents font dépouillés par les préfents; & ceux qui manquent d'attention, par ceux qui ne craignent, ni travaux, ni périls. Delà fes grands progrès. Il a tout conquis: ou ce qu'il n'a point conquis il l'a eu à titre d'alliance, car on embraffe toujours le parti où l'on voit le plus de force & le plus d'activité.

bourgade, ni ruiffeau, ni montagne, qui ne pût fournir un volume.

(4) Image tirée de ce qui fe pratiquoit aux Jeux folennels où l'on étaloit aux yeux des

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Vous donc, ATHENIENS, fi dès au jourd'hui, puifque vous ne l'avez pas fait plutôt, vous raifonnez de même que Philippe, fi chacun de vous, dans le befoin préfent, veut concourir au bien public de bonne foi, & autant qu'il le peut, les riches en contribuant de leurs deniers, les jeunes en prenant les armes; & pour tout dire en un mot, fi chacun veut agir comme pour foi & ne plus efpérer que, pendant qu'il fe tiendra oifif, d'autres agiront: bientôt avec l'aide des Dieux, & vous réparerez des pertes qui ne fauroient être imputées qu'à votre négligence, & vous ferez vengés de Philippe.

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Car ne vous figurez pas que fa félicité foit immuable, comme celle d'un Dieu. y a a des gens qui le haïffent, il y en a qui le craignent, il y en a qui lui portent envie, même parmi ceux qui lui paroiffentle plus dévoués. En effet, vous ne devez pas fuppofer que ceux qui l'environnent foient exempts des paffions humaines. Mais, parce qu'ils ne fe fentent pas foutenus, ils n'éclatent point; & l'on ne doit s'en prendre qu'à cette lenteur, qu'à cette

Athlètes, les prix deftinés aux Victorieux

molleffe, dont je vous dis qu'il faut aujourd'hui même vous corriger.

Voyez, ATHENIENS, où eft montée l'arrogance de Philippe. Cet homme ne vous donne point à choifir entre la paix ou la guerre; il vous menace, & même, dit-on, avec une hauteur outrageante; fon avidité n'eft point encore affouvie de tout ce qu'il a conquis; il avance toujours, & pendant que vous temporifez nonchalamment il vous envelope de tous côtés.

,

Quand donc vous porterez-vous à votre devoir? Attendez-vous quelque événement? Voulez-vous que la néceffité vous y force? Mais, ATHENIENS, quelle autre idée vous faites-vous de ce qui fe paffe? Pour des hommes libres, je ne connois point de plus preffante néceffité , que celle d'effacer l'ignominie dont eux-mêmes ils fe font couverts.

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Tout (5) ce que vous avez à faire eft-ce, dites-moi, de vous demander l'un à l'autre, en vous promenant sur une place publique: Qu'y a-t-il de nouveau ? Hé qu'y auroit-il de plus nouveau, que (5) Voyez fur cet endroit, les réflexions de Longin, Traité du Sublime, ch. XVL.

de voir qu'un Macédonien fubjugue les & fait la loi à toute la

Athéniens
Grèce ?

Philippe (6) eft-il mort? Non, mais il est malade. Hé, qu'il meure ou qu'il vive , que vous importe? Quand vous ne l'auriez plus, bientôt, ATHENIENS vous vous feriez fait un autre Philippe fi vous ne changiez pas de conduite. Car il eft devenu ce qu'il eft, non pas tant par fes propres forces, que par votre négligence.

A la vérité, s'il arrivoit (7) de certains accidents, & que la Fortune qui veille toujours plus que nous-mêmes fur

(6) Dialogue entre deux Nouvelliftes.

ou

(7) S'il arrivoit que Philippe mourut. On voit affez que c'est là le fens; mais il falloit Penvelopper, comme a fait Démofthène, pour ne pas pécher contre cette bienséance, dont Cicéron veut que l'Orateur faffe fa premiere loi. Car il y avoit des chofes que les Anciens n'ofoient exprimer qu'en termes obfcurs, adoucis, pour ne point prononcer ce qu'ils appelloient verba malè ominata, des paroles finiftres. On n'ofoit dire à quelqu'un : S'il vous arrive d'être tué, fi vous venez à mourir. On enveloppoit, autant qu'on le pouvoit, l'idée trifte & odieufe d'une mort prochaine même éloignée. Les Grecs difoient, ëI TI wάTois; les Romains, Si quid humanitus contingat.

ou

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