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qu'il nous fuppofe inférieurs en forces. navales, car le contraire lui eft connu ; |ni de ce que, content de fe voir bien établi au milieu des terres, il dédaigne l'empire de la mer, & le commerce des ports ni enfin de ce que les protefta tions, les promeffes, par où il nous a éblouis pour avoir la paix, font effacées de fa mémoire.

Mais ces promeffes, dira t-on, il nẹ les oublie point : & s'il a époufé les intérêts des Thébains, il ne l'a fait certai nement, ni par ambition, ni par aucun des motifs que je lui attribue; il l'a fait parce qu'il a cru que la juftice devoit le faire pencher de leur côté.

Entre tous les prétextes imaginables, c'eft précisément le feul qu'on ne fauroit alléguer. Quoi lui qui ordonne aux Lacédémoniens d'abandonner Meffène ; il nous perfuadera que la juftice étoit fa règle, lorfqu'il mettoit les Thébains en poffeffion d'Orchomène & de Co

ronée ?

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Mais, dira-t-on encore, il y fut contraint; & lorfqu'inopinément il fe vit entre la cavalerie Theffalienne, & l'in fanterie Thébaine, il ne put que con defcendre à ce qu'on vouloit de lui,

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Croya

Voilà en effet tout ce qu'il refte à dire en fa faveur. Et pour le rendre ble, on répand que les Thébains deviennent fufpects à Philippe, & que même il va fortifier Elatée. Oui fans doute il s'y prépare, & il s'y préparera encore long-temps, ou je me trompe fort. Mais un autre de fes deffeins, & dont il ne diffère pas l'exécution car il s'en occupe actuellement, c'eft de joindre fes forces à celles d'Argos & de Meffène , pour fondre fur Lacédémone. Déja il envoie des troupes étrangères, il fournit de l'argent, & il eft attendu en perfonne avec une puiffante armée. Quelle apparence donc, que d'un côté il détruife Lacédémone, ennemie de Thèbes, & que d'autre côté il penfe à rétablir (5) la Phocide, qu'il avoit détruite en faveur des Thébains?

(5) Le fameux Temple de Delphes étoit dans la Phocide. Quelques habitants de cette contrée ayant labouré une portion des terres d'Apollon, les Amphictions les mirent à l'amende. Ce fut l'occafion d'une guerre qui partagea toute la Grèce, & qui dura neuf à dix ans. On l'appela la guerre facrée. Pour en foutenir la dépenfe les Phocéens montagnards aguerris, mais pauvres, parce que leur étoit fans commerce, & produifoit peu,

pays

Pour moi, non-feulement je fuis convaincu que fi Philippe avoit ci-devant agi par contrainte ou s'il tenoit préfentement les Thébains pour fufpects, il ne

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fe déterminerent à piller le Temple d'Apol lon. Il y avoit un tréfor immenfe. Créfus lui feul, le riche Créfus y avoit envoyé pour couvrir le principal endroit du Temple fix vingts tuiles d'or, dont chacune pefoit deux talents. En un mot, fi nous en croyons Diodore de Sicile, on fondit en or & en argent pour dix mille talents au moins: c'est-à-dire, felon le calcul de M. Dacier, pour trente millions de livres Tournois. Les Thébains, voisins des Phocéens, & leurs ennemis irréconciliables étoient de tous les Grecs les plus acharnés à cette guerre. Ils appellèrent Philippe à leur fecours; & Philippe encore plus intéressé qu'eux à détruire les Phocéens parce qu'ils étoient amis d'Athènes, & maîtres des Thermopyles, fe chargea volontiers de fignaler en cette occafion fa piété. Il pouffa l'ardeur de fon zèle pour Apollon, jufqu'à exterminer toutes les villes de la Phocide, n'y laiffer que des villages réduits â foixante feux, &, qui pis eft, condamner ces miférables à un tribut annuel exigible pendant autant d'années qu'il en faudroit pour faire les dix mille talents qui avoient été volés au Temple de Delphes. Cette fameufe guerre commença felon Pau fanias, la derniere année de l'Olympiade 105, & finit au commencement de l'Olympiade 198.

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poursuivroit pas leurs ennemis avec tant de chaleur mais de la conduite qu'il tient aujourd'hui, je conclus que dans tout ce qu'il a fait auparavant, il n'a rien fait que de deffein prémédité. Or quiconque voudra en juger fainemeut, verra que fon deffein eft de ruiner Athènes ; & que c'est même une forte de néceffité pour lui d'en venir à bout. Raisonnez, en effet. Il veut dominer. Il ne voit que vous qui puiffiez lui être un obftacle. Vous avez depuis long-temps à vous plaindre de lui. Il le fait à n'en pouvoir douter. Car il retient les places qu'il vous a prifes, Amphipolis & Potidée, qui lui fervent à couvrir fes frontieres, & fans lefquelles il ne fe croiroit pas chez lui en fûreté. Ainfi l'un & l'autre lui font connus, & qu'il cherche à vous perdre, & que vous n'êtes pas à vous en appercevoir. Vous croyant donc gens. fenfés, il préfume que vous lui portez une haine très-jufte, & qu'à la première occafion, s'il ne vous prévient, il s'en trouvera mal. Plein de cette idée, qui allume (6) fon courroux il ne s'endort ·

(6) J'ai transporté ici le apúžuvrai, de la phrafe précédente. J'en avertis, de peur qu'on ne s'imagine que je prête rien à mon, original.

point a

point, il épie le moment de vous furprendre, il fe fait des créatures parmi les Thébains, il acquiert leurs amis du Péloponnèle, tous efprits qu'il croit en même-temps, & trop mercenaires pour ne pas goûter leur fituation préfente, & trop (7) épais pour conjecturer quel fera l'avenir.

Pour peu cependant que l'on ait de prudence, le paffé fournit des exemples, qui dévoilent affez l'avenir: exemples que j'eus occafion de citer, & aux Mefféniens, & aux Argiens, mais qu'il ne fera peut-être pas inutile de vous remettre à vous-mêmes devant les yeux.

Penfez-vous, dis je aux Mefféniens,<«< que les Olynthiens n'euffent pas fouf- «< fert impatiemment quiconque leur eût « parlé mal de Philippe, dans un temps « où il leur cédoit Anthémunte, place, « Du refte, il eft aifé de voir que j'ai lu rérois, au lieu de TT, qui eft dans les éditions dé Wolfius.

(7) On fait jufqu'à quel point les Béotiens paffoient pour épais parmi les autres Grecs, Baotum in craffo jurares aëre natum. Pindare cependant étoit de Thèbes, & Plutarque de Chéronée. Il y a des lieux où l'éducation manque les dons naturels ne manquent nulle part,

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