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TROISIEME

PHILIPPIQUE,

Prononcée la troisième année
de l'Olymp. 109.

QUOIQU

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UOIQUE dans la plupart de vos affemblées ATHENIENS on vous repréfente quelles font les entreprifes de Philippe, & contre vous, & contre les autres Grecs, depuis fon Traité de paix ; quoique vous foyez tous forcés d'avouer mais pourtant fans l'avouer tous qu'il faut néceffairement réprimer, & punir fon audace; je vois cependant vos affaires tourner fi mal, que, fi je l'ofe dire avec vérité mais trop durement peut

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être, vos Orateurs euffent-ils réfolu de vous donner les plus mauvais confeils & vous de les fuivre, vous ne feriez pas tombés dans un état plus déplorable, que celui où je vous crois.

Plufieurs caufes ont fans doute con

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couru à votre ruine. Ce n'eft ni une
faute ni deux, qui ont pu vous ame
ner là. Mais à en bien juger, le mal eft
principalement venu de vos Orateurs,
qui cherchent plus à vous flatter qu'à
vous inftruire. Contents d'être honorés
& applaudis, quelques-uns ne se met-
tent point l'avenir devant les yeux; &
ils voudroient que leur exemple fût une
loi pour vous. D'autres, en accufant, en
calomniant ceux qui font à la tête des
affaires ne font par là que foulever
Athènes contre Athènes ; & pendant
qu'ils l'occupent à fe venger fur elle-
même, elle laiffe pleine liberté à Phi-
lippe. Ainfi fe conduit on : & delà
toutes nos fautes, tous nos revers.

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Que je puiffe donc, ATHENIENS,
vous dire la vérité, fans allumer votre
courroux. Penfez je vous prie, que
nous fommes dans Athènes, où l'usage
eft que fur toute autre matiere on foit
maître de parler librement: où, de vo-
tre aveu, l'étranger jouït de ce privilé
ge: où l'efclave même eft moins con-
traint dans fes difcours, que le citoyen
ne l'eft ailleurs. Vous n'avez banni la li
berté, que de vos délibérations. Ici fiers.
& délicats:

vous n'écoutez que ce qui

vous fait plaifir : & vous touchez cepen dant aux plus affreufes extrémités !

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Vous fentez-vous encore, aujourd'hui dans les mêmes difpofitions? Je n'ai qu'à me taire. Mais fi vous pouvez fouffrir qu'éloigné de toute flatterie, je vous tienne un difcours utile, me voici prêt à parler. Car enfin, quelque grand que foit l'embarras où vous vous trouvez & quelques pertes que votre indolence vous ait déja values; cependant, fi vous vous donnez les mouvements néceffaires, vous pouvez encore vous rétablir.

J'avance d'abord une propofition capable de vous étonner, mais qui n'en eft pas moins vraie. Oui, ce qui nous a perdus, c'eft ce qui doit relever nos efpérances. Que veux-je dire? Que vous n'avez rien fait, abfolument rien, pour détourner ce qui vous, eft arrivé de fâcheux. Que fi malgré tous vos efforts, les mêmes chofes vous étoient arrivées, je n'y verrois point de reffource. J'ufqu'à préfent Philippe a triomphé, non point d'Athènes, mais de votre pareffe, mais de votre inacton : & vous, ATHENIENS, vous n'avez pas été battus, puifque vous: n'êtes pas même fortis de vos murailles." Or fi nous étions tous unanimement

d'accord fur ce point, que Philippe, fans égard à fon Traité de paix, eft véritablement armé contre nous; mon devoir fe borneroit ici à vous propofer les plus faciles & les plus fürs moyens de le ranger à la raison. Mais dans le temps. même qu'il prend des villes, retient plufieurs de nos places, opprime tous les Grecs, nous avons ici des perfonnes affez peu éclairées pour fouffrir qu'on dife que c'eft nous au contraire, qui cherchons à rallumer une guerre éteinte. J'ai donc des précautions à prendre, & il faut que d'abord j'attaque cette opinion de peur qu'un jour celui de vos Orateurs, qui vous aura confeillé avec raifon de travailler à vous défendre, ne foit accufé de vous avoir mal-à-propos excités à prendre les armes.

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Je le déclare hautement, & c'est par où je commence. Vous eft-il libre de choifir entre la paix & la guerre ? Vous en croyez-vous les maîtres? Prenez la paix. Voilà mon avis; & pour aller audevant de toute. fupercherie, je demande que celui de vos Orateurs qui juge qu'ef fectivement la paix dépend de vous, fe lie dans toutes (1) les formes.

(1) C'eft-à-dire : Qu'il donne fon avis par

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Mais quand un homme a les armes à la main, quand il se montre à la tête d'une armée nombreuse, & qu'avec ce beau mot de Paix, dont il veut nous éblouir, il nous fait éprouver ce que la guerre a de plus réel; avons-nous d'autre parti à prendre, que celui de le repouffer?

il

Permis à vous, en le repouffant avec vigueur, de vous donner, comme lui pour fideles obfervateurs de la paix. Mais regarder comme un temps de paix, le temps où par la prise de toutes les places qui nous environnent, s'applanit un chemin pour venir à nous c'eft folie ou du moins cette paix-là eft bien celle d'Athènes avec Philippe, mais non pas celle de Philippe avec Athènes.

Voilà, en effet, ce qu'il tâche d'obtenir avec l'or qu'il répand: le pouvoir de vous faire la guerre, fans que vous la lui faffiez.

Attendons-nous que lui-même il avoue qu'il nous fait la guerre ? Quelle fimpliécrit, & qu'en conféquence on faffe un Décret, où fera le nom de cet Orateur, afın que l'on fache pofitivement à qui s'en prendre, fce Décret a de fâcheufes fuites.

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