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la netteté, la précision, l'exactitude qui regnent dans les bons livres depuis un certain tems, pourroient bien avoir leur premiere fource dans cet Efprit Geométrique, qui fe répand plus que jamais, & qui en quelque facon fe communique de proche en proche à ceux même qui ne connoiffent pas la Geométrie. Quelquefois un grand Homme donne le ton à tout fon fiècle, celui à qui on pourroit le plus légitimement accorder la gloire d'avoir établi un nouvel Art de raisonner, étoit un excellent Geométre.

Enfin tout ce qui nous éleve à des réflexions, qui quoique purement fpeculatives, font grandes & nobles, eft d'une utilité qu'on peut appeller fpirituelle & Philofophique. L'Efprit a fes befoins, & peut-être auffi étendus que ceux du Corps. Il veut fçavoir; tout ce qui peut être connu lui eft néceffaire, & rien ne marque mieux combien il est destiné à la vérité, rien n'est peut-être plus glorieux pour lui, que le charme que l'on éprouve, & quelquefois malgré foi, dans les plus feches & les plus épineufes recherches de l'Al gebre.

Mais fans vouloir changer les idées communes, & fans avoir recours à des utilités qui peuvent paroître trop fubtiles & trop raffinées, on peut convenir nettement que les Mathematiques & la Phifique ont des endroits qui ne font que curieux, & cela leur est commun avec les connoiffances les plus géneralement reconnuës pour les, telle qu'eft l'Histoire.

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L'Hiftoire ne fournit pas dans toute fon étendue des exemples de vertu ni des regles de conduite. Hors de là, ce n'eft qu'un fpectacle de révolutions perpetuelles dans les affaires humaines, de naiffances & de chutes d'Empires, de moeurs, de coutumes, d'opinions, qui fe fuccedent inceffamment, enfin de tout ce mouvement rapide, quoiqu'infenfible, qui emporte tout, & change continuellement la face de la terre.

Si nous voulons opposer curiofité à curiofité, nous trouverons qu'au lieu de ce mouvement qui agite les Nations, qui fait naître, & qui renverse. des Etats, la Phifique confidere ce grand & univerfel mouvement qui a arrangé toute la nature, qui a fufpen

du les Corps céleftes en différentes Spheres, qui allume & qui éteint des Etoiles, & qui en fuivant toujours des loix invariables, diverfifie à l'infini fes effets. Si la difference étonnante des mœurs & des opinions des Peuples eft fi agréable à confiderer, on étudie auffi avec un extrême plaifir la prodigieufe diverfité de la ftructure des differentes efpeces d'Animaux par rapport à leurs différentes fonctions, aux Elemens où ils vivent, aux climats qu'ils habitent, aux alimens qu'ils doivent prendre, &c. Les traits d'Hiftoire les plus curieux auront peine à l'êtré plus que les Phofphores, les Liqueurs froides qui en fe mélant produifent de la flame les Arbres d'argent, les Jeux prefque magiques de l'Aiman & une infinité de Secrets que l'Art a trouvés en observant de près, & en épiant la Nature. En un mot la Phifique fuit & démêle, autant qu'il eft poffible, les traces de l'Intelligence & de la Sageffe infinie qui a tout produit; au lieu que l'Hiftoire a pour objet les effets irreguliers des paffions, & des caprices des hommes, & une fuite d'évenemens fi bifarre, que l'on a au

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trefois imaginé une Divinité aveugle & infenfée pour lui en donner la di

rection.

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Ce n'eft pas une chofe que l'on doive conter parmi les fimples curiofités de la Phifique, que les fublimes réflexions où elle nous conduit fur l'Auteur de l'Univers. Ce grand Ouvrage toujours plus merveilleux à mefure qu'il eft plus connu nous donne une fi grande idée de fon Ouvrier, que nous en fentons notre efprit accablé d'admiration, & de refpect. Sur tout l'Af tronomie, & l'Anatomie font les deux Sciences qui nous offrent le plus fenfiblement deux grands caracteres du Créateur; l'une,fon immenfité, par les distances, la grandeur, & le nombre des Corps céleftes; l'autre, fon intelligence infinie, par la Mechanique des Animaux. La véritable Phifique s'éleve jufqu'à devenir une espece de Theologie,

Les différentes vûës de l'efprit humain font prefque infinies, & la Nature l'eft véritablement. Ainfi l'on peut efperer chaque jour, foit en Mathematique, foit en Phifique, des découvertes, qui feront d'une efpece nouvelle

nouvelle d'utilité, ou de curiofité. Raffemblés tous les différens ufages dont les Mathematiques pouvoient être il y a cent ans, rien ne reffembloit aux Lunettes qu'elles nous ont données depuis ce tems-là, & qui font un nouvel organe de la vûë, que l'on n'eût pas ofé attendre des mains de l'Art. Quelle eût été la furprise des Anciens, fi on leur eût prédit qu'un jour leur pofterité, par le moyen de quelques inftrumens, verroit une infinité d'objets qu'ils ne voyoient pas, un Ciel qui leur étoit inconnu, des Plantes & des Animaux, dont ils ne foupçonnoient feulement pas la poffibilité 2 Les Phificiens avoient déja un grand nombre d'expériences curieufes, mais voici encore depuis près d'un demi fiécle la machine Pneumatique qui en a produit une infinité d'une nature tou→ te nouvelle, & qui en nous montrant les corps dans un lieu vuide d'air, nous les montre comme tranfportés dans un Monde différent du nôtre, où ils éprouvent des altérations dont nous n'avions pas d'idée. Peut-être l'excellence des Methodes Geométriques que l'on invente ou que l'on perfectionne de jour

Tome V.

B

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