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fruits de la protection qu'il accordoit aux Sciences. Dans la fuite ce Ministre, toujours plus content de fa converfation, l'envoyoit querir lorfqu'il venoit à Paris; fa curiofité fur quelque mátiere que ce fût le trouvoit toujours prêt à la fatisfaire, & s'il falloit une difcuffion plus exacte & plus profonde, perfonne n'étoit plus propre que M. l'Abbé Gallois à y réüffir en peu de tems, circonftance prefque abfolument neceffaire auprès de M. Colbert. Enfin ce Miniftre, qui fe connoiffoit en Hommes, après avoir éprouvé long-tems & l'efprit & la litterature & les mœurs de M. l'Abbé Gallois, le prit chés lui en 1673, & lui donna toujours une place & à fa Table & dans fon Carroffe. Cette faveur fi particuliere étoit en même-tems, & une récompenfe glorieufe de fon fçavoir, & une occafion perpetuelle d'en faire un ufage agréable, & une heureuse neceffité d'en acquerir encore tous les jours.

M. Colbert favorifoit les Lettres, porté non-feulement par fon inclination naturelle, mais par une fage Politique. Il fçavoit que les Sciences & les Arts fuffiroient feuls pour rendre un

Regne glorieux, qu'ils étendent la langue d'une Nation peut-être plus que des Conquêtes, qu'ils lui donnent l'Empire de l'Esprit & de l'Industrie, égaleinent flateur & utile, qu'ils attirent chés elle une multitude d'Etrangers, qui l'enrichiffent par leur curiofité, prennent fes inclinations, & s'attachent à fes interêts. Pendant plufieurs Siècles, l'Univerfité de Paris n'a pas moins contribué à la grandeur de la Capitale, que le féjour des Rois. On doit à M. Colbert l'éclat où furent les Lettres, la naiffance de cette Academie, de celle des Infcriptions, des Academies de Peinture, de Sculture, & d'Architecture, les nouvelles faveurs que l'Academie Françoise reçut du Roi, l'impreffion d'un grand nombre d'excellens Livres dont l'Imprimerie Royale fit les frais, l'augmentation prefque immenfe de la Bibliotheque du Roi, ou plûtôt du Tréfor public des Sçavans, une infinité d'Ouvrages que les grands Auteurs ou les habiles Ouvriers n'accordent qu'aux careffes des Miniftres & des Princes, un goût du Beau & de l'Exquis répandu par-tout, & qui fe fortifioit fans ceffe. M. l'Abbé Gallois

eut

eut le fenfible plaifir d'obferver de pres un femblable Ministere, d'être à la fource des deffeins qui s'y prenoient, d'avoir part à leur execution, quelquefois même d'en infpirer, & de les voir fuivis. Les gens de Lettres avoient en lui auprès du Miniftre un Agent toujours chargé de leurs Affaires, fans que le plus fouvent ils euffent eu feulement la peine de l'en charger. Si quelque Livre nouveau, ou quelque découverte, d'Auteurs même qu'il ne connût pas, paroiffoient au jour avec réputation, il avoit foin d'en inftruire M. Colbert, & ordinairement la récompenfe n'étoit pas loin. Les liberalités du Roi s'étendojent jufque fur le Merite étranger & alloient quelquefois chercher dans le fond du Nord un Sçavant furpris

d'être connu.

En 1673 M. l'Abbé Gallois fut reçû dans l'Academie Françoife. Quoique l'Eloquence ou la Poëfie foient les principaux talens qu'elle demande, elle admet auffi l'Erudition qui n'eft pas barbare, & peut-être ne lui manque-t-il que de fe parer davantage de l'ufage qu'elle en fait, & même du befoin qu'elle en a. M. l'Abbé Gallois quitta Tome V. Q

le Journal en 1674, & le remit en d'autres mains. Il étoit trop occupé auprès de M. Colbert, & d'ailleurs ce travail étoit trop affujettiffant pour un Genie naturellement auffi libre que le fien. Il ne refiftoit pas aux charmes d'une nouvelle lecture qui l'appelloit, d'une curiofité foudaine qui le faififfoit, & la regularité qu'exige un Journal leur étoit facrifiée.

Les Lettres perdirent M. Colbert en 1683. M. l'Abbé Gallois avoit ajouté à la gloire de leur avoir fait beaucoup de bien, celle de n'avoir prefque rien fait pour lui-même. Il n'avoit qu'une modique penfion de l'Academie des Sciences, & une Abbaye fi mediocre qu'il fut obligé de s'en défaire dans la fuite. Feu M. le Marquis de Seignelai lui donna la place de Garde de la Bibliotheque du Roi dont il difpofoit; mais la Bibliotheque étant fortie de fes mains, il récompenfa M. l'Abbé Gallois par une place de Profeffeur en Grec au College Royal, & par une penfion particuliere qu'il lui obtint du Roi fur les fonds de ce College, attachée à une efpece d'Infpection generale. M. de Seiguelai ne crut pas que fon Pere fe fût.

fuffifamment acquitté, & puifqu'on n'en fçauroit accufer le peu de goût de M. Colbert pour les Lettres, il en faut louer l'extrême moderation de M. l'Abbé Gallois.

Lorfque fous le Miniftere de M. de Pontchartrain, aujourd'hui Chancelier de France, l'Academie des Sciences commença par les foins de M. l'Abbé Bignon à fortir d'une espece de langueur où elle étoit tombée, ce fut M. l'Abbé Gallois qui mit en ordre les Memoires qui parurent de cette Academie en 1692 & 93, & qui eut le foin d'en épurer le Stile. Mais la grande variété de fes Etudes interrompit quelquefois ce travail qui avoit des tems prefcrits, & le fit enfin ceffer. L'Academie ayant pris une nouvelle forme en 1699, il y remplit une place de Geometre, & entreprit de travailler fur la Geometrie des Anciens, & principalement fur le Recueil de Pappus, dont il vouloit imprimer le Texte Grec qui ne l'a jamais été, & corriger la Traduction Latine, fort défectueufe. Rien n'étoit plus convenable à fes inclinations, & à fes talens, qu'un projet qui demandoit de l'amour pour l'Anti

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