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l'avoir pour Correspondant de fon Aca demie, il lui fit propofer par le Comte Graziani Miniftre & Secretaire d'Etat du Duc de Modene, de venir en France, où il recevroit une Penfion du Roi proportionnée aux emplois qu'il avoit en Italie. Il répondit qu'il ne pouvoit difpofer de lui, ni recevoir l'honneur que Sa Majesté vouloit bien lui faire, fans l'agrément du Pape, qui étoit alors Clement IX, & le Roi le fit demander à Sa Sainteté & au Sénat de Boulogne par M. l'Abbé de Bourlemont alors Auditeur de Rote, mais feulement pour quelques années. On crut que la negociation ne réüffiroit pas fans cette restriction, qui apparemment n'étoit qu'une adreffe. On lui fit l'honneur & de croire cet artifice neceffaire, & de vouloir bien s'en fervir.

Il arriva à Paris au commencement de 1669, appellé d'Italie par le Roi, comme Sofigene, autre Aftronome fameux, étoit venu d'Egypte à Rome appellé par Jule-Cefar. Le Roi le reçut & comme un Homme rare

&

comme un Etranger qui quittoit fa Patrie pour lui. Son deffein n'étoit pas de demeurer en France, & au bout de

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quelques années le Pape & Boulogne qui lui avoient toujours confervé les émolumens de fes emplois, le redemanderent avec chaleur, mais M. Colbert n'en avoit pas moins à le leur difputer, & enfin il eut le plaifir de vaincre & de lui faire expedier des Lettres de Naturalité en 1673. La même année il époufa Geneviève Delaître, fille de M. Delaître Lieutenant General de Clermont en Beauvoifis. Le Roi en agréant fon mariage cut la bonté de lui dire, qu'il étoit bien-aise de le voir devenu François pour toujours. C'est ainfi que la France faifoit des conquêtes jufque dans l'Empire des Let

tres.

le

Parce que M. Caffini étoit Etranger, il avoit également à craindre que Public ne fût dans des difpofitions pour lui ou trop favorables, ou malignes; & fans un grand merite il ne fe fût pas fauvé de l'un ou de l'autre peril. II comprit qu'il commençoit une nouvelle carriere, d'autant plus difficile, que pour foutenir fa réputation il falloit la furpaffer. Nous ne fuivrons point en détail ce qu'il fit en France, nous en détacherons feulement quelques traits des plus remarquables.

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L'Academie ayant envoyé en 1672 des Obfervateurs dans l'Ifle de Cayenne proche de l'Equateur, parce qu'un Climat fi different du nôtre devoit donner quantité d'Obfervations fort differentes de celles qui fe font ici, & qui nous feroient d'un grand ufage, on en rappor ta tout ce que M. Caffini n'avoit éta bli que par raifonnement & par Theorie plufieurs années auparavant fur la Parallaxe du Soleil, & fur les Réfractions. Un Astronome fi fubtil est presque un Devin, & on diroit qu'il prétend à la gloire de l'Aftrologue.

De plus, un des principaux objets du Voyage étoit d'obferver à Cayenne la Parallaxe de Mars, alors fort proche de la Terre, tandis que M. Cafsfini & les autres Aftronomes de l'Academie l'obfervoient ici. Cette Methode d'avoir les Parallaxes par des Obfervations faites dans le même tems en des lieux éloignés, eft l'ancienne; mais M. Caffini en imagina une autre où un feul Obfervateur fuffit, parce qu'une Etoile fixe tient lieu d'un fecond. M. Wifton celebre Aftronome Anglois, a dit que cette idée avoit quelque chofe de miraculeux.

A

Ces deux Methodes concoururent à donner la même Parallaxe de Mars d'où s'enfuivoit celle du Soleil. Après une longue incertitude, elle fut déterminée à dix Secondes, & par confequent il n'y a plus lieu de douter que le Soleil ne foit au moins à trente-trois millions de lieuës de la Terre, beaucoup au-delà de ce qu'on avoit jamais cru. Toutes les diftances des autres Planetes en font auffi augmentées à proportion, & les bornes de notre Tourbillon fort reculées.

Au mois de Decembre 1680, il parut une Comete qui a été fameufe. M. Caffini ne l'ayant obfervée qu'une fois, prédit au Roi en prefence de toute la Cour, qu'elle fuivroit la même route qu'une autre Comete obfervée par Tycho-Brahé en 1577. C'étoit une espece de destinée pour lui, , que de faire ces fortes de prédictions à des Têtes couronnées. Ce qui le rendit fi hardi fur une Obfervation unique, c'eft qu'il avoit remarqué que la plupart des Cometes, foit de celles qu'il avoit vûës, foit de celles qui l'avoient été par d'autres Aftronomes, avoient dans le Ciel un chemin particulier, qu'il appelloit

par cette raison le Zodiaque des Cometes, & comme celle de 1680 fe trouva dans ce Zodiaque, ainfi que celle de 1577, il crut qu'elle le fuivroit, & elle le fuivit.

En 1683, il apperçut pour la premiere fois dans le Zodiaque une Lumiere qui peut-être avoit déja été vûë, quoique très-rarement, mais qui en ce cas-là n'avoit été prise que pour un Phenomene paffager, & par confequent n'avoit point été fuivie. Pour lui il conjectura d'abord par les circonftances de cette nouvelle Lumiere qu'elle pouvoit être d'une nature durable, il en ébaucha une Theorie qui lui apprenoit le tems où elle pouvoit reparoître dégagée des Crepufcules, avec lesquels elle fe confond le plus fouvent & il trouva dans la fuite qu'elle pouvoit être renvoyée à nos yeux par une matiere que le Soleil poufferoit hors de lui beaucoup au-delà de l'Orbite de Venus, & dont il feroit enveloppé jufqu'à cette diftance. Comme cette Lumiere n'eft pas toujours vifible dans les tems où elle devroit l'être, il paroît que cet écoulement de matiere doit être inégal & irrégulier,

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