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dans l'Aftronomie d'autre utilité que celle qui fe tire des Satellites de Jupiter, elle juftifieroit fuffifamment ces calculs immenfes, ces Obfervations fi affidues, & fi fcrupuleufes, ce grand appareil d'Inftrumens travaillés avec tant de foin, ce Bâtiment fuperbe uniquement élevé pour l'ufage de cette Science. Cependant le gros du monde, ou ne connoît point les Satellites de Jupiter, fi ce n'eft peut-être de réputation & fort confufement, ou ignore la liaifon qu'ils ont avec la Navigation, ou ne fçait pas même qu'en ce fiécle la Navigation foit devenue plus parfaite.

Telle eft la deftinée des Sciences maniées par un petit nombre de perfonnes; l'utilité de leur progrès eft invifible à la plûpart du monde, fur tout fi elles fe renferment dans des profeffions peu éclatantes. Que l'on ait prefentement une plus grande facilité de conduire des Rivieres, de tirer des Canaux, & d'établir des Navigations nouvelles, parce que l'on fçait fans comparaison mieux niveller un terrain, & faire des Eclufes, à quoi cela aboutit-il? Des Maçons & des Mariniers ont été foulagés dans leur travail, cux

mêmes ne fe font pas apperçus de l'habileté du Geometre qui les conduifoit, ils ont été mús à peu près comme le corps left par une Ame qu'il ne connoît point; le refte du monde s'apperçoit encore moins du Génie qui a presidé à l'entreprise, & le Public ne jouit du fuccès qu'elle a eu, qu'avec une espece d'ingratitude.

L'Anatomie que l'on étudie depuis quelque tems avec tant de foin, n'a pu devenir plus exacte fans rendre la Chirurgie beaucoup plus sûre dans fes ópérations. Les Chirurgiens le fçavent mais ceux qui profitent de leur Art n'en fçavent rien. Et comment le fçauroientils? Il faudroit qu'ils comparaffent l'ancienne Chirurgie avec la moderne. Ce feroit une grande étude, & qui ne leur convient pas. L'opération a reüffi, c'en eft affés, il n'importe guere de fçavoir fi dans un autre fiécle elle auroit réüffi de même.

Il est étonnant combien de chofes font devant nos yeux fans que nous les voyons. Les Boutiques des Artisans brillent de tous côtés d'un efprit & d'une invention, qui cependant n'attirent point nos regards, il manque des

Spectateurs à des Inftrumens & à des Pratiques très-utiles, & très-ingénieu fement imaginées, & rien ne feroit plus merveilleux, pour qui fçauroit en

être étonné.

Si une Compagnie fçavante a contribué par fes lumieres à perfectionner la Geometrie, l'Anatomie, les Mechaniques, enfin quelqu'autre fcience utile, il ne faut pas pretendre que l'on aille rechercher cette fource éloignée, pour lui fçavoir gré, & pour lui faire honneur de l'utilité de fes productions. Il fera toujours plus aifé au Public de joüir des avantages qu'elle lui procurera, que de les connoître. La détermination des Longitudes par les Satellites, la découverte du Canal Thorachique, un Niveau plus commode & plus jufte, ne font pas des nouveautés auffi propres à faire du bruit, qu'un Poëme agréable, ou un beau Difcours d'éloquence.

L'utilité des Mathematiques & de la Phifique, quoiqu'à la vérité affés obfcure, n'en eft donc pas moins réelle. A ne prendre les hommes que dans leur état naturel, rien ne leur eft plus utile que ce qui peut leur conferver la vie,

& leur produire les Arts, qui font & d'un fi grand fecours, & d'un fi grand ornement à la Societé.

Ce qui regarde la confervation de la vie, appartient particulierement à la Phifique, & par rapport à cette vûë, elle a été partagée dans l'Academie en trois branches, qui font trois efpeces différentes d'Academiciens, l'Anatomie, la Chimie, & la Botanique. On voit affés combien il eft important de connoître exactemenr le Corps humain, & les remedes que l'on peut tirer des Mineraux & des Plantes. Pour les Arts dont le dénombrement feroit infini, ils dépendent les uns de la Phifique, les autres des Mathematiques.

Il me femble d'abord que fi l'on vouloit renfermer les Mathematiques dans ce qu'elles ont d'utile, il faudroit ne les cultiver qu'autant qu'elles ont un rapport immediat & fenfible aux Arts, & laiffer tout le refte comme une vaine Theorie. Mais cette idée feroit bien fauffe. L'Art de la Navigation, par exemple, tient néceffairement à l'Af tronomie, & jamais l'Aftronomie ne peut-être pouffée trop loin pour l'in

térêt de la Navigation. L'Aftronomie a un befoin indifpenfable de l'Optique à caufe des Lunettes de longue vûë; & l'une & l'autre, ainfi que toutes les parties des Mathematiques, font fondées fur la Geometrie, & pour aller jufqu'au bout, fur l'Algebre même.

La Geometrie, & fur tout l'Algebre, font la clé de toutes les recherches que l'on peut faire fur la Grandeur. Ces Sciences qui ne s'occupent que de rapports abftraits, & d'idées fimples, peuvent paroître infructueuses, tant qu'elles ne fortent point, pour ainfi dire, du Monde intellectuel; mais les Mathematiques mixtes, qui defcendent à la matiere, & qui confiderent les Mouvemens des Aftres, l'augmentation des Forces mouvantes, les différentes routes que tiennent des Rayons de lumiere en différens milieux, les différens effets du Son par les Vibrations des cordes, en un mot toutes les Sciences qui découvrent des rapports particuliers de grandeurs fenfibles vont d'autant plus loin & plus sûrcment, que l'Art de découvrir des rapports en géneral eft plus parfait. L'Inf trument univerfel ne peut devenir trop

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