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qu'il ne foit embarraffé à la trouver; & encore plus à s'en expliquer dans un fujet comme celui-ci, où fans compter d'autres confidérations, qu'un homme fage ne doit pas méprifer, chacun a pris fon parti fur des préjugés que les Ecrivains ont peine à détruire. J'ai paffé par-deffus ces obftacles, j'ai écrit une des plus délicates parties de l'Histoire de notre temps; j'y ai cherché la vérité, & je l'ai dite fans autre égard que de rendre justice à qui je la dois. C'est l'unique motif qui m'engage à prendre parti quand je le prends. Je vois des gens qui defireroient que ceux qui écrivent l'Hiftoire, n'en priffent point, & qu'ils ne fissent autre chofe que de raconter fimplement les faits, laiffant aux Lecteurs à porter leur jugement fans prévention fur ce qui eft bien ou mal fait.

Cette regle eft bonne, & ceux qui la fuivent fe mettent moins en danger que les autres de s'éloigner de la vérité; mais il eft des natures d'Hiftoire où un Ecrivain ne peut pratiquer cette maxime, fans préjudice de cette vérité même dont il eft redevable aux Lecteurs. Telles font celles où un Hiftorien écrit après les Auteurs paffionnés, qui par d'atroces calomnies ont noirci des actions louables & des acteurs vertueux; qui ont attaqué la Religion, l'autorité légitime, les Souverains; qui contre les préceptes de l'Ecriture, ont touché les Oints du Seigneur,& répandu leur

malignite fur fes Prophetes. Ceux des Sectaires ou des Rebelles, qui de nos jours ont écrit l'Hiftoire des trois derniers Rois d'Angleterre, fi nous en exceptons quelques-uns moins emportés & plus foigneux de leur propre réputation, ont fi peu gardé de mefures, ont rempli leurs Livres, out plutôt leurs Libelles, de tant de venin contre ces Princes, contre la Religion Catholique, dont le dernier a fait profeffion, contre les droits de la Royauté, qu'un Hiftorien qui veut dire le vrai, & le faire connoître aux Lecteurs, ne peut fe difpenfer de les prendre à partie. Je l'ai fait le moins fouvent que j'ai pu ; & quand je l'ai fait en attaquant l'Hiftorien, j'ai obfervé de ne point bleffer le refpect qu'on doit aux perfonnes que leur naiffance leur dignité, leur caractere doit rendre refpectables à ceux mêmes qui ne peuvent approuver leur conduite. J'ai rendu justice aux bonnes qualités de ceux qui en ont eu de mauvaises. J'ai loué les actions des plus méchans hommes, quand ils en ont fait de louables, & je n'ai pas refufé à Cromvel, que fon parricide a rendu le plus odieux Tyran qui fut jamais, l'honneur d'avoir été un grand génie, un grand politique, un grand guerrier.

J'ai gardé la même conduite envers ceux dont la vérité & la juftice m'ont engagé à prendre le parti. Je n'ai diffimulé, ni les fautes, ni les défauts, ni les mauvaises

mefures des Princes dont j'ai défendu la caufe. Je ne les ai excufés que quand j'ai cru de bonne-foi qu'ils étoient excufables, & fi je craignois d'avoir excédé, ce feroit plutôt du côté de la liberté que du côté de la flasterie.

Le fecond point fur lequel j'ai cru devoir prévenir le Lecteur, regarde les Mémoires dont je me fuis fervi. J'ai préféré dans ce Volume, comme j'ai fait dans les deux autres, les Hiftoires connues & publiques aux Manufcrits fecrets & particuliers. On m'en a indiqué que j'ai négligés, parce que je n'y ai pas trouvé toute l'autorité néceffaire à être employés sûrement. On m'en a fourni néanmoins d'un caractere à ne me laiffer aucun fcrupule de m'en fervir, & qui m'ont été d'un grand fecours.

Pour l'Hiftoire de Charles Premier, M. le Marquis d'Eftampes a bien voulu me communiquer les lettres originales de feu M.le Maréchal d'Eftampes fon grand-pere, Ambaffadeur en Angleterre durant la tenue du fameux Parlement, qui donna les premieres atteintes à la fortune de ce Roi. J'y ai trouvé beaucoup de chofes que je n'ai point trouvées ailleurs, à caufe de la liaifon que ce Miniftre avoit avec les principaux de la Cabale Parlementaire, que la France ménageoit alors pour contrebalancer la Cour qui étoit prefque ouvertement dans les intérêts d'Efpagne.

Le P. de la Ruë m'a fait voir un Extrait

qu'il

qu'il a fait autrefois de fa main, des lettres du Maréchal d'Eftrades au Cardinal de Richelieu, où j'ai trouvé des particularités qui m'ont éclairci fur des points importans que l'on fait, mais que l'on fait mal parce qu'on ne les fait que fur des bruits publics qui les alterent & les confondent. Le caractere du Copiste m'a tenu lieu de l'Original: ceux qui le connoiffent, jugeront que j'ai pu en ufer ainfi.

Pour l'Hiftoire de Charles II, M. l'Avocat-Général de Lamoignon m'a fait part d'une Relation d'Angleterre, écrite par lui-même dans un voyage qu'il fit à Londres l'an mil fix cent foixante-cinq. Cet Ecrit eft tiffu, pour ce qui regarde ce regne, de ce qu'il apprit du Roi même. Ce Prince étant en France avoit reçu quelque bon office de feu M. le premier Président; il en voulut témoigner en Angleterre la reconnnoiffance à fon fils. Il le logea à Withal, & lui donna beaucoup de liberté de le voir ; & comme par les questions que M. de Lamoignon lui faifoit, il s'apperçut qu'il recueilloit tout ce qu'il pouvoit ramaffer des particularités de fon Hiftoire,il eut la bonté de l'en inftruire lui-même ; & ce fut fur ce qu'il lui en apprit, que fut faite la Relation dont je parle, à laquelle M. de Lamoignon joignit un portrait de cette Cour qui m'a fervi de guide pour les temps fuivans, & que j'ai trouvé fi conforme à ce que m'en ont dit depuis plufieurs SeiTome III.,

b

gneurs de la Nation, qui ont fait une partie de cette Cour là même, que j'ai admiré qu'un jeune Etranger en eût fi bien connu le génie, les intrigues & les intérêts.

Je puis dire avoir eu le même bonheur pour l'Hiftoire de Jacques fecond. J'ai eu la liberté de confulter ce Prince auffi longtemps que je l'ai defiré. Je ne crains pas de l'avouer, puifque la plupart des faits que j'avance, font d'une notorité fi publique, que perfonne n'en difconvient, pas même fes ennemis. Il n'y a guère de dif férence entre ce que nous racontons tous, que dans les principes & les motifs des actions que nous racontons. Je ne crois pas qu'aucun homme équitable juge des intentions de ce Monarque, & des refforts de fa conduite, fur ce qu'en publient fes fujets rebelles, ou fur ce qu'en difent leurs partifans. Sa Religion, fa dignité, sa vertu, fon caractere d'efprit le rendent plus croya ble qu'eux. Sa droiture envers Dieu, qui lui a fait facrifier trois Couronnes à fa foi, eft un préjugé fans replique de fa fincérité envers les hommes fur des intérêts bien moins importans. Les Proteftans rebelles le blâment de s'être attiré fon malheur " par un mépris des Loix établies , par l'affection du pouvoir. arbitraire, par un zele exceffif pour fa Religion, tendant à détruire celle du Pays par des entreprises peu proportionnées au pouvoir d'un Roi d'Angleterre, borné par celui de fon

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