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le fecond, eft fondé fur ce que ne paroiffant aucun flux & reflux bien fenfible dans la Mer Mediterranée, ny mêine dans le commencement du Golphe Adriatique, il s'en faffe un fi grand, & fi reglé, dans les Lagunes de Venife. Je ne m'amuferay pas à rapporter icy les opinions extravagantes que plufieurs Autheurs ont eues touchant la caufe generale d'un effet fi furprenant; les uns n'ont conté là-deffus que des fables, les autres en ont apporté des raisons fi abtraites, & fi peu vray-femblables, qu'elles ne méritent aucune confideration. Parmy les Philofophes de ce fiecle, Galilée l'a fort ingenieufement attribué au mouvement de la terre, dont il fait voir qu'il eft une fuite neceffaire, par les démonftrations qu'il en a données.

Pour ne me pas arrêter davantage fur une matiere qu'il feroit difficile d'éclaircir entierement, je me contenteray de dire que puifque le flux & reflux de la Mer répond exactement au mouvement de la Lune, qu'il retarde tous les jours, comme cette Planete, de cinquante miDutes; que les Marées font plus hautes dans les nouvelles, & dans les pleines Lunes, que dans les quartiers, & mefme

dans les Equinoxes, que dans les Solstices; on a fujet de croire que le mouvement & le corps de la Lune, font tout enfemble les veritables caufes du flux & reflux, & de toutes les rares circonstances qui l'accompagnent.

Comme l'opinion de Monfieur Defcartes fatisfait,avec toute la probabilité que l'on peut fouhaiter, à toutes les particularitez de cette merveille, qui a tenu les ficcles paffez dans l'admiration, il y a fujet de croire qu'elle eft la meilleure, tant que la raifon ny l'experience ne découvriront rien qui puiffe contenter les efprits d'une maniere plus naturelle, & plus fenfible: C'est pourquoy fuppofant ainfi la caufe generale du flux & reflux, l'on peut, par une induction neceffaire, rendre raifon de celuy qui paroist dans les Lagunes de Venife.

Il eft impoffible que la caufe qui produit le flux & le reflux de l'Ocean, agiffe, comme elle fait,avec tant de force fur la vafte maffe des eaux, fans faire aucune impreffion fur la Mer Mediterranée; mais la raifon pour laquelle il n'y en paroift point de bien fenfible, eft que le mouvement que le flux donne aux caux de l'Ocean, fe fait du Midy au

Septentrion, depuis les Tropiques jufs ques aux Pôles dans tout ce que la Mer a d'étendue. Et comme la Mediterranée eft fituée bien en deçà des Tropiques, & qu'elle n'eft que comme un long Canal qui s'étend du Levant au Couchant, avec fort peu de largeur,en comparaifon de l'Ocean, il n'eft pas poffible que la cause generale du flux & reflux agiffe bien fenfiblement fer fes eaux, tant parce que cette Mer eft étroite du Midy au Septentrion, que parce qu'elle eft fituée affez loin de la Ligne, & des Tropiques fur lefquels fe fait la plus forte impreffion du flux.

Il arrive delà qu'il n'y a dans la Mediterranée qu'une legere impreffion du flux,laquelle ne pouvant caufer un grand mouvement à fes eaux, y produit feulement des Courans en plufieurs endroits differens; comme on voit vers les Mers de Gennes, au Phare de Meffine, & à quelques Ifles de l'Archipel : Mais comme la Mer Adriatique eft un Golfe de la Mediterranée qui s'étend le plus ve s le Septentrion, il doit neceffairement arriver que l'impreffion qu'elle reçoit n'é. tant point interrompuë, ny arreftée à l'entrée du Golfe, par les Côtes qui l'ar

restent ailleurs, elle doit insensiblement s'étendre de ce côté-là, & faire couler les eaux le long des Côtes jufques à l'extremité du Golfe, où fe trouvant arrêtées, elles doivent auffi s'enfler, & s'élever jufques à une mediocre hauteur.

C'eft precifément ce que l'on remarque dans cette Mer; car fur les Côtes de la Calabre & du Royaume de Naples, l'on n'obferve qu'un peu de mouvement fans aucune élevation des eaux : Mais l'on commence à s'en appercevoir vifiblement vers le milieu du Golfe, & à Ancone, le flux & reflux devenant toûjours plus fenfible, à Rimini, à Ravenne, fur le Lido de Venife, & à Aquilée, qui eft justement fituée dans le fond du Golfe Adriatique.

Comme le flux de l'Ocean eft d'autant plus grand, que les Côtes font plus éloignées de l'endroit où il commence, qui eft entre les deux Tropiques, & que par confequent les Marées font beaucoup plus hautes vers les Côtes Septentrionales, que vers les Meridionales: de mefme le flux du Golfe Adriatique, qui n'eft qu'une legere impreffion dans fon commencement, devient peu à peu un flux confiderable dans le fond de cet

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te Mer, parce que cette forte de mouve ment acquiert toûjours de nouvelles forces dans fa continuation.

Il reste prefentement à faire connoître la raifon pour laquelle le flux & le reflux font encore beaucoup plus grands dans les Lagunes & dans les Canaux de Venife, qu'ils ne font dans le Golfe même. Je la tire de la nature & de la difpofition du lieu, dont j'ay fait la defcription au commencement de cette Partie, en le reprefentant comme des Plaines inondées par les ouvertures que la Mer s'eft faite à travers la langue de terre qui luy en défendoit 1 entrée : Car pour peu que le Aux faffe hauffer l'eau dans la Mer, il arrive que ces digues naturelles, qui en foutiennent la charge, luy laiffant l'entree libre dans les Lagunes, par les bouches dont j'ay parlé, elle s'y jette avec tant de poids, que par des raifons encore plus palpables, que celles que j'ay déja alleguées, ce qui n'eft qu'un accroiffement fort mediocre dans la Mer, doit neceffairement devenir un flux tres-confiderable dans les Lagunes.

En effet l'eau y court pendant les fix heures du Aux, & fe trouvant retenuë par les bornes de la terre ferme, elle eft con

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