leur Prince, ils établirent un Confeif, qui en eftoit entierement independant, & duquel on tiroit par election, les Electeurs du Doge. Comme un changement auffi grand que celuy cy, qui établiffoit une forme de gouvernement toute nouvelle,auroit, fans doute, caufé quelque revolution dans l'Etation contenta d'abord, le peuple, par le droit qu'on luy donna, en échange, de créer douze Tribuns, qui pourroient s'opposer aux Ordonnances du Prince, lefquelles n'auroient aucunevigueur,fi elles n'en étoient approuvées, voulant imiter en cela l'ancien gouver nement de Rome: Ces Tribuns, qui é toient deux, dans chacun des fixquartiers de la Ville, eurent encore ledroit d'elire, tous les ans,le jour de Saint. Michel, quarante perfonnes par quartier, telles qu'il leur plairoit, pour compofer le grand Confeil, qu'on venoit d'établir;de forte qu'il étoit de deux cens quarante Citoyens, choifis indifferemment, & fans diftinction, dans tous les différens Eftats, de la Nobleffe, des Bourgeois, & des Artifans ; & comme ce Confeil fe renouvelloit tous les ans, chacun y entroit à fon tour, ou du moins avoit droit d'y pretendre. L'ordre de ce gouvernement dura cent dix-sept ans, c'eft à dire, jufques à 1289. qué le Doge Pierre Gradenigue, entreprit de changer entierement la face de la Republique, & d'établir une veritable Ariftocratie, en fixant à perpetuité le grand Confeil, à un nombre de Citoyens, & à leurs defcendans, lefquels prenans feuls, à l'avenir, connoiffance des affaires d'Eftat, en auroient la Souveraine adminiftration, à l'exclufion de toutes les autres Familles. nc cham Soitque ce Doge, en voulant ab olir le gouvernement Democratique, n'eûr · pour but que l'avantage de la Patrie, ou qu'il fût porté par le defir de se venger des Familles, qui avoient traverfé fou election, il pouffa fon entreprise à bout, & fit paffer un Decret à la Quarantie c'eft u criminelle, qui portoit, que tous ceux bre Sou qui avoient compofé le grand Confeil, veraine des quatre années precedentes,feroient juges. ballotez dans cette Chambre, & que ceux qui auroient 12. balles favorables, compoferoient, eux, & leurs defcendans, le grand Confeil, à perpetuité ;.& il fit enregistrer ce Decret, en prenant fon tems, à propos, pour en excluse F. iiij. de 40. ceux, qui estoient mal-intentionnez pour luy. Cette entreprise fut injufte, à l'égard de plufieurs Familles confiderables: mais la Republique luy doit l'établissement du plus parfait gouvernement, qu'elle ait jamais eu, & qui a heureufement continué jufques à prefent : On peut bien s'imaginer, cependant, qu'un pareil changement ne fe fit point, fans. exciter de grands troubles dans la Repu blique mais on les calma, bien-toft, en châtiant les plus foibles, & en appai fant les plus puiffans, par des privileges, qui les tiroient du nombre des exclus. Plufieurs Familles Nobles, qui ne prevoyoient pas alors l'extrême confequence de cette exclufion, indignées d'ailleurs, de s'en voir preferer d'autres, qui leur eftoient fi inferieures, ne té moignerent pas de s'en mettre beaucoup en peine; ne penfant, peut-eftre pas, que par cette fixation, qui s'appela Il ferrar del Configlio, les Familles qui en eftoient, montaffent à une fi grande élevation, qu'elles devinffent les Maîtreffes, & que les excluës restassent sujettes;que celles-là gouverneroient abfolu ment l'Estat à l'avenir, & que celles-cy n'auroient, pour leur partage, qu'une obeïffance aveugle. Mais Bayamonte Tiepolo, chefdune des premieres, & des plus anciennes Maifons de la Republique, joint aux Quirini, & à quelques autres Familles Illuftres, animées par la haine qu'elles avoient contre le Doge Gradenigue, & pour toutes les nouveautés, qu'il intro duifoit dans l'Estat, entreprit d'en-faire une fanglante vengeance, par le maffacre du Doge, & de tous fes Partifans ; mais ce Chef, avec une partie des Conjurés, perit, dans cette entreprife, qui ne fervit que d'occafion, à de nouveauxReglemens, qui ont maintenu, & qui maintiendront, à l'avenir, la Republique, dans l'union, & dans la vigueur, ment du où elle eft encore aujourd'huy. Avant que d'entrer dans le détail du gouvernement de la Republique, je crois qu'il eft à propos de parler de ceux qui en font les Maîtres; c'eft-à-dire, des Gentilshommes Venitiens, & enfuite, des Citadins de Venife,& de la Nobleffe de Terre fërme; parce que par une fu bordination neceffaire, il ont tous quelque relation au gouvernement de l'Etat. Etablif Confeil des Dix: 2003 1963 600-18003200g og food food food, 00380030036903 190 De l'ancienneté de la Noblesse Es Gentilshommes Venitiens pretendent d'être d'une plus ancienne origine, que tout ce qu'il y a de Noblesfe dans l'Europe;quelques uns mefme de ces Nobles, quine font jamais fortis de leurs Lagunes, s'imaginent, qu'entre un Prince Souverain, & un Noble Venitien, il n'y a point de difference: Mais laiffant là ces fortes d'entêtemens, je dois dire, avant que d'entrer dans le détail de la Nobleffe Venitienne, qu'il eft vray, fuivant le fentiment des perfonnes les mieux verfées dans la con-noiffance des Genealogies, qu'il eft difficile, pour ne pas dire impoffible, aux. Familles particulieres, de produire des titres authentiques de Nobleffe, au def-. fus de fix cens ans, & de prouver diftin &tement une plus haute filiation. Que cette difficulté vienne du peu de foin de ceux qui nous ont precedé, dans les fiecles paffes; ou que les grandes revolutions, aufquelles les Eftats font fu |