tems; car les nouveaux Nobles, faits par argent, n'ont pû trouver de voye plus courte, ny plus honnête pour s'établir, & pour s'accrediter dans la Repu Blique, qu'en achetant encore, pour ainfi dire, l'alliance de l'ancienne Nobleffe. Celles de ces douze Maifons, qui fe font maintenuës avec le plus d'éclat, par leurs grands biens, & par leurs alliances, font les Contarini, & les Morofini; la commune opinion eft, que l'es premiers eftoient Comtes du Rhin, avant qu'ils s'allaffent établir à Venise, il y a plus de douze cens ans; mais ils n'ont pour preuve de cette origine, que la preConte tendue etymologie de leur nom: Cette 'liRhe Maifon s'eft fi multipliée, qu'elle a plus ya de cinquante branches, & il n'y en a point dans la Republique, qui faffe un plus grand nombre de teftes, dans le grand Confeil, & dont par confequent, les brigues foient plus puiffantes. Celle des Morofini, eft auffi des plus nombreuses, & des plus confiderables, par les mefmes raifons; & aprés ces deux Familles viennent, lès Badoüari, les Tiepoli, les Micheli, les Gradenighi, & les Sanudi, lefquelles tiennent encore un grand rang dans l'Estat; les Memmi, les Falieri, les Dandoli, n'ont ny grands biens, ni grande faction; les Polani, & les Barozzi vivent dans l'obfcurité, plûtoft faute d'avoir des fujets de merite, que pour manquer de biens, qu'elles auroient pû trouver dans les puiffantes Maifons de la nouvelle Nobleffe, fi elles avoient efté en estat de se relever, par ces alliances. Aprés ces douze Maisons Electorales, il y en a quatre, qui ne leur cedent pas de beaucoup en ancienneté,car elles font fondées en titres authentiques, ayant figné en l'année 800, au Contrat de fondation de l'Abbaye de S. Georges Ma jeur, avec les douze Maifons precedentes; & c'eft pour cela, qu'on appelle les premiers, les douze Apoftres, & celleslà, les quatre Evangeliftes, qui font les Juftiniani, les Cornari, les Bragadini, & les Bembi, Les Cornari, & les Juftiniani fe font maintenuës dans un plus grand luftre que les autres; la premiere a eu des alliances avec des Teftes couronnées, & c'est par une Fille de cette Maison, mariée au dernier Roy de Cypre, que lá. Republique, a poffedé ce Royaume jufques à la conquefte qui en fut faite, par MustafaBaffa, General de l'Empereur des Turcs Zelim: Les Juftiniani paffent à Venife,pour eftre duSang des Empereurs de Conftantinople, dont ils ont retenu l'Aigle éployé pour leurs Armes: Les Annales de Venife, font mention d'une circonftance tres avantageufe à cette Maison. Lorfque la Republique, indignée du procedé de l'Empereur Emmanuel, qui maltraitoit lesNegotians Venitiens,dans le Levant, alla porter la guerre à Conftantinople, fous le Doge Vidal Micheli, en l'année environ 1156. tous ceux de la Famille des Juftiniani s'embarquerent fur cette Flotte de cent Navires que la Republique mit en Mer, en cent jours, pour aller fe vanger du tort, qu'ils pretendoient que les Grecs leur avoient fait, en les privant de leurs biens, & du droit qu'ils avoient à la fucceffion de l'Empire. Cette Armée, aprés la conqueste du Royaume de Negrepont, perit prefque toute de miferes, & de maladies, devant Conftantinople, fur tout, à caufe des : caux, que l'Empereur Emmanuel trouva moyen de faire empoifonner: Tous ་ les Juftiniani eftant morts dans cette entreprife, le Doge Micheli voulut réta blir à fon retour, une fi noble Famille,. & obtint, pour cet effet, une permiffion du Pape, pour faire fortir du Cloître, Frere Nicolas Juftiniani Moine Benedictin, auquel il donna fa Fille en Mariage, duquel font iffus tous ceux de cette Maifon, qui tiennent encore aujourd'huy un rang confiderable dans la Republique ; & ce bon Religieux, aprés avoir mis plufieurs enfans au monde, retourna dans fon Cloître, pour y vivre comme auparavant. L'on conte auffi dans la premiere Clasfe de la Nobleffe, huit autres Maisons, fefquelles, avec les quatre dont je viens de parler, en font douze, dont l'ancienneté va prefque de pair, avec les douze premieres, à caufe que long-tems devant le Serrar del Configlio, elles eftoient tres-confiderables, & particulierement, les Quiini, les Delfini, les Soranci les Zorzi, & les Marcelli, lefquelles fe font encore diftinguer dans la Republique; mais les autres font décheues de leur premier éclat, par l'extréme pau vreté, où elles ont efté reduites. Aprés que le General Tiepolo cut en tierement détruit la ville d'Acreen Sy rie, pour s'étre plufieurs fois revoltée contre la Republique, qui l'avoit conquife; quelques Illuftres Maifons de cette Ville fe retirerent à Venife, & comme elles tenoient quelque rang, avant la fixation du grand Confeil, où elles furent comprifes, elles font auffi receuës parmy la Noblesse d'ancienne origine. De la Nobleffe Venitienne, de la Cit OMME le Serrar del Configlio, que fit le Doge Gradenigo, en perpetuant le gouvernement de la Republique, dans les feules Familles qui l'ont compofé depuis, annoblit en mefmetems, toutes celles qui y furent com. prifes; la feconde Claffe de la Nobleffe Venitienne, fe trouve compofée de ces Nobles, qui n'ont point de titre plus ancien, que cette fixation du grand Confeil, & d'eftre écrites, dés ce tems là, dans le Livre d'Or, qui eft le Catalogue, qu'on commença de faire pour lors, de toutes les Familles de la Noblesse Veni |