moyen d'apprendre les chofes, qui peu-
vent rendre un Miniftre parfait, que
d'occafions de faire paroiftre le merite
des fujets, qui font employez à cette
Ambaffade.

La penetration d'efprit, pour juger
du fond des veritables fentimens du Se-
nat, fur lefquels on doit fe regler, la
dexterité, & la delicateffe pour tourner
une affaire, la mettre dans fon jour, &
la faire envifager du cofté principale-
ment qu'elle eft avantageufe, font les
plus effentielles qualitez d'un Ambaf-
fadeur, qui negotie à Venife; toutes
fes Audiences font autant de Haran-
gues étudiées, qu'il va reciter au Col-
lege, & dont il laiffe des copies, fur
lefquelles les Sages confultent, & le
Senat fe determine enfuite, comme il

• Chanchach le juge à propos.
ego batur, du
pape!

2. Jugintendant

t

Feu Monfieur le Conte d'Avaux fic paroiftre fon habileté, & sa prudence confommée dans le cours de cette Am

-/finances, baffade, qui dura cinq années, pen

dant lefquelles les affaires de Mantouë,
& le fiege de Cafal donnerent lieu à
des negotiations tres-delicates, & tres-
importantes, & l'on doit conftamment
à la dexterité de cét habile Miniftre, &

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à la force de fes frequens offices, la plus grande partie des refolutions vigoureufes que la Republique prit en faveur du Duc de Nevers, pour le maintenir dans la poffeffion de Mantouë. Ce fut à ménager les efprits des Venitiens, qu'il fit connoiftre qu'il eftoit capable des plus grandes negociations, auffi bien que des premiers Emplois du Royaume, dont il s'acquitta enfuite fi dignement.

Le Senat affecte de ne dire jamais ouvertement non dans fes réponses negatives: il trouve cette expreffion trop dure & trop defobligeante; c'eft pourquoy, lorfqu'il n'accorde pas la demande d'un Ambaffadeur, il use, dans fa réponse, d'un fi grand tour de belles paroles, qu'on peut fouvent douter s'il n'accorde point ce qu'il refufe en effet : & lors qu'il confent à la demande, il fçait fi bien relever cette faveur par toutes fes circonstances, que ce qui ne vaut pas fouvent la peine d'eftre demandé, paroift une grace de grande importance. Il eft conftant qu'il n'y a point de gens au monde, qui fçachent s'énoncer avec plus d'adreffe dans ces rencontres, que les Secretaires du Senat, qui

font confifter, dans ce genre d'écrire,leur plus grande habileté.

Le College reçoit les Miniftres des autres Princes d'une maniere proportionnée au rang de leurs Maiftres, & à la qualité dont ils font revêtus. Les Ambaffadeurs des Ducs de Savoye & de Toscane, font receus dans leur premiere Audience à portes ouvertes, & prennent la mefme place que ceux des Rois; mais le College ne fe leve & ne fe découvre, que lors qu'ils font arrivez au milieu de la Salle, où ils font leur feconde reverence. Les Envoyez extraordinaires, & le Receveur de Malthe, qui eft le Miniftre de l'Ordre, font auffi receus à portes ouvertes; mais ils font affis auprés du premier Sage de Terre-ferme, & parlent couverts. Les Refidens font traitez fans aucune ceremonie,parlent debout, & découverts,au bas des degrez fur lefquels font élevez les fieges de la Signeurie.

Lors qu'un Ambaffadeur va à l'Audience, il ne fe prefente perfonne de la part du College pour le recevoir à fa Gondole, ny mefme fur l'Efcalier, pour l'introduire, contre l'ufage qui fe pratique dans toutes les Cours du mon

de: Mais lors qu'un Ambaffadeur fe rend au Palais pour affifter à quelque fonction publique, le Cavalier du Doge va le recevoir, & le conduire chez le Doge, ou dans la Salle du College, où l'on s'affemble ordinairement pour aller à ces ceremonies: Cependant les affaires qu'un Ambaffadeur va traiter aux Audiences, font d'elles- mefmes plus importantes, & regardent plus la gloire du Prince, que la prefencedu Miniftre n'eft neceffaire aux folemnitez de devotion, où cependant il eft traité avec plus d'honneur.

Bien qu'un Ambaffadeur faffe demanider l'Audience au College le jour precedent, & que l'heure foit donnée, le College neanmoins cft d'ordinaire fi peu en eftat de le recevoir lors qu'il arrive, que l'Ambaffadeur eft quelquefois obligé d'attendre un quart d'heure à la porte: Ces Meffieurs difent que cet ufage a efté introduit pour donner temps aux Miniftres de fe repofer, aprés cftre montez si haut, & de repaffer dans leur memoire ce qu'ils ont à dire au College; Que cela leur eft m fine fi neceffaire, qu'un Ambaffadeur d'Espagne s'en eftant plaint, on luy ouvrit la porte en

arrivant; mais il fe trouva fi effoufflé & fi embaraffé, qu'il ne fût jamais prononcer ce qu'il avoit à dire. C'eft pourquoy les Ambaffadeurs qui s'attendent à cela le jour de leur premiere Audience, prennent les mefures neceffaires, & montent fort lentement au College.

Le Doge ne fe découvre point pour les Ambaffadeurs dans leurs Audiences publiques: La raifon qu'ils en donnent, eft que la Corne eft la Couronne du Doge, & qu'il ne l'ofte pas mefme à la Meffe, fi ce n'eft à l'élevation: Cependant le Confeiller Vice-Doge en use de mefme en l'abfence du Prince, & ne

fait

pas feulement le femblant de porter la main à sa Barette, pendant qu'un Ambaffadeur luy fait, à trois diverfes fois, trois profondes reverences. Le Doge neanmoins ofte fa Corne pour les Cardinaux, qui vont à l'Audience, & pour les Princes du Sang Royal, comme il fut pratiqué lorfque feu Monnom poradu heur le Prince de Condé fut à Veni. grand Conde fe. Au cominencemnt de cette Ambaffade, Monfieur le Comte d'Avaux s'appercevant au moment qu'il fe prefentoit à la porte, que le College ne fe levoit pas affez promptement pour le re