dans, les murailles,& les gros pilaftresqui foûtiennent la Nef, font reveftus d'un marbre gris-blanc, ondé de noir, dont les grandespieces rapportées, & jointes, avec industrie, forment des ondes fi bien proportionnées, qu'elles paroiffent faites au pinceau : Depuis l'ouverture des plus baffes Arcades jufques aux voûtes, & aux Dômes, tout eft couvert de belles Mofaïques anciennes, & modernes, à fond d'or: & l'on voit, en plufieurs endroits, de grands Tableaux, du dessein de divers habiles Peintres; enfin on ne voit que marbre, &riches colomnes,dans toute l'Eglife, au Maistre-Autel, à la fermeture du Chœur, & aux trois tes interieures de l'Eglife, qui font enfermées dans le Portique. por Je ne m'arrefteray point à faire icy un détail, qui feroit ennuyeux, il fuffit de remarquer, en general, le marbre, les colomnes, les tables d'or,& d'argent, enrichies de pierreries, qui font le devant, & le fond de l'Autel; les richeffes qu'on y expofe, dans les folemnitez; le pavé de toute l'Eglife, qui eft partie en grotefques de Molaïque, partie en divers compartimens faits de petites pieces de rapport de marbre fin de toutes cou leurs, qui forment de tres agreables figures: enfin les grandes portes toutes de bronze, à jour,& en relief, qui étoient auterfois à Sainte Sophie; il fuffit, dis-je, de faire une fimple reflexion fur toutes la ces chofes, pour tomber d'accord que Republique a eu befoin de toutes les dépoüilles de Conftantinople,pour amaffer tant de precieufes chofes enfemble. Du Trefor de Venise, 'On appelle communément le Trefor de Venise, ce qui n'est effectivement que le Trefor de l'Eglife de faint Marc, lequel neanmoins eft divifé,comme en deux parties, dont l'une eft proprement à l'Eglife, & l'autre eft du Trefor de la Republique. Les Reliques en font la premiere partie, & une quantité prodigieufe de pierres precieuses, de vafs,& de couronnes en font l'autre partic; le tout eft tres-foigneufement confervé dans un endroit de l'Eglife, comme un depoft facré, dont les clefs font entre les mains d'un Procurateur de S. Marc: dignité qui tient le premier rang. parmy la Nobleffe Venitienne, comme je diray en fon lieu. L'on voit parmy les Reliques, de tout ce que la Religion revere avec plus de veneration, un grand nombre de Chaf fes d'or, & d'argent, enrichies de pierreries, avec une quantité furprenante de vafes & d'argenterie pour l'ufage,& l'ornemét de l'Autel: Mais celle de toutes les Reliques que la Republique, & le peuple eftiment & honorent davantage, eft le precieux Sang qu'on y conferve dans une Ampoule, & qu'on expofe trois, ou quatre fois l'année, avec des ceremonies tres-particulieres, à caufe des frequens miracles qu'on pretend qui fe font à ces expofitions, par la délivrance de plufieurs poffedez qu'on y amène de toutes parts, avec un concours extraordinaire de peuple,& de Proceffions. On ne voit dans le Trefor, pour toutes Reliques de Saint Marc, que le Pouce, qu'on dit qu'il fe coupa pour n'être pas fait Preftre, s'en croyant trop indigne; & l'Evangile, qu'on pretend eftre le vray Original écrit de la main de ce Saint; mais on ne montre que la riche Chaffe dans laquelle, on dit, qu'il eft enfermé. Cépendant comme la Tradition du Pays veut que tout le Corps de Saint Marc ait efté apporté à Venife, il y a fujet de s'étonner d'en voir fi peu de Reliques; la raifon qu'on en donne eft trop finguliere pour n'en pas toucher icy les principales circonstances. En l'année 827. fous le Doge Juftiniani Participatio Badoüaire, certains Pretres Grecs qui fervoient une Chapelle proche d'Alexandrie, où eftoit le Corps de Saint Marc, indignez de ce que les Mahometans, qui occupoient ce pays, leur venoient démolir ce faint edifice, pour en employer les pierres à faire leurs baftimens, fe laifferent vaincre aux pref fantes inftances de deux Marchands Ve nitiens, & leur donnerent cette precieufe Relique, qu'ils porterent à Venise: Le Doge, avec tout le Peuple, receut le Corps de Saint Marc, avec une joye, & une devotion toute extraordinaire. On en fit le Protecteur de la Ville, & de la Republique, & on luy bâtit cette Eglife, laquelle ayant efté prefque toute dérruite par le feu, fut réedifiée, avec plus de magnificence que la premiere fois,& enrichie enfuite des dépouilles que les Venitiens remporterent de leurs conquestes du Levant. La devotion que la Republique, & le Peuple, avoient eue au commencement pour ce nouveau Protecteur, fe ralentit apparemment, dans la fuite du temps; puifque deux cens foixante & dix ans aprés la Tranflation de Saint Marc, il ne fe trouva plus perfonne qui fçeuft, ny qui eût oüy dire, où eftoit le Corps du Saint Evangelifte; c'eft pourquoy la Rcpublique, & le Peuple fe mirent en prieres, & jeûnerent aufterement, pendant trois jours, & lors qu'affemblez, dans l'Eglife de Saint Marc, ils le fupplioient, les larmes aux yeux,de leur donner quelque figne, qui leur fift connoiftre où eftoit fon Corps, l'on vit, dit on, une colomne de l'Eglife s'ouvrir par le milieu, d'où fortit le bras du Saint qui avoit une bague au doigt. Tous les Prelats, & les principaux Nobles, qui estoient prefens, redoublerent leurs prieres, à ce miracle, pour fupplier le Saint de leur vouloir accorder la bague qu'il avoit au doigt, comme un témoignage affuré que fon Corps eftoit dans la caffette qui paroiffoit au milieu de la colomne, d'où fortoit fon bras; mais comme ils ne voyoient aucune apparence d'obtenir cette faveur, |