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qu'il auroi tfur la grande Place.. Cet edifice eft cependant tres- hardy, tout ifolé, quarré,& bafty de briques, n'ayant qu'environ vingt cinq pieds fur chaque face, & cent-quatre-vingts piedsjufques à une grande corniche de marbre, où commen ce l'étage des Cloches, d'où l'on voit à plaifir toute la Ville, fans appercevoir aucun de fes Canaux,à, cause de la hauteur des maisons, qui font fort ferrées; mais l'on découvre toute la beauté, & la vafte étendue des Lagunes, où les Ifles qui font basties, paroiffent des Villages, & de petites Villes flottantes. Depuis les Cloches jufques à la pointe du Clocher, il y a encore cent-foixante pieds de hauteur, & le tout eft foûtenu par des colomnes qui portent une autre Corniche, & une Pyramide au deffus couverte de lames de cuivre doré, que le tems a renduës de couleur de bronze, auffi-bien qu'un Ange, quia prés de trois toifes de haut,couvert, de mesme matiere, & qui cftant placé fur l'extremité de la pointe, les ailes étenduës, montre avec la main le côté d'où vient le vent.

Les murailles de cette Tour font doubles en dedans, dans l'entre-deux on

per

tourne à l'entour, montant infenfiblement fans marches jufques aux Cloches; de forte qu'il n'eft pas difficile de fe fuader, que pour élever fur un fonds fi peu folide, un baftiment auffi haut que celuy-là d'où l'on découvre prefque dans tout l'Eftat de Terre ferme, & même cerrains endroits au de-là de la Mer) il n'a guéres fallu faire moins de dépense dans terre, qu'on en a fait au dehors.

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Des Eglifes & des Convents
de venife.

N ne voit guére de Ville qui foit

Oplus remplie d'Eglifes que Veni

fe, on y compte 72. Paroiffes, toutes fervies par plufieurs Preftres habituez ; plus de trente Convents de Religieux,& plus de trente-cinq Monafteres de Religieufes; outre plufieurs Chapelles, & un grand nombre de Confrairies de Penisens, qu'on appelle Ecoles, femblables à ce qu'on a veu autrefois, & qu'on voit encore aujourd'huy en certaines Provinces de France. Je ne fçay cependant d'où vient que les Venitiens ont affecté

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de dedier plufieurs de leurs Eglifes à des Saints du Vieux Teftament; car on en voit de confacrées à S. Job, à S. Moïfe, à S, Daniel, à S. Jeremie, à S. Samuël, à S. Zacharie, comme fi le Martyrologe n'eût pas encore efté affez remply, lors qu'ils ont bafty ces Eglifes.

di.

Les Eglifes des Paroiffes font prefque toutes petites, & ne font pas les plus riches, ny les mieux ornées; celles des Convents, tant des Religieux que des Religieufes, font les plus belles & les plus propres; mais quelques-unes des grandes Confrairies font incomparable- Le scoment plus magnifiques en baftimens, & le gran plus riches en excellens tableaux, & en belle argenterie; les Venitiens ayans plus d'inclination à ces fortes de devotions particulieres, qu'ils n'en ont à leurs Paroiffes, dont ils ne fe mettent guére en peine Il n'y a pas neanmoins une Eglife à Venife, où l'on ne puiffe trouver quelque chofe de rare en Peinture, ou en Architecture.

Ceux qui connoiffent bien Venise, font perfuadez qu'elle contient elle feule autant de beaux tableaux que prefque. tout le refte de l'Italie ensemble: car non feulement un grand nombre de maisons

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de Nobles, & d'autres particuliers, font pleines d'excellentes Peintures; mais encore la plupart des Eglifes, & des Lieux publics, ont les platsfonds, & les murailles couvertes de fuperbes tableaux. L'Ecole de S. Roch tient le premier rang pour les richeffes, pour la beauté de l'Architecture, & pour la quantité furprenante des Ouvrages du Tintoret. Celle de S. Marc ne luy cede guére: la façade eft de marbre enrichie de basreliefs, & au dedans elle est toute peinte par le mefme Maistre, qui a produit une fi grande quantité de beaux Ouvrages, que la vie d'un autre Peintre ne fuffiroit pas pour executer ce qu'il a fait à S. Roch,en deux ans.

L'Eglife de S. Sebaftien eft admirable pour la beauté,& pour le grand nombre de tableaux de Paul Veronefe, quiy eft enterré. Celle de fainte Marie-Ma

jeur a plufieurs ouvrages du Baffan parfaitement beaux: mais pour l'Archite&ture, entre les Eglifes modernes, celle. de Nôtre Dame de la Salute, que la Republique a fait baftir enfuite d'un vœu qu'elle fit pour eftre délivrée de la pefte, tiendra le premier lieu, lors qu'elle fera toute achevée; le desse in en est singu

lier, & fa fituation, à l'entrée du grand. Canal, eft admirable.

C'eft un grand Octogone qui en renferme un plus petit, dont les huit' pila. ftres qui font aux angles, foûtiennent un fort beau Dôme : Le Maitre Autel eft dans l'enfoncement d'un grand ovale, & il est enrichi de tres belles figures de marbre blanc, reprefentant la pefte chaffée, par le zele,& par la pieté de la Republique ; il y a fix Chapelles enfoncées dans les fix autres faces de l'Octogone, avec des Autels, & des Balustrades de marbre; le Portail, & tout le dehors de cet edifice n'eft guére moins embelly que le dedans.

L'Eglife, & le Convent de S. Georges Majeur, qui occupe une Ifle, qui eft visà vis de la Place de S. Marc, dont elle n'eft éloignée que d'une portée de moufquet, font de tres fuperbes baftimens ; on y voit cet admirable tableau des Nopces de Cana, qui tient tout le fonds.du Refectoire, & qui paffe pour le Chefd'œuvre de Paul Veronefe: Cette Abbaye eft de l'Ordre de S. Benoist, & le jardin eft la plus charmante promenade de Venife; il est environné de terraffes revêtues en forme de ramparts, d'où l'on

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