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AVIS

A ceux qui voudront fe fervir de ce Dictionnaire pour apprendre le Latin, & aux Etrangers qui, fçachant le Latin, voudront s'en aider pour apprendre le François.

fair

Ous les fçavans dans les deux Langues Latine & Françoife fçavent affez que notre Langue Françoife, de même que l'Italienne & l'Espagnole font des dialectes de la Langue Latine, qu'elles reconnoiffent pour leur mere & matrice dont elles font formées. Mais il y a peut-être plufieurs Sçavans qui n'ont pas en détail toutes les réflexions neceffaires pour bien connoître les manieres differentes dont les Anciens fe font fervis pour tirer ces dialectes ou Langues dérivées du Latin, ce qui eft pourtant un point très-important pour bien comprendre ces Langues, & un moyen sûr, court & facile aux François, aux Efpagnols & aux Italiens pour bien entendre leurs langues à fond, fçavoir l'origine de leurs mots, la force de leur fignification, & à apprendre même la plupart des mots latins par l'aide de leur langue vulgaire.

Plufieurs fçavans Philologues en ont parlé en général fans defcendre dans le détail, & entre autres Robert Etienne dans fa Grammaire Françoife, & Alftedius dans fon Encyclopedie, 1. 5. c. 12. peut-être fe font-ils abftenus de ce détail à cause de la difficulté & de la longueur du travail que demande une induction exacte d'un très-grand nombre de mots difperfez par l'ordre alphabetique dans les Dictionnaires ordinaires qu'il eût fallu déranger, pour les joindre par l'endroit par lequel ils fe reffemblent, c'eft-à-dire par la derniere fyllabe, finance, rime, fin ou fon de chaque mot.

M. Richelet dans l'édition précedente de ce Dictionnaire avoit déja avancé la plus grande partie de ce tra vail, ayant rangé les mots François par l'ordre de leur définance ou rime; il eft vrai qu'il ne leur avoit marqué que les caracteres qu'ils tiennent dans l'ordre de la

Grammaire, qui font d'être des fubftantifs, des adje&tifs, des verbes, des prépofitions, des adverbes, &c. fans leur donner d'autres qualitez générales, pour mieux fpecifier par les railons de leur convenance dans leurs définances, les caufes de leur Analogie Harmonie & la force de leur fignification & expreffion.

On a donc fait ici ce que M. Richelet n'avoit pas fait, c'eft à dire que l'on a augmenté ce Dictionnaire d'un très-grand nombre de mots, des arts & des fcien ces: On a joint à chaque mot fes fynonimes, tous les fens differens qu'il peut avoir & toutes les diverfes fignifications qu'on peut lui donner; & ce qu'il a de plus particulier, c'eft que l'on a mis à la tête de chaque définance ou rime les caracteres qui lui font propres par rapport aux idées générales & particulieres qu'elle reprefente, étant certain que la forme de la terminaison des mots défigne prefque toujours celle de leur fignification, ce que l'on peut voir dans ce Livre par un trèsgrand nombre d'exemples.

A l'égard des Verbes, on n'a pas jugé à propos de repeter au prefent, participe, &c. de chacun d'eux les differentes fignifications qu'ils ont, cela auroit groffi le volume inutilement, on s'eft contenté de les mettre une feule fois à l'infinitif de ces mêmes mots où on les pour ra voir, & les en tirer au besoin par proportion & par

convenance.

Il eft certain que les mots font les expreffions de nos penfées: nos penfées ou nos idées font les reprefentatións des chofes. Les chofes qui font les objets de nos penfées ou de nos idées, ont entre elles de la convenance & de la difference, d'où il s'enfuit que nos idées & nos paroles qui en font les images en ont auffi entre elles. La connoiffance de ces convenances & de ces differences des chofes, des idées & des mots, eft le moyen le plus sûr, le plus court & le plus raisonnable pour apprendre les Langues. Car s'il eft vrai qu'elles ayent été formées avec raison, & faites avec liaison, on peut donc raifonner en les apprenant, & les apprendre en les comparant : c'eft ce que l'on a obfervé dans tout ce Livre.

Tout le monde convient que ceux qui ont formé &

perfectionné les langues de chaque nation ont été les gens les plus judicieux, les plus polis & les plus éclai rez entre ceux qui ont formé & gouverné les Etats, & que c'eft à leur jugement qu'on a toujours déferé pour fixer les manieres juftes & raifonnables de parler, & c'eft cette verité qui fert de fondement pour montrer qu'il y a de l'ordre & de la raifon dans toutes les Langues. L'Ecriture fainte nous apprend que nous devons écouter avec refpect & en filence les paroles des Anciens, car elles ne font pas proferées fans raifon. Audi tacens verba Seniorum, fine caufa enim non proferuntur. En effet il y a beaucoup de raifon, de convenance & de rapport dans les differens caracteres des mots & dans les modi. fications des fimples & des compofez, des primitifs & des dérivez, & enfin dans tous les dialectes differens qu'on a tiré d'une même mere Langue. Il y a de l'ordre & de la convenance dans toutes leurs parties, les mots qui fignifient les mêmes ou femblables idées ont de la reffemblance, comme on le peut voir dans ce Livre par les titres differens qu'on a mis à la tête des définances differentes des mots.

Nos idées étant differentes, fuivant les objets differens qu'elles reprefentent, il a été neceffaire de differencier les fons qui les expriment dans toutes les Langues. On concevra ceci aifément, fi on y fait un peu d'at tention. Les chofes qui font les objets de nos idées, ont leur effence ou subftance differente. Pour les exprimer il a fallu former les noms fubftantifs. Ces fubftançes ont leurs proprietez differentes, on a formé des fons propres pour les fignifier. Nos idées ou peníées nous reprefentent fouvent les objets revêtus de certaines qualitez, proprietez ou modifications, d'où l'on a fait des mots adjectifs pour exprimer les fubftances quand elles font confiderées comme revêtues de ces qualitez & proprietez. Chaque objet a fon exiftence, fon action, ou paffion, c'est-à-dire que chaque chofe eft ou le principe ou le terme d'une action: il a donc fallu faire des verbes qu'on a appellé actifs › pour exprimer la perfonne, le nombre, le tems & la maniere de l'action & des verbes qu'on a appellé passifs,

á iiij.

pour marquer le nombre, le tems & la maniere dont une chofe eft le terme ou l'objet de l'action. Nous avons des idées des differentes manieres dont les chofes exiftent, agiflent ou pâtiffent, c'est-à-dire, reçoivent les actions comme en étant les termes; les mots qui expriment ces idées font appellez adverbes de tems, de lieu, de qualité, de maniere, de proprieté, d'abondance, &c. Il y a dans nos idées des modifications qui augmentent, diminuent ou changent les idées fimples que nous avons des chofes; pour les exprimer, on a inventé les prépositions. Enfin nos idées ont de la liaifon les unes aux autres, ou de la divifion & diftinction; & pour les exprimer, on a inventé dans toutes les Langues des conjonctions copulatives, difjonctives, illatives, caufales, &c. On pourra quelque jour pouffer cette explication plus loin, & lui donner tout fon jour. Il eft tems maintenant de faire voir comment les mots qui font dérivez d'une mere Langue en font tirez, en nous arrêtant fur les manieres differentes dont les mots François font tirez du Latin: ce qu'on pourra appliquer à toutes les autres Langues par propor

tion.

Les mots François font prefque tous tirez du Latin en cinq manieres. [Ce qu'on peut auffi dire des mots Italiens & Efpagnols à proportion. ]1. La premiere fe fait en changeant une lettre en une autre. Exemple. a mafc. Papa, Poëta, Propheta, Hiprocrita. en'e. Pape, Poëte, Prophete, Hipocrite. a fem. Rofa, Terra, Afia, Philofophia. Rofe, Terre, Afie. Phifophie. Dogma, Thema, Syftema.

en e:

a neut.

en e.

Dogme, Theme, Syfteme.

o chan- Imago, Chartago, Multitudo. gée en e. Image, Chartage, Multitude.

schan- prudens, conftans, diligens, frons, pons. gé en t. prudent, conftant, diligent, front, pont. On trouvera grand nombre de ces exemples fous les rimes de chacun de ces mots, & aux pages 77.363.552. 606. & fuiv.

Ou en changeant une fyllabe en une autre.

7

or changé honor, doctor,

P

actor,

lector.

en eur. honneur, docteur, acteur, lecteur. v. p. 211.
tas chan- Trinitas, pietas, humilitas, voluptas.
gé en té. Trinité, pieté, humilité, volupté. p. 575.
2. La feconde maniere fe fait en ajoûtant quelque
lettre au commencement d'un mot, & changeant la
derniere lettre ou fyllabe, comme

fcola, fpiritus, ftatus, ftudium.
école, efprit, eftat, eftude.

Ou en ajoûtant quelque lettre ou fyllabe à la fin du

mot, comme

Cicero, Pollio, actio, paffio. p. 319. &c,
Ciceron, Pollion, action, paffion.

3. La troifiéme maniere fe fait en retranchant quelques lettres ou fyllabes, particulierement aux noms terminez en is, e, us & um. qui deviennent tous François en retranchant ces dernieres fyllabes. Advocatus, Senatus, Magiftratus, ingratus. Advocat, Senat, Magiftrat, ingrat. p. 109. fortis, generalis, divinus, vinum.

fort, general, divin, vin.

teftamentum, firmamentum, monumentum, instrumentum. teftament, firmament, monument,

inftrument.

4. La quatriéme maniere fe fait en tranfportant une lettre devant une autre.

minifter, filvester, nofter.

miniftre, filveftre, noftre.

5. La cinquiéme maniere fe fait en interpofant; quand dans un mot latin où il y a à la fin un a devant m oun, on a interposé un i.

panis, manus, germanus.

pain, main, germain. v. p 33.

Outre ces cinq manieres générales dont les Anciens fe font fervis pour former & diverfifier notre Langue, en la tírant du Latin, ils ont encore fait d'autres chan gemens, par exemple, dans la prononciation ils ont changé ca en cha.

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caritas, carbo, capo arca, canis. charité, charbon, chapon, arche, chien. Ils ont fait d'autres plus grands changemens dans

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