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pauvres & des affligez, & les autres lieux de pieté, pour y exercer la nôtre en toutes les manieres que nous pouvons? y allons-nous chercher Dieu, & tâchons-nous d'y faire toute forte de bien à ceux qui ont befoin de nous ? Prenons-nous plaifir à ces pratiques de pieté, & ce plaifir eft-il le plus grand de ceux que nous avons en cette vie, ou n'y mêlons-nous point de notre amour propre?

X I.

Jefus-Chrift a tout quitté pour nous, & il s'eft fait pauvre pour nous rendre riches. Afin même qu'il ne lui ref tât rien qui ne fût à nous, il nous a donné fa vie, fon fang, fon efprit; & il fe referve de nous faire part encore de fa gloire & de fon royaume. Comment pouvons-nous dire que nous l'aifi par la difpofition de notre cœur nous n'avons rien quitté, ou fi nous ne quittons rien pour lui? Quand même nous lui aurions déja donné notre bien, & que nous aurions renoncé à tout ce qui eft dans le monde, combien y a-t-il encore en nous de chofes qu'il nous demande & que

mons,

nous

nous ne lui donnons point? Combien
s'en faut-t-il qu'il ne poffede tout no-
tre efprit, toutes nos affections, &
tout notre cœur ? Combien nous reste-
Til d'amour propre, & combien y a-
t-il d'actions, de penfées, de defirs,'
de paroles où il n'a point de part?
Combien nous arrive-t-il de peines
de déplaisirs, de pertes,
de travaux
& de croix que nous ne fouffrons
point pour lui? Combien y a-t-il d'oc-
cafions où nous aimons mieux que
notre volonté s'accompliffe que la
fienne, & où nous fommes dans l'im-
patience & le murmure, parce qu'il
ne contente pas nos defirs?

EXAMEN

De ce que nous fommes, à l'égard de nous-mêmes.

1.

Nvers qui ferons-nous bons, felon l'expreffion du Sage, fi nous 14. 5. ne le fommes pas envers nous-mêmes? Ce n'eft pas que tous les hommes ne s'aiment; mais ils ne s'aiment que Tome 1. K

pour

le monde & pour le préfent, & ils ne penfent ni au ciel ni à la vie future. Ils defirent avec paffion de demeurer fur la terre, & ils y veulent trouver leurs commoditez, leur repos & leur plaifir; au lieu que Jefus-Chrift n'y a trouvé que du mépris, de la pauvreté & des croix. Qui estce qui confidere la terre comme un lieu d'exil, & qui fouhaite autant qu'il le devroit d'en fortir bientôt ? Si nous defirions fincerement d'aller au ciel, fi nous le confiderions comme notre veritable patrie, fi nous y efperions un parfait bonheur; nous gémirions d'être encore attachez à un corps de peché, & nous fouhaiterions avec ardeur de voir bientôt rompre nos liens.

I I.

Toute notre vertu & tout le regfement de notre vie confiste à nous aimer felon l'ordre & la volonté de Dieu; & tous nos déreglemens viennent du déreglement de notre amour. Or afin qu'il foit bien reglé, il faut que nous aimions infiniment plus notre ame que notre corps, & que jamais l'amour de notre corps ne mous

empêche de le crucifier autant qu'il eft néceffaire pour en mortifier les defirs. Il faut que nous haïffions le corps de peché qui eft en nous, & que nous foyons prêts d'arracher notre œil, s'il nous eft une occafion de peché. Comme faint Paul nous affure que nul n'a Eph. s. jamais haï fa chair, nous n'aurons pas 29. pour elle une veritable affection, fi nous ne travaillons à détruire en elle tout ce qui la rendroit éternellement malheureufe, & à lui procurer ce qui peut la mettre en état de reffufciter pleine de bonheur & de gloire.

I I I.

Le même ordre de notre amour nous oblige encore de méprifer les biens temporels qui ne durent qu'un moment, pour nous rendre riches de toute forte de biens fpirituels; de préferer les vertus à l'argent, le ciel à la terre, & la grace de Dieu aux faveurs des gens du monde.

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Dans toutes nos actions & dans toute notre conduite, nous devons avoir une extrême attention à ce que la loy de Dieu exige de nous, & au témoignage de notre propre confcience,

Mais quand nous nous fommes acquies tez de nos devoirs, il ne faut point nous mettre en peine des jugemens des hommes.

I V.

Il est juste de nous aimer, mais il faut que notre amour foit reglé & qu'il produife de bons effets. Puifque notre cœur a reçû une infinité de blef fures & de plaies, fi nous l'aimons veritablement, notre amour nous por-. tera à implorer le fecours & la mifericorde du fouverain médecin, afin qu'il lui plaise de nous guérir, & ne nous permettra pas de manquer à rien de ce qu'il nous ordonne pour recou vrer une fanté fi néceffaire & fi précieufe.

Le grand mal de notre cœur étant d'être partagé en autant de differentes paffions qu'il a d'objets de fon amour, tâchons de le réduire à l'unité, & de lui ôter tout ce qu'il aime hors de Dieu; en forte qu'il n'aime que Dieu feul, & rien autre chofe que pour Dieu & par le principe de fon amour; felon ce grand commandement : Vous aimerez Dieu de tout votre cœur. Il n'aura ainfi qu'un amour unique,

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