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34.

à nos ennemis, dont nous fouffrions fans aigreur les injures, les calomnies & les violences, & à qui nous les pardonnions de fi bon cœur, qu'elles ne diminuent rien de notre affection à leur égard.

II.

Joan.13. Jefus-Chrift nous ayant ordonné de nous aimer mutuellement comme il nous a aimé, il faut nous préparer à faire les uns pour les autres ce qu'il a fait pour nous. Il nous a aimé lorfque nous étions fes ennemis ; & après nous avoir donné toute fa vie & tout fon fang avec une infinité de faveurs il nous en referve encore davantage; fi nous voulons vaincre nos ennemis invifibles, comme il les a vaincus pour nous, il faut que nous cedions à nos ennemis visibles, comme il a cedé aux fiens, que leurs perfécutions ou leurs mauvais traitemens ne nous empêchent point de leur rendre toute forte de bons offices, & que nous furmontions,par des effets de bonté, tour le mal qu'ils s'éforcent de nous faire,

I 1 I.

C'eft peu de chofe de vivre bien avec

des perfonnes raisonnables, douces, dociles, qui nous rendent amour pour amour. La charité nous oblige de porter les fardeaux de ceux qui n'ont aucune de ces qualitez, & de ceux mêmes en qui nous ne voyons rien qui n'attire notre averfion ou notre mépris. Comme ils font auffi- bien que nous membres de Jefus-Chrift, nous devons aimer Jefus-Chrift en eux mais parce qu'ils font foibles, malades & mourans, il eft néceffaire que nous nous appliquions avec un zele particulier à les guérir, & que n'ayant point d'autre remede que la charité, nous en ayons d'autant plus pour eux, qu'ils en ont plus de befoin.

IV.

Quelque foibles, miferables & imparfaits que nous foyons, nous nous fouffrons avec patience, & nous avons compaffion de nous mêmes. Quand nous ne verrions rien en nous qui ne méritât d'être condamné, & qu'il ne nous resteroit qu'un peu de cendre de l'homme nouveau que le faint Efprit a formé en nous le jour de notre batême, Dieu veut que nous aimions

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ces cendres dans la vûë qu'elles peu vent être ranimées de fon efprit.

C'eft la difpofition où nous devons être envers nos freres, & la conduite que nous devons tenir à leur égard. Quand ils feroient morts depuis longtems comme Lazare, & qu'on auroit fujet de les croire déja corrompus comme on le croyoit de ce faint, il ne faut pas laiffer de les aimer ni d'ouvrir leur tombeau, non plus que de travailler à les faire revivre par nos prieres, nos gémiffemens & nos larmes, qui peuvent tout obtenir de Dicu, lorfqu'elles font animées de la charité.

V.

Nos difcours étant ordinairement conformes à ce qu'il y a dans notre cœur, fi nous aimons veritablement nos freres, nous ne parlerons point de leurs défauts avec aigreur, ni avec colere, ni avec quelque forte de raillerie ou d'infulte; mais lorfque nous nous trouverons obligez de les reprendre, nous ne le ferons qu'avec des marques de bonté & de douceur, fans celle y employer d'autre force que que nous donnera la charité même. Com

me nous ne devons jamais défefperer de notre falut, ni de la mifericorde de Dieu pour nous quand nous ferions tout couverts de crimes; nous ne devons pas non plus défefperer du falut d'aucun pecheur, quelque méchant & coupable qu'il foit : & comme JesusChrist a obtenu, par fes prieres, la converfion des bourreaux qui le crucifioient, il n'y a perfonne pour qui nous ne devions efperer fa mifericorde & pour qui nous ne foyons obligez de la demander.

V I.

12.

Enfin pour connoître à quoi nous engage la charité envers le prochain & quelles font nos obligations à fon égard, nous n'avons qu'à confiderer ce que notre divin maître nous ensei- Matrh.7. gne & nous prescrit dans fon Evangi- Luc.6.31. le. Or il y réduit toutes nos obligations à ne pas traiter le prochain comme nous ne voudrions pas être traitez, & à le traiter comme nous voudrions qu'on nous traitât. Il nous refte donc d'examiner les fentimens & les mouvemens de notre cœur fur ce qui nous regarde, & de les appliquer tellement à ce qui regarde nos freres,

que nous reconnoiffions ne pouvoir fatisfaire à ce que nous leur devons qu'en tenant envers eux une conduite conforme aux fentimens & aux mouvemens legitimes que nous avons pour nous-mêmes. Que fi au lieu d'en ufer ainfi, nous les traitons autrement que nous ne voulons qu'on nous traite, ou nous nous portons à les traiter comme nous avons fujet de ne vouloir pas être traitez ; nous avons d'autant plus lieu de nous reconnoître très-éloignez de notre devoir en ce point, que notre fouverain legislateur y a renfermé toutes fes loix dès le commencement de fa prédication, & qu'il les a toutes réunies dans le commandement fingu lier & unique, qu'il nous en a fait le dernier jour de fa vie.

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