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ne voyent rien de ce qui pourroit leu donner de la confiance. Ils ont reçû de Dieu des gages prefque certains de leur falut. Car on peut appeller ainfi les gracés qui nous font quitter une vie criminelle, pour embraffer la penitence, & nous faire perfeverer dans l'exercice de la vertu. Mais fans avoir égard à tous ces dons, ils s'inquieteng & tremblent pour des périls où ils n'ont jamais été expofez, ou dont ils ont été délivrez par la mifericorde de Dieu. Quelque fâcheux que foit cet état, il ne faut pas s'étonner fi ceux qui ont commis des pechez qui meritent la damnation, font fujets à ces inquiétudes. Car il eft jufte qu'ils ayent toujours une grande crainte des jugemens de Dieu, quelques graces qu'ils en ayent reçûes & quand JefusChrift leur auroit dit, comme à la peLuc. 7. chereffe: Que leurs pechez leur font remis, ils ne devroient pas moins fe fou venir de la parole de l'Ecriture, qui s'adreffe aux pecheurs convertis: CraiEcclef. gnez pour le peché même qui vous a été pardonné. Ils ont befoin d'être humiliez toute leur vie, & rien n'y peut fervir plus efficacement que cette crainte. Il eft vrai qu'elle doit être moderée

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& c'eft à quoi ils doivent travailler: car lors qu'elle eft exceffive, on doit apprehender qu'elle ne les faffe retomber dans leurs premiers déreglemens,

Quoique le trouble & l'inquiétude foient ordinairement le partage des grands pecheurs, il arrive fouvent que les perfonnes les plus innocentes ne laiffent pas d'en être accablées, quand Dieu le juge néceffaire pour leur falut. Il permet qu'ils gémiffent long-tems dans un état trèspénible, pour les convaincre de leur foibleffe, pour leur apprendre à ne fe pas élever au- deffus des autres, & pour les obliger de gémir de ce que leur orgueil a befoin d'être arrêté par un fi étrange remede. Que s'ils entendent bien ce langage de Dieu, ils changeront leurs troubles en humiliations, & ne cefferont point de s'anéantir, jufqu'à ce qu'étant devenus humbles, ils trouvent la paix qui eft inféparable de l'humilité.

I.

PREMIERE CAUSE

DES TROUBLES.

S'occuper trop de fes pechez, & trop peu des mifericordes de Dieu.

O

N peut dire de ces perfonnes, qu'ils font à couverts de leurs pechez, & qu'ils les haïffent veritablement,en fuppofant qu'ils n'en commettent aucun de ceux qui font perdre tout d'un coup la grace, & qu'ils veillent affez fur eux-mêmes, pour diminuer les fautes legeres qu'ils ne peuvent entierement éviter. Mais on peut dire auffi qu'ils ne font que très-imparfaitement convertis à Dieu, quand au lieu de le regarder dans toutes leurs actions & dans toutes leurs peines, il arrive que leur amour propre les arrête à eux-mêmes. Ils aiment la vertu, & craignent d'offenfer Dieu. Mais par une fauffe humilité ils s'occupent fi attentivement de leurs dé

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fauts qu'ils n'oferoient lever les yeux au ciel, ni en efperer le fecours dont ils ont befoin. Ils ont affez de connoiffance de leur cœur, pour n'y voir que de la corruption & de la foibleffe; mais fe tenant toujours tournez vers l'abîme de leurs pechez, ils perdent la vûë de tout ce qui pourroit les foutenir, les confoler & les encourager. Ils comptent pour rien les graces qu'ils ont reçûes, & ce qui leur paroit de corrompu dans leur vie, leur femble irréparable. C'est ce qui les porte à s'irriter contre eux-mêmes, à s'impatienter & à entrer en défiance de leurs meilleures actions. Ils tombent dans l'ennui, ils fe défolent de fe voir fi imparfaits, & ne s'apperçoivent pas que cet ennui même eft une des plus dangereufes imperfections, parce qu'il les tient dans une langueur où ils ne peuvent demeurer long-tems fans perdre la force & le courage néceffaire pour fervir Dieu avec la fidelité qui lui eft dûe.

Ces perfonnes agiffent donc contre l'ordre de Dieu, & fe fatiguent inutilement, lors qu'ils ne fe contentent pas de fonder leur cœur autant qu'il eft néceffaire pour connoître leurs fautes

& s'en humilier, qui eft tout ce que Dieu demande d'eux. Ils voudroient au contraire le voir à découvert, n'y appercevoir pas le moindre nuage, & n'y trouver que des fujets de confiance & d'affurance. C'eft dans cette vûë qu'ils fe tourmentent, & qu'ils s'agitent à toute heure par mille réflexions; & ces réflexions, bien loin de leur donner la certitude qu'ils cherchent, ne fervent qu'à les jetter dans de nouvelles inquietudes: Le cœur de l'homme eft Jeremic. un abime impenetrable, comme nous 17.9. Pavons déja dit, & quand on entreprend de le fonder trop avant, on n'y excite que des tempêtes qu'on ne peut calmer très-difficilement. On n'y trouve rien qui n'affoibliffe, qui ne décourage, qui n'abbatte, & qui ne jette dans la langueur; & tous ces mouvemens déreglez font autant d'orages qui nous portent au gré de nos troubles, & qui nous peuvent éloigner du calme & de la paix qui ne fe trouvent qu'en Dieu feul.

que

SECONDE

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