Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

confeffion leur devient très-pénible & comme impoffible. Car ils voyent en eux-mêmes des fautes fans nombre, & ils ne fe jugent jamais dans d'affez bonnes difpofitions pour recevoir la grace de la reconciliation : d'autres au contraire, par impatience voudroient fe confeffer tous les jours. Ils ne s'appliquent qu'à reciter leurs pechez, & ils les auroient repeté cent fois, qu'ils s'imagineroient encore ne s'en être jamais bien accufez; & quoiqu'on leur puiffe dire pour leur donner quel que paix, ils ne ceffent pas de fe plaindre d'eux-mêmes, & de demeurer da n le trouble.

Il y en a qui vont jufques à fe croire indignes de prier Dieu, & qui par une fauffe humilité ne l'ofent faire, dans la penfée que Dieu n'écoute point Joan. 9. les pecheurs, Deus non audit peccatores. C'eft une parole de l'aveugle né qu'il a dite, felon faint Augustin,dan s un temps où il étoit peu inftruit des principes de la religion chrétienne, & qui, prife à la lettre, eft une des plus dangereufes illufions que le demon nous puiffe mettre dans l'efprit. Car au lieu que les plus grands pecheurs fe pourroient convertir, s'ils

demandoient à Dieu un cœur nouveau, & s'ils ne ceffoient pas de l'en prier avec l'ardeur qu'une fi grande grace merite: ceux au contraire, qu'il a plus comblez de fes faveurs, font en danger de les perdre,s'ils n'ont pas foin de les conferver par la priere, & d'en attirer de nouvelles. Tant s'en faut donc que les pecheurs ne doivent point prier, que nous ne prions que parce que nous nous reconnoiffons pecheurs, & fujets à une infinité de pechez. Nous ne demandons de fecours, que parce que nous fommes pauvres, miferables, aveugles; & plus nous fentons nos miferes, plus nous fommes portez à en chercher le remede dans la priere.

Il en eft prefque de même de toutes les autres bonnes œuvrés. Ceux qui s'arrêtent trop à eux-mêmes, & à la confideration de leur impuiffance s'abbattent en forte qu'ils n'ont ni le courage ni la force de les entreprendre. Et en effet, où trouveroient-ils le fecours néceffaire pour accomplir les œuvres de Dieu, puifqu'ils ne le cherchent point en Dieu, & que hors de Dieu il n'y a que foibleffe & aveuglement? Ainfi ils ne font rien de ce

[ocr errors]

qu'ils devroient faire, & ils gâtent même le peu qu'ils font, en ne l'offrant pas à Dieu de toute la plénitude de leur cœur, & ne le faifant point avec la joïe, la paix & la liberté fainte des enfans de Dieu.

Cette difpofition va quelquefois jufqu'à les rendre incommodes à tout le monde. Leur converfation en devient chagrine & pénible. Ils ont de la féchereffe & de la dureté, de l'impatience & du dégoût pour les autres, comme ils en ont pour eux-mêmes. Ils ne font jamais contens de ce qu'ils font, mais ils le font encore moins de ce qu'ils voyent faire aux autres. En effet, il est aifé de concevoir, qu'étant fi peu attentifs à Dieu, & fe regardant toujours eux-mêmes avec des difpofitions fi lâches, ils ne doivent pas paroître plus favorables à leurs freres ce qui fait qu'en toute occafion ils fe laiffent aller à les foupçonner, & à les juger témerairement.

[ocr errors][merged small]

IV.

Combien la fauffe paix des pecheurs &les troubles des gens-de-bien font dangereux.

cheurs

paroif

[ocr errors]

Ln'y a rien de fi peu réglé par la Les pe Ilumiere de la veritable raifon, que la paix & le trouble où font la plû- fent vi. part des hommes. Car quoique les vre en grands pecheurs, par la dureté & l'im- paix. penitence de leur cœur, s'amaffent tous les jours des tréfors de colere, Rom. z; ils ne craignent point le jugement terrible de Dieu. Leur confcience eft tranquille, l'aveuglement où ils font les met dans une entiere affurance; & quand leur cœur eft venu au comble de l'endurciffement, c'eft ce qu'ils ofent appeller la paix. Quand le fort Luc. u armé eft le maître de la place, il tient 21. tout dans le calme, pour lui obéir fans réfiftance, & on ne reconnoît

pour

,

que lui fouverain. C'est pourquoi ceux qui font dans les grands défordres & qui s'y font longtemps accoutumez, ne favent pour l'ordinaiTome 1.

N

re ce que c'est que trouble; ou s'ils en reffentent quelqu'un, c'eft Dieu qui en eft l'auteur, & qui les avertit par ce langage, qu'il eft jufte que des criminels foient dans l'inquiétude & la terreur, puifqu'il n'y a entre eux & l'enfer, qu'ils ont mérité, qu'une vie très-fragile qui peut finir en un mo

ment.

Mais pour ceux qui, par le fecours de Dieu, ont tâché de fe purifier de leurs pechez par la penitence, le demon fait que s'ils étoient en paix, rien ne les empêcheroit d'accomplir toute juftice, & de fuivre Dieu par tout où il les voudroit conduire. Dans le def fein donc de s'oppofer à leur avancement, il fait bien du bruit dans leur cœur, il le remue & y fufcite mille tempêtes, afin qu'ils s'arrêtent à écouter & à voir tout ce qui s'y paffe qu'ils s'en étonnent, qu'ils tombent dans la pufillanimité, & qu'ils perdent le courage de s'adreffer à celui qui d'une feule parole leur rendroit le calme, & leur donneroit le pouvoir de marcher fur les flots, comme il fit autrefois à faint Pierre. Et en effet Matth. pour aller à Jefus-Chrift, ils n'au4. as roient qu'à lui dire avec foi : Jube me

« AnteriorContinuar »