quand nous voyons l'éclair ; mais le bruit qui remplit notre imagination, n'est pas accompagné du tonnerre , & il ne nous fait point d'autre mal , fi nous le méprisons, que de fe faire entendre malgré nous. Ce qui est capable de nous faire plus de peine , c'est qu'il arrive quelquefois que ces phantômes agissent avec tant de violence qu'ils détournent notre esprit de faire aucune réflexion fur ce qui fe passe en nous, & nous ôtent pendant quelque temps, en ap; parence , l'usage de la liberté. On a vû des personnes fort saintes , avoir de fi vives pensées de blasphême contre Dieu, de haine du prochain , de désespoir de leur salut & autres femblables, que pendant quelque temps leur esprit en étoit accablé, & hors d'état de s'appliquer à rien de folide. Tane que la tentation dure , on ne peut prendre conseil ni de foi-même, ni des autres. Mais quand l'orage est diffipé, c'est alors qu'il faut que nous consultions notre cœur. Car si nous nous trouvons très-éloignez de tous les pechez dont les idées ont occupé notre imagination malgré nous; & fi nous avons resisté à ces impressions, autant qu'il a été en notre pouvoir , nous avons tout sujet de ne nous point troubler , & demeurer en repos. VII. Souffrir avec patience certaines ima puissances au bien", où le trouble nous réduit. C Eux qui font sujets à ces troubles regardent ordinairement comme de grands pechez , les agitations qu'ils fouffrent malgré eux, & se plaignent de l'impuissance où ils sont de s'appliquer avec attention à la priere, & aux autres exercices de pieté. Par exemple, il n'est pas extraordinaire de voir des gens qui ont peine à fe défaire d'une histoire, d'une fable,d'un songe, d'une bagatelle qui se presente à l'efprit avec tant d'importunité pendant la priere, qu'ils ne peuvent penser à autre chose quelque effort qu'ils falfent: & puis ils se troublent & s’imaginent n'avoir pas prié Dieu, quoiqu'ils ayent fait ce qu'ils ont pû pour s'acquitter de ce devoir , & qu'ils s’ene foient veritablement acquittez par le desir de leur cour, en quoi consiste toute la priere. Ce que doivent donc faire les personnes qui font dans ces dispositions, pour fe guérir & rentrer dans la paix , c'est de se considerer comme des malades , qui n'ayant pas la liberté d'agir en la maniere qu'ils voudroient , doivent se contenter de faire ce qu'ils peuvent , & fouffrir leur impuissance dans une humble soumission aux ordres de Dieu : ce qui seroic plus utile à leur salut que toute autre chofe qu'ils voudroient faire. Lors que nous nous trouvons dans P'excès d'une fiévre violente , & que notre tête en est toute occupée, il nous est impossible de penser à autre chose qu'à ce que nous souffrons, & nous ne pouvons élever notre cæur à Dicu, sinon peut-être par intervalle & pendant des momens. Notre esprit n'étant pas moins foible que notre corps, nous ne pouvons prier avec attention. Cependant nous ne commettons en cela aucun péché, & perfonne ne peut jamais nous condammer , pour ne pas faire ce qui est entierement au-dessus de nos forces. Mais si après que le mal de têtç & lax Févre font pallez, au lieu de nous appliquer à notre devoir , nous ne faia fons que nous abbattre de ce qui nousest arrivé , nous en plaindre , & nous en inquiéter ; fi nous ne croyons personne que nous mêmes , fi nous n'écoutons rien de ce qu'on nous dit ; pour nous montrer que nous ne des vons pas nous laisser aller à des mouvemens si peu raisonnables : alors on auroit sujet de nous condamner. Car à quoi peuvent servir ces sortes de ré: flexions , finon à nous jetter dans des amusemens , & des inquiétudes également fteriles & pénibles. VIIL Ce qu'il faut faire pendant que l'imx gination est le plus fortement agitée. S'assujettir aux remedes qu’on nous propose. Q Uand notre imagination est frap pée de quelque idée vive & préfente toute notre ame s'en refa fént malgré nous. Il est impossible d'en arrêter les mouvemens , & il faut attendre que cet état passe & finiffe de lui-même. C'est encore comme l'accès d'une fiévre violente, qui nous réduit à ne favoir plus ni où nous sommes, ni ce que nous faisons. Il y a sujet d'esperer que nous fortirons de certe mifere ; mais pendant qu'elle dure , que pouvons-nous faire , sinon d'élever quelquefois nos yeux vers JesusChrist, de reconnoître devant lui ce que nous sommes, d'attendre qu'il nous délivre , de fouffrir notre état avec patience, de tâcher de ne nous point troubler du peu d'attention que nous avons à la priere, ni des peines que nous trouvons alors dans tous les exercices de pieté ? Mais quand nous fommes enfin fortis de cet état, & que nous avons quelque bon moment, ne recommençons pas à nous inquiéter de ce que nous n'avons point empêché notre esprit de se laisser aller à l'inquiétude ; & veillons fur nous-mêmes, pour bien employer ce temps de lumiere & de repos. Appliquons-nous à nos devoirs, fans nous amuser inutilement sur ce qui s'est passé en nous, fans nous mettre en mauvaise humeur |