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que

leur fit trouver dans eux-mêmes des fujets de joie, de confolation, & de confiance; & de plus, qu'il les affurât de la rémiffion de leurs pechez. Ils voudroient que leur cœur fût devant leurs yeux, pour ainsi dire,& n'y trouver rien de tous ces mouvemens

déreglez & corrompus qui fe mêlent

dans les meilleures actions. Ils fouhaiteroient fentir bien de la tendresse de devotion, & favoir affurément qu'elle vient de Dieu. En un mot, ils prétendroient qu'on leur procurât un parfait repos, non en les guériffant de leur mauvaise difpofition; mais en les éloignant des objets dont ils font frappez ; & qu'on les délivrât de leurs peines, non en leur faifant voir le tort qu'ils ont de faire tant de réflexion fur eux-mêmes, mais en éloignant les objets qui les entretiennent : & enfin qu'il n'y eût plus pour eux ni de foi-. blaffe, ni de tenebres; ni de tentation, ni rien de tout ce qui leur peut caufer du trouble & de l'inquiétude. Ils voudroient, à l'exemple de cette dame, dont il eft parlé dans faint Gregoire le grand, qu'on les affûrât de la part de Dieu, du pardon de leurs pechez. Ils ont une très-grande pente à de

mander cette grace à Dieu, & peutêtre que leur cœur la demande par de fecrets defirs, fans qu'ils s'en apperçoivent. Car c'eft en effet à quoi ils tendent, quoiqu'ils n'ofent le dire, ni aux autres ni à eux-mêmes. Ainfi ils ont befoin de méditer ferieusement la réponse que ce faint pape fit à cette dame à qui il écrit en ces termes. Ep.22.01 Quant à ce que vous ajoutez: Que® » vous ne cefferez point de m'importuner, jufques à ce que je vous aye' écrit que Dieu m'a revelé, que vos pechez vous ont été pardonnez, Vous demandez une chofe fort diffi»cile & fort inutile. Elle eft difficile » parce que je fuis fort indigne que Dieu me faffe des revelations ; & elle eft fort inutile, parce qu'il ne vous fera pas avantageux d'être fans » crainte à l'égard de vos pechez, que » lors qu'ayant terminé votre vie, vous ne ferez plus en état de les pleurer. Mais avant ce temps-là, il a eft bon que vous foyez toujours dans le tremblement & dans la

frayeur pour les fautes que vous

avez commifes, & que vous tachiez tous les jours de les effacer par vos larmes. L'Apôtre faint Paul » avoit

avoit été élevé au troifiéme ciel, il « avoit appris dans le paradis des fea crets dont il ne lui étoit pas permis de parler; & il ne laiffoit pas de dire « qu'il châtioit fon corps, de peur qu'après avoir prêché les autres, il ne « fût lui-même rejetté de Dieu. Ce- « lui qui avoit été élevé au ciel, ne < laiffoit pas de craindre; & nous vou- « drions être délivrez de toute crain- « te, nous qui sommes encore si atta- « chez à la terre. Confiderez,ma fille, que l'affurance produit ordinaire-a ment la négligence, & qu'ainfi vous ∞ ne la devez pas chercher en cette « vie, de peur que vous ne tombiez dans le relâchement. Il eft écrit: bienheureux eft l'homme qui est tou- « jours dans la crainte; & le Prophe- « te nous exhorte de fervir Dieu avec c une telle crainte, que la joïe que « nous avons en lui foit toujours ac- « compagnée de tremblement. Il'eft donc néceffaire que dans l'efpace fi court de cette vie, la crainte foit «< comme la gardienne de notre ame, «< afin qu'après qu'elle fera feparée de « notre corps, elle jouiffe fans fin de « la joïe que donne la pleine affuran- « ce du falut ».

Tome 1.

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1

XIV.

Qu'il eft utile de ne connoître pas l'état de la grace, où Dieu

nous met.

Con des pechez, fe

E que dit faint Paul de la rémiffion

&

peut dire generalement des graces, des vertus de tout ce qu'il y a de bon dans le fond de notre cœur, ou dans nos actions exterieures, Car c'eft fouvent un effet de la mifericorde de Dieu de nous les cacher, & de permettre qu'elles foient couvertes à nos yeux par une multitude infinie de mouvemens humains que notre imagination conçoit, & que notre cœur produit, fans que notre volonté y ait aucune part. Il y a une nuit qui ne nous eft pas moins néceffaire que le jour; car la vûe de la grace pourroit nous être encore plus dangereufe que celle de nos pechez; & la complaifance que nous y aurions, nous feroit plus de mal que toutes nos inquiétudes ne nous en peuvent caufer. Dieu nous cache fes graces, de peur

que nous ne les gâtions, & que nous n'en fallions un mauvais ufage. Il eft vrai que nous voudrions bien au moins être affurez que c'eft là le deffein de Dieu, quand il nous laiffe dans les ténèbres, mais cela ne produiroit pas l'effet que Dieu prétend. Ce feroit être affuré de poffeder fa grace, que de fçavoir que c'eft lui qui nous la tient cachée : & ainfi comme cela n'arrêteroit pas notre préfomption, nous n'abuferions pas moins de cette connoiffance que de la premiere. Contentons-nous donc des graces que Dieu nous fait, fans prétendre qu'il nous les faffe connoître. Condamnons même cette prétention, puifque le bien qui eft en nous n'y peut être en quelque fureté que lorfqu'il eft tellement Couvert que nous ne le voyons pas nous-mêmes.

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