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XIX.

Nous tombons dans la langueur, parce que nous nous abandonnons

Ε

trop à nos réflexions.

CE n'eft pas cet état de foibleffe &

d'obfcurciffement, qui par foimême nous caufe ces inquiétudes fi dangereufes au falut. Nous y pouvons être & y avoir la paix, fi nous nous fouffrons tels que nous fommes avec humilité & avec patience, en nous foumettant avec fidélité aux ordres de Dieu & à la conduite qu'il plaît à fa providence de tenir fur nous. Quelque mobilité qu'ait notre efprit, nous ne laifferons pas de demeurer fermes & immobiles. Mais dès qu'on s'abandonne à des réflexions trop vives, trop fréquentes & trop humaines fur nos imperfections, elles jettent notre ame dans uné extrême langueur; elles éteignent en nous l'efprit de priere, elles nous empêchent de nous élever à Dieu avec confiance, elles nous amufent inutilement, & deviennent un trèsgrand obftacle aux bonnes œuvres qu'

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on pourroit faire. Il eft certain que fi nous les regardions comme très contraires au vrai bien, nous y refifterions toujours, & que nous les combattrions par toutes les voies les plus propres à nous en défendre. Il eft bon fur tout, pour engager ceux qui font fujets à ce mal, à s'acquitter de ce devoir fi néceffaire à leur falut, de leur faire confiderer l'inutilité de tant de réflexions qu'ils ont fi fouvent faites. Car pour peu qu'ils veuillent confulter leur propre experience, ils trouveront qu'elles n'ont jamais fervi à les avancer, qu'elles ne leur ont point procuré plus de connoiffance d'eux-mêmes, & qu'elles n'ont fait au contraire que les embaraffer davantage, & les jetter dans de plus épaiffes tenebres.

X X.

Ne connoître fon cœur que felon la mefure & en la maniere que Dieu veut que nous le connoiffions.

L eft vrai que c'eft un grand avantage que de fe bien connoître. Mais il faut que ce foit Dieu qui nous donne cette connoiffance, & qu'il la tienne dans la juste mefure qui nous convient. Car il eft également dangereux de ne fe connoître point, & de fe connoître trop parce que fi l'un eft une fource d'égarement, l'autre eft une fource de défefpoir. L'on peut dire même, qu'il n'y a point de faint d'une vertu affez forte pour foutenir en cette vie la vûe de fes ténebres, de fæ corruption & de fes pechez, fi Dieu lui découvroit toutes ces chofes telles qu'elles font dans fon cœur. Il faut donc que Dieu tempere cette connoiffance, & qu'il la proportionne à notre foibleffe. Comme c'eft de lui de qui nous la devons attendre, & qu'il n'y a que celle qu'il nous donne qui nous

puiffe être véritablement utile, le meilleur moyen qu'ayent les pecheurs pour l'obtenir, c'eft de ne prétendre point penetrer le fond de leur cœur, c'eft de s'arrêter aux pechez qu'ils fçavent certainement avoir commis, & de les corriger, fans fe juger euxmêmes & fe condamner fur ceux dont ils n'ont point d'affurance : c'eft de détourner leur efprit des pensées triftes & affligeantes qui les portent dans l'abbattement, & de s'occuper plus de Dieu que d'eux-mêmes ; puifque c'eft ce que Dieu demande d'eux dans l'état où ils font, & qu'il n'y a pas de meilleur moyen d'engager fa bonté à nous accorder ce que nous defirons de lui que de faire ce qu'il defire de

nous.

XXI.

Les troubles nous empêchent de (uivre la volonté de Dieu, & de la connoitre.

Ous n'avons jamais d'excufe legitime de ne pas obéir à Dieu.

Car, ou nous connoiffons fa volonté

ou nous ne la connoiffons pas. Si nous la connoiffons, il faut fe porter à l'exécuter courageufement aux dépens de toute chofe: il faut nous employer tout entier à l'ouvrage de Dieu, fans avoir égard ni à nos ténebres, ni aux difficultez qui ne manquent jamais de fe rencontrer dans la voie étroite. Mais fur tout nous devons bien prendre garde de ne diffiper pas les forces de notre ame à combattre des phantômes, & ne nous fatiguer point par des inquiétudes également pénibles & inu

tiles.

Que fi nous ne connoiffons pas affez la volonté de Dieu, nous connoiffons au moins qu'il la faut chercher. Or la chercher véritablement, c'eft embraffer les moyens qui font propres pour la trouver, & rejetter tout ce qui peut nous arrêter dans notre ignorance. Ces moyens de la trouver font la paix, la confiance, la priere, la docilité, l'application à fes devoirs. Et au contraire ce qui peut nous empêcher de la connoître ; c'eft l'inquiétude, la défaillance, la défiance du fecours de Dieu, la perte du temps, l'attachement à fes penfées, la négligence à prier. Or tout cela eft inféparable, &

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