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de ces productions de notre imagina tion. Ceux qui font fujets à ces peines doivent donc fe réfoudre à les porter toute leur vie. Mais comme elles peuvent être en differens degrez, ils doi→ vent efperer de la bonté de Dieu, qu'il les réduira de maniere qu'elles feront plûtôt un fecours qu'un obftacle à leur falut.

XXIV.

Les Directeurs doivent avoir beaucoup d'égard à la foibleffe des perfonnes agitées de ces troubles.

C'E

'Eft ce qui oblige ceux de qui ils prennent confeil, d'agir avec beaucoup de prudence, de fe proportionner à leur foibleffe, de ne les pas trop preffer, & de leur faire entendre pour leur foulagement, que quelque defir que l'on ait de les voir dans une pleine paix ; neanmoins on eft prêt de les fupporter tels qu'ils font, quand cet état dureroit toute leur vie. Qu'on leur demande feulement qu'ils fe fupportent eux-mêmes-avec la même patience; qu'ils fe foumettent avec plus de

fimplicité aux avis qu'on leur donne, qu'ils fe perfuadent que cette foumiffon leur fera d'autant plus utile, qu'elle fera plus entiere; qu'ils furmontent toute la repugnance qui les en détourne; qu'ils demandent à Dieu cette grace de tout leur cœur, qu'ils la defirent ardemment, qu'ils faffent tout ce qui leur fera poffible pour l'obtenir enfin qu'ils n'apprehendent pas trop leur foibleffe, puifqu'avec toutes ces foibleffes, ils ne doivent pas moins efperer leur falut: y ayant tout fujet de croire que Dieu ne les laiffe dans cette affliction d'efprit, que pour les garantir de l'orgueil & les tenir dans T'humiliation & le gémiffement qu'il juge néceffaire à leur falut.

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Ce n'est pas une petite faute de ne preffer pas ces perfonnes de faire ce qu'ils peuvent; car c'eft les entretenir dans la pareffe & augmenter leur mal. Mais c'en eft encore une plus grande, de les preffer avec trop de zele de fortir de leur trouble, & de ne pas affez difcerner ce qui eft, ou se qui n'eft pas en leur pouvoir, puifque c'eft un moyen infaillible de les troubler encore davantage. Car fi; fans avoir égard à leur foibleffe, nous

prétendons les obliger à furmonter feur inquiétude; & fi parce qu'ils ne le font pas, quoiqu'ils faffent peutêtre tout ce qui eft en eux, nous nous impatientons,comme s'ils manquoient de déference à nos avis; nous leur faifons injustice, & nous les jettons dans de nouveaux embarras qui font plus dangereux que les premiers. Ils ne fçavent que faire, car quelque déference qu'ils ayent pour ce qu'on leur dit,' ils ne peuvent fe rendre maîtres des impreffions qu'ils reçoivent continuellement de leur imagination: Ils ne fçauroient affez diftinguer dans leur trouble ce qui eft, ou ce qui n'eft pas volontaire. Ils voudroient de tout leur cœur en être délivrez: mais comme

c'eft un ouvrage qui ne fe peut achever qu'avec beaucoup de tems & de travail, & qu'ils s'y croyent pourtant obligez parce qu'on les en preffe on les met en danger d'entrer dans une continuelle défolation, & de défefperer plus que jamais de trouver aucun foulagement à leurs maux.

XXV.

Comme on les fupporte avec patience, ils doivent fe fupporter de même.

M

:

Ais comme on les doit fupporter avec patience, ils fe doivent auffi fupporter avec la même patience. Il ne faut pas qu'ils s'irritent contre eux-mêmes, ni contre leur foiblesse il faut qu'ils ne négligent pas de s'en relever, & que fans fe plaindre que c'eft en vain qu'ils prient, ils continuent de prier & qu'ils s'abandonnent aveuglement à Dieu, dans la vûë de Matth. 7. cette grande verité dont la foy les affure, qu'il écoute toujours les vœux qu'on lui fait, & qu'il accorde tout ce qu'on lui demande, fi on perfe vere à le prier comme il faut. (Non. S. Aug. auferet à corde meo mifericordiam fuam; fi non deficit in ore meo oratio mea.) Que ce n'eft pas aux hommes à prefcrire à un Dieu éternel le tems de fes mifericordes; qu'il les répand dans les momens que lui feul connoît, & quand ce ne feroit qu'à l'heure de no

7.

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tre mort ce don eft fi précieux qu'il mérite bien que nous employions tout le tems de notre vie à le demander. Qu'ils le demandent donc avec perfeverance, & la priere formera en eux un commencement de paix & de joie qui calmera enfin toute leur inquiétude.

XXVI.

Les hommes doivent beaucoup plus confiderer la mifericorde de Dieu que fa juftice.

M

Ais comme la priere ne fe fait pas ordinairement fans pensée, & que nous pouvons nous y occuper de divers objets de pieté, ceux qui font dans le trouble n'en doivent pas choifir qui foient propres à augmenter ou à renouveller le trouble qu'ils reffentent. La vûë de la juftice de Dieu & de fes jugemens leur caufent pour l'ordinaire trop de frayeur. Ils doivent plûtôt s'occuper de celle de fa mifericorde. Car Dieu veut que nous nous fervions de cette double vûë pour met

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