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Non turbetur cor veftrum.

Que votre cœur ne fe trouble point.

N

Otre Seigneur voyant ses Apôtres troublez par l'apprehension de fon abfence, les confole & leur commande de ne fe point laiffer aller à l'inquietude ni à la crainte. Ce n'eft pas que Jefus-Chrift ne fût combien étoit grande leur foibleffe, & combien leur chûte feroit dangereufe. Il connoiffoit que tous l'abandonneroient,& que faint Pierre le renieroit: & malgré toutes ces circonftances, il ne laisse pas de leur donner de la confiance, pour nous apprendre par cette conduite & par ces paroles toutes divines que non feulement il veut que les ames déja plus avancées, & qui ont une vertu folide, mettent en lui leur efperance, & y rencontrent la paix; mais que les perfonnes mêmes les plus foibles, & qui feroient comme toutes brifées de leurs chûtes, ne s'en troublent point; mais qu'ils ayent recours à ce divin fauveur, qui ne les confo

Tome I.

T

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leroit pas avec des paroles fi avantageufes, s'il n'avoit le defir de les relever de leurs chûtes, & de les foutenir de fa main.

Il femble que nous ne devions rien ajouter à ces paroles, & qu'elles devroient fuffire pour appaiser notre ame, & nous donner une parfaite paix. Jefus-Chrift au milieu des tempêtes ne fit que commander à la mer & aux vents qu'ils ceffaffent, & auffi-tôt les tempêtes & les flots lui obéirent. Pourquoi donc à fa feule parole les troubles, les inquietudes & toutes les peines de notre ame ne fe diffipent-elles pas? C'eft que les perfonnes qui font en cet état, croyent que ces paroles ne s'adreffent pas à elles, qu'elles font bonnes pour les ames qui font foibles d'une autre maniere; mais que pour elles, elles ne méritent pas cette grace, & n'en font point capables.

Que fi l'agitation & le défordre de leur cœur leur laiffent encore quelque defir de fortir de leur mifere, elles doivent confiderer attentivement qu'il n'y a point de trouble que Jefus-Chrift ne puiffe & ne veuille appaifer, puifqu'il eft la fouveraine paix : qu'il n'y a point de maladie qu'il ne puiffe &

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qu'il ne veuille guérir, puifqu'il eft un medecin également bon & puiffant. Pour tâcher d'entrer dans ces veritez il faut confiderer ce que dit faint Augustin fur ces paroles de David: Imperfectum meum viderunt oculi tui, SEI- Pl. 138. GNEUR, vos yeux ont vû mes foibleffes, & tout ce qui eft imparfait en moy. C'est déja une grande confolation de favoir que Dieu ne retire point fes yeux, ni fa lumiere de deffus nous : qu'il nous regarde même dans nos plus grandes foibleffes, & qu'il ne nous oublie pas lorfque nous l'oublions.

Saint Auguftin explique cette verité par l'exemple de faint Pierre. Les yeux de Dieu qui pénetroient fon cœur voyoient la préfomption, quand il promettoit à fon maître qu'il le fuivroit par tout, & à la mort même. Il voyoit auffi fa lâcheté, & qu'il le renonceroit à la fimple parole d'une fervante. Dieu voyoit l'orgueil de cet Apôtre: il arrête pourtant fes yeux fur lui après qu'il l'a renié trois fois; il le regarde encore avec des yeux de mifericorde, il répand une lumiere qui lui fait connoître fon peché, & agit avec une bonté qui lui en donne le repentir. Il eft certain que cet Apôtre

V. 16.

fi

fi foible & fi imparfait fe fût perdu au
temps de la paffion de fon maître,
Jefus Chrift ne l'eût regardé : & tous
les imparfaits comme lui fe perdroient
quand ils font fortement tentez, fi
Dieu ne les regardoit. Tous les pe-
cheurs ont donc raifon de croire que
leurs tenebres & leurs pechez feroient
fans remede, fi Jefus-Chrift n'avoir
les yeux fur eux. Mais ils ne peuvent,
fans perdre la foi, croire que Jefus-
Chrift ne les regarde pas, ou que fes
regards ne font pas affez puiffans
les fecourir.

pour

Les paroles de David qui fuivent semblent être encore plus remplies de confolation pour les foibles: Et in li-. Pf. 138. bro tuo omnes fcribentur, Tous feront écrits, Seigneur, dans votre livre. Ce ne font pas feulement les parfaits qui font écrits dans le livre de vie, mais auffi les foibles. Ce ne font feulement les perfonnes riches & puiffantes qui font appellées au feftin du pere de famille; mais il contraint même les pauvres, les aveugles, les boiteux & les malades d'y entrer.

Luc. 14.

pas

Saint Auguftin ajoute: Non timeant imperfecti, que les imparfaits ne craignent point. Non feulement il ne veut

pas qu'ils fe troublent, mais il veut même les délivrer de la crainte: cette crainte qu'il veut leur ôter, n'eft pas celle que les faints confervent encore dans le ciel, où ils adorent Dieu avec tremblement, puifqu'il eft toûjours jufte de craindre le Seigneur d'une crainte chafte, & comme des enfans qui craignent d'autant plus d'offenfer leur pere, qu'ils connoiffent davantage fa bonté. Il ne veut pas non plus délivrer les imparfaits de cette crainte, que la feule charité peut chaffer de 1. Joan, nos ames lors qu'elle eft parfaite. Nous 4. 18. devons toujours craindre, tant qu'elle ne le fera pas encore: mais d'une crainte chafte, qui nous faffe chercher des remedes à nos pechez, qui nous faffe veiller contre les tentations, & qui nous preffe d'avoir recours à Dieu afin qu'il nous revête de fa force.

Si, lors que dans les affaires du monde, le trouble nous faifit auffi-tôt, nous ne fommes plus capables, ni de trouver confeil en nous-mêmes, ni de fuivre celui des autres; cela eft enco re plus vrai dans les chofes fpirituelles. Il n'y a point de peché que la parole de Dieu ne puiffe guérir: le trouble empêche que nous n'écoutions

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